L`Intermède
briony tallis, atonement, reviens-moi, joe wright, ian mcewan, roman, adaptation, cinéma, portrait, parcours, biographie, critique, vanessa redgrave, keira knightley, écrivain, roman, expiation1. Briony Tallis :
La vérité absolue, ou presque

L’écrivaine britannique publie ces jours-ci son nouveau roman, Expiation, aux éditions Lettrines. Dans son appartement, à Londres, elle vit entourée de livres. A ses pieds, une machine à écrire qui n’a pas servi depuis quelques années. Briony Tallis semble fatiguée. "Mais ce n’est pas une excuse pour ne pas parler", dit-elle en souriant.


Elle n'a jamais changé de coupe de cheveux, arborant le même carré blond avec raie sur la gauche qui lui dessine le visage depuis son plus jeune âge. Les photographies de son enfance, accrochées dans le couloir qui mène de la porte d'entrée au salon de son appartement situé à Portobello Road, non loin de Notting Hill, révèlent que son regard n'a pas changé non plus, comme une tristesse diffuse qui a traversé les années. Un regard de femme alors que Briony Tallis n'avait que 10 ans, un regard d'enfant aujourd'hui qu'elle en a 86 et publie son vingt-et-unième roman, Expiation.

Lors de sa toute première incursion dans l'écriture, l'été est chaud, et des cousins éloignés rendent visite au manoir familial, dans le pays de Galle. Son premier texte est une pièce de théâtre au titre qui, plusieurs années après, "[la] fait encore frissonner" : Les jugements d'Arabella. Elle a alors 13 ans, explique l'écrivaine, dans un français soigné, et veut monter une représentation, sans succès. "Ma mère avait beaucoup aimé le texte, mais ma grande soeur, Cecilia, n'avait pas même daigné le lire. Je cherchais beaucoup l'approbation de mes proches." Et sur une machine à écrire qu'elle a trouvé dans le grenier, une Remington de 1927, Briony passe l'été 1935 à faire résonner la mécanique : "Je la transportais partout avec moi. Je me mettais au fond du parc, sur la rive de l'étang, au bord de la fontaine... et je tapais sur les touches combriony tallis, atonement, reviens-moi, joe wright, ian mcewan, roman, adaptation, cinéma, portrait, parcours, biographie, critique, vanessa redgrave, keira knightley, écrivain, roman, expiationme sur celles d'un piano. J'étais très solitaire. Ce qui est étrange, d'ailleurs, c'est que c'est une pièce que j'ai écrite, et non un roman. Dans un roman, on dit 'château' et on voit tout de suite les tours, la forêt, et tout un monde... dans une pièce, on dépend des autres." Et le premier roman ? "Ce fut quelques années plus tard. Des brouillons griffonnés dans les années 40. Mais je ne l'ai pas publié. Enfin... pas jusqu'à aujourd'hui."

Expiation est le dernier texte de Briony Tallis. Atteinte d'une maladie vasculaire incurable, elle avoue avec une pointe d'humour dans la voix qu'elle perd "[s]es mots et [s]a mémoire, ce qui, pour un écrivain, est plus ou moins l'essentiel." L'écrivaine explique que ce nouveau roman est, ironiquement, à la fois son premier et son dernier ouvrage. Il assure qu'il est "entièrement autobiographique", elle n'a pas même changé les noms : "J'ai décidé, depuis très longtemps, de dire la vérité absolue. Pas de rimes, peu de figures de style... Je me suis renseigné sur les évènements dont je n'ai pu être directement témoin. Les conditions en prison, l'évacuation de Dunkerque... et l'effet de toute cette honnêteté a été très dur pour moi" explique-t-elle, avant de demander une pause. L'entretien n'a pourtant commencé que depuis dix minutes.

Ses yeux s'affaissent, le sujet est délicat. Elle quitte la pièce, revient avec un verre d'eau qu'elle boit lentement, d'une traite. Elle pose le verre sur le guéridon en bois sombre à ses côtés, prend une grande inspiration, et reprend. Elle semble aussi sereine qu'inquiète quand elle parle à nouveau de cet été qui, dans son roman, occupe toute la première partie : "Ma soeur et un ami de la famille, Robert Turner, étaient tombés amoureux l'un de l'autre. J'étais jalouse. Comme je le raconte dans Expiation, j'ai menti pour les séparer." Ce même été, elle lit une lettre érotique que l'amant a adressée à sa soeur aînée. Choquée, elle monte une histoire, accusant Robert d'avoir agressé sexuellement Cecilia. Elle fait une fausse déposition, et lui est emmené par la police, recruté par l'armée, mobilisé sur le front. "Ils se sont perdus de vue", soupire-t-elle.
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Les années passent, Briony atteint la majorité en 1940 et est infirmière dans l'armée. Comme sa soeur. Mais elles ne sont pas en poste dans le même hôpital, et Briony soigne les grands blessés du St-Thomas Hospital, à Londres. Elle était acceptée à Cambridge, elle a préféré "[s]e rendre utile." Jeune femme, elle s'occupe en particulier des soldats français, dont elle a appris la langue à l'école. Elle se dit très réservée, à l'époque, ne cherchant pas à rencontrer de garçon "comme la plupart de [s]es amies." La nuit, elle va souvent se cacher dans une chambre pour écrire ses histoires. C'est là qu'elle commence à mettre sur papier ce qui va devenir Expiation : "J'étais accablée par la culpabilité d'avoir séparé ma soeur et Robert. J'avais besoin de tout écrire, de tout raconter" poursuit-elle d'une voix calme. Les sourcils haussés, elle parle de cet épisode de sa vie comme une étrangère, comme si elle ne l'avait pas vécu. Elle tourne la tête vers un miroir, un rictus apparaît. Elle se tait quelques secondes, et reprend d'elle-même : "Je n'ai jamais été une belle femme, ni jeune, ni maintenant. Enfant, je détestais les miroirs. Je préférais regarder mon reflet à travers une vitre."

Dans le second acte d'Expiation, l'Anglaise revient sur la guerre, son métier d'infirmière et, surtout, les retrouvailles avec sa sœur. Après l'arrestation de Robert, sa soeur "Cee", comme elle l'appelle, ne lui a plus adressé la parole. Elle est partie du manoir quelques semaines plus tard, ne donnant des nouvelles à la famille que par courrier. A Londres, Briony trouve son adresse et va la voir. Cette scène de retrouvailles, l'écrivaine la (d)écrit dans son roman : un samedi matin, elle arrive chez sa soeur, et Robert est là. "Ils s'étaient retrouvés depuis quelques semaines. Il était brisé, et m'a hurlé dessus, me demandant d'aller modifier ma déposition." Mais, en réalité, cette rencontre n'a pas eu lieu. "Trop lâche pour aller voir [s]a soeur", selon ses propres mots, Briony Tallis a inventé cet épisode : Robert Turner est mort de septicémie à Bray-Dunes, le 1er juin 1940, le dernier jour de l'évacuation. Et Briony n'a jamais briony tallis, atonement, reviens-moi, joe wright, ian mcewan, roman, adaptation, cinéma, portrait, parcours, biographie, critique, vanessa redgrave, keira knightley, écrivain, roman, expiationpu arranger les choses avec Cecilia, morte le 15 octobre 1940, dans l'attentat à la bombe qui détruisit les canaux de gaz et d'eau de la station de métro de Balham, où elle et d'autres avaient trouvé refuge. Elle est morte noyée. Les deux amants ne s'étaient pas revus depuis leur séparation, en cet été 1935.

Expiation ne serait pas, alors, exclusivement autobiographique, comme le clame celle qui a remporté le Booker Prize en 1983 ? Tallis n'en reste pas moins romancière, et estime qu'une telle fin serait trop "frustrante" pour les lecteurs. Donc, dans le livre, elle dit avoir voulu donner à Robbie et Cecilia "ce qu'ils n'ont jamais pu vivre" : une fin heureuse. "J'aimerais penser que cela n'est pas de la faiblesse ou une fuite de ma part, mais simplement un dernier geste de gentillesse. Je leur ai donné leur bonheur."

Sa voix se casse sur la dernière phrase, prononcée en anglais. Elle replace la barrette qui tient sa mèche droite. A 86 ans, après avoir traversé le XXe siècle, publié vingt romans et être devenue l'une des plus grandes écrivaines britanniques de son époque, Briony Tallis semble frêle comme une image. Une vie entière construite sur un mensonge, et à chaque nouveau passage derrière la plume, la peur de dire ce qu'il s'est réellement passé. Jusqu'à ce que, condamnée par la maladie, elle se décide à coucher sur papier la "vérité absolue". Un sourire réapparaît sur ses lèvres : "Les choses ne sont peut-être pas aussi simples que j'ai bien voulu le croire". Briony Tallis n'est plus dupe.
 
Johan Delors
Le 29/01/10

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Briony Tallis est l'anti-héroïne du mélodrame Atonement (Reviens-moi en français), adapté du roman éponyme d'Ian McEwan - qui a, par la suite, publié un roman intitulé Expiation... -, réalisé par Joe Wright et récompensé par le Golden Globe du meilleur film dramatique en 2007.










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