Édito # 12
Celui qui aimait (ou pas)
Aujourd'hui, le geste critique s'est généralisé. Du micro-trottoir aux commentaires en bas de chaque page internet, chacun y va de son opinion. Dès lors, la critique professionnelle peut revêtir deux rôles : soit une confiance s'instaure entre un journaliste et ses lecteurs, qui peuvent choisir dans ce cas de se fier à son jugement, soit l'opinion qu'il professe n'en est qu'une parmi d'autres qui, même justifiée par des arguments, trouvera généralement son exacte opposée, tout aussi justifiée, dans le média concurrent. Il reste bien sûr le plaisir de débattre, de confronter son avis avec celui d'autrui, de se trouver conforté dans sa vision des choses ou, à l'inverse, d'être scandalisé par l'opinion contraire. Mais faute de place et de temps, il est rare que la critique puisse se faire analyse et ne soit pas qu'une distribution de bons ou de mauvais points.
Sur
L'Intermède,
nous vous le disions le mois dernier, nous prenons notre temps. Vous ne trouverez donc pas ici de jeux rhétoriques où l'on raye une œuvre d'un trait de plume acerbe, par un bon mot et un regard entendu. Nous ne traitons pas tous les événements qui rythment la vie culturelle, française ou internationale, en les passant à la moulinette d'un jury qui votera bleu ou rouge, donnera une ou cinq étoiles. Nous faisons le choix de publier peu d'articles (entre trois et cinq par semaine) ; il s'agit donc d'évoquer un événement parce qu'il nous a interpelés, intéressés, émus, ou bien parce qu'il nous semble un bon prétexte pour aborder un thème plus général. Nous n'avons pas tous les mêmes goûts au sein de la rédaction, mais refusons justement d'adopter une posture de jugement, préférant laisser le soin aux uns et aux autres d'expliquer pourquoi telle oeuvre ou tel artiste est important dans l'histoire de l'art et des idées.
L'enjeu n'est pas faible : très (trop ?) souvent, les lignes éditoriales des médias se dessinent, façon Amélie Poulain, par ce qu'ils aiment ou n'aiment pas, et se forgent ainsi une identité claire dans le flot de supports journalistiques qui existe. Cela a le mérite de cibler également un public, chose si importante pour les investisseurs et actionnaires ; ainsi se dégagent des images plus ou moins populaires, plus ou moins élitistes, qui forcent parfois le trait jusqu'à la caricature. Face à ces identités marquées, nous faisons le pari de pouvoir apprécier tout et son contraire. Nous vous défions de dire à l'avance ce que les journalistes et universitaires de
L'Intermède traiteront ou pas de l'actualité dans les mois à venir. Notre ligne éditoriale commence par cela : la surprise.