
germanique de la Kammerspiel, théâtre de chambre qui entendait battre en brèche les codes du théâtre bourgeois par une dramaturgie minimaliste faisant la part belle à la participation émotionnelle du spectateur. Et de fait, s’il y a du Ibsen dans la galerie des personnages tourmentés qui sont donnés à voir, l’action évolue sur un mode plus ludique et léger, l’inscrivant moins sous le signe de Bergman que d’un Christophe Honoré.
Personne n’a accès à la totalité de la représentation selon le même ordre, chacun découvre les scènes dans l’ordre assigné à son groupe, dessinant des parcours de spectateur singuliers. Mais si l’on ne peut voir ce qui se passe ailleurs, on sent que ça joue aussi derrière, on le devine à certains bruits étouffés qui sourdent au travers des cloisons, à l’instar des signes de vie que perçoivent les clients de l’hôtel. Cette immersion participe de l’expérience troublante que propose Portraits hôtel, celle d’un brouillage référentiel : si tous les signes extérieurs renvoient à un hôtel authentique, on se croirait pourtant dans un décor de cinéma. L’irruption de la fiction déréalise l’espace, le frappant du sceau de l’illusion théâtrale. Chaque chambre devient un microcosme qui ouvre un accès fugace à un univers individuel, dans un plaisant jeu de séduction/frustration, car le spectateur est mis à la porte au bout d’un quart d’heure.
hallucinatoire, appelle à l’aide la réception en s’exclamant « Il y a des gens dans ma chambre ! Je vous vois ! Sortez ! », la scène se superpose avec la situation réelle, faisant coïncider temps vécu et représenté, ce qui ne manque pas d’instaurer un léger malaise chez le spectateur, renvoyé à une forme d’intrusion voyeuriste. On effleure ici le happening, qui ébranle les certitudes et fait entrer le spectateur dans une forme d’expérience collective à l’issue indéterminée.
Sortir au théâtre est une activité sociale où l’on regarde et se montre plus qu’on ne s’y dévoile – la pudeur est de mise, les marques d’émotions fortes culturellement proscrites, contrairement à ce qui se passait autrefois. C’est tout l’intérêt du dispositif proposé ici : instaurer les conditions d’un véritable dévoilement de l’intime à travers une sollicitation puissante des spectateurs, sans pour autant les contraindre, ni les prendre au dépourvu.