l'artiste cerne avant tout une aspiration disparue à "faire sonner le piano par le timbre, le faire parler". La rencontre avec ce "piano qui parle", c'est à son premier professeur, Carmen Taccon-Devenat, qu'il la doit. Nul besoin de fouiller sa mémoire, le souvenir est intact : "Je suis arrivé chez elle à la main de mon père, tout me paraissait très grand. Je n'avais que cinq ans. J'avais un petit sous-pull blanc et un pantalon en velours côtelé, très à la mode à l'époque. Je me souviens surtout qu'elle a mis un gros coussin sur le tabouret du piano qui, même à sa hauteur la plus élevée, était trop bas pour moi. On m'a porté, puis elle a pris ma main droite de sa main gauche et l'a posée sur le piano. Je me rappelle de ce premier contact charnel, non seulement avec le clavier mais avec la main de ce professeur qui, tout en étant douce, me dirigeait déjà. Cette seconde-là a été un basculement dans ma vie."
que je me sens vraiment chez moi". Mais de cette scène, Alexandre Tharaud n'en affectionne pas seulement l’envers. Toute difficile que soit à traverser la mise à nu des récitals, dans laquelle sa condition de soliste le jette inévitablement, le pianiste aime sincèrement ses rencontres avec le public. Bien au-delà de l’exhibition, il n'aime pas moins le danger de cette seconde qui les précède. Franchir le seuil des coulisses pour rejoindre le cœur du plateau est un vertige vital. Ce qui interpelle surtout, c’est la rare authenticité du partage dont le musicien est capable. De sa générosité en matière de rappels aux transcriptions personnelles qu'il choisit de présenter, rien ne relève pour lui de l'exercice d’école. Et la connivence qu'il goûte par là avec son public contribue incontestablement à le distinguer parmi ses pairs. Son goût pour les transcriptions n'y fait pas moins. "C'est un plaisir tout à fait égoïste, un de plus !", s'exclame l'artiste. 
