L`Intermède
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AVEC 120 BATTEMENTS PAR MINUTE, Robin Campillo a fait battre le coeur de la Croisette en se plongeant dans la vie des membres d'Act Up dans les années 1990. Film choral, mêlant le collectif et l'intime, il propose une réflexion sur l'engagement, sur le militantisme et sur la société de l'époque, tout en dressant le portrait de personnages luttant pour survivre. Public et journalistes l'attendaient pour la Palme, mais le film a tout de même obtenu le Grand Prix lors de cette 70e édition du Festival de Cannes.

Par Claire Cornillon

UNE CONFÉRENCE. Derrière le rideau, les militants se préparent à intervenir pour l’interrompre, fébriles. Ils vont faire du bruit, tenter de bousculer le discours officiel et de faire passer leur message. Mais comment ? Quelle est l’action la plus juste et la plus efficace ? Après, viendra justement le temps du débriefing. Que s’est-il passé ? Qui a fait quoi ? Pourquoi ? C’est cet aller-retour constant entre l’action et la réflexion qui constitue la colonne vertébrale du film de Robin Campillo. On y voit la vie de l’association, au jour le jour, dans ses interactions, ses coulisses, ses confrontations. La difficulté de construire un mouvement efficace avec des individus différents, qui ont chacun leur point de vue, leur histoire et leur vie. Mais la force aussi qui émerge de la nécessité et de l’urgence.
 

Action collective


LA DIMENSION CHORALE du film se construit dans la figure même de ce qu’est une association, c’est-à-dire un groupe de personnes qui agissent, une tension constante entre l’individuel et le collectif. Chaque individu contribue de manière unique mais, en même temps, la mise en commun des forces est la seule manière d’atteindre l’objectif. 120 battements par minute, robin campillo, grand prix, festival de cannes, act up, engagement, nahuel perez biscayart, arnaud valois, adele haenel, sida, vihC’est dans l’action collective que le groupe de personnages du film trouve ainsi une forme d’empowerment face aux difficultés auxquelles ils sont confrontés. Et la troupe d’acteurs qui les incarnent fait écho à ce sentiment d’équipe. "Chaque membre du groupe est irremplaçable", souligne Adèle Haenel. Les scènes de boîte de nuit, au son de la musique House de l’époque, "festive et un peu inquiète", comme la décrit Robin Campillo, sont presque une allégorie de ce groupe, tant elles semblent se détacher des autres séquences, presque comme des moments hors récit, hors temps, comme un refrain qui éclaire d’une autre lumière le reste du film. Elles portent des moments de respiration et de liberté, l’image d’un temps de vie qui ponctue régulièrement la pellicule, un tempo qui résonne avec son titre.


Débat

 
PARIS, DÉBUT DES ANNÉES 1990. Le VIH fait des ravages depuis une dizaine d’années dans l’indifférence quasi générale. Les militants d’Act Up dénoncent l’absence de campagnes de prévention en direction des personnes les plus touchées par l’épidémie et se battent contre les laboratoires pour qu’ils communiquent les résultats de leurs recherches sur les traitements. Ils interpellent les pouvoirs publics, et l’association devient elle-même un lieu d’échange, de débat et de parole. "C’était un moment où la parole s’est libérée, explique Robin Campillo. Avant, les gens ne s’étaient pas parlé." Lui-même militant d’Act Up à cette époque, le réalisateur a puisé dans ses propres expériences pour construire son film, qu’il avait en projet depuis les années 1990. "J’avais peur d’affronter un sujet qui a été très important dans ma vie. Mais je me suis dit qu’il était temps que je me lance."

DE FAIT, LA PAROLE JOUE UN RÔLE fondamental dans 120 battements par minute. Chaque semaine, les militants se retrouvent pour une réunion et débattent, s’expriment. La diversité des participants invite toujours à ressaisir d’autres points de vue, à intégrer en permanence la complexité. Pas d’improvisation, mais ces passages ont été tournés à trois caméras, après des répétitions, et dans la longueur. En s’installant dans ces scènes, les acteurs sont ainsi poussés à expérimenter le moment et l’échange. "On était dans un vécu", raconte Aloïse Sauvage qui interprète Eva. C’est cette authenticité et la complicité qui se lit dans les interactions entre les nombreux personnages du film qui donnent à voir la vie quotidienne d’un groupe de militants. Entre le contexte spécifique d’une époque et une actualité indéniable, le film ne cherche jamais le pittoresque mais plutôt "à projeter le spectateur comme dans un présent", précise le réalisateur. Et la construction de la temporalité de la narration, entre avancée du temps et répétition, entre ancrage dans le présent et ellipses, donne à voir la complexité de cette tranche de vie et la multiplicité de ses enjeux, publics ou privés.



Amour


CAR LE FILM EST AUSSI UNE HISTOIRE D'AMOUR, entre deux hommes, l’un porteur du virus et l’autre qui ne l’est pas. L’urgence de la maladie délimite la temporalité du film. Des hommes et des femmes meurent. 120 battements par minute, robin campillo, grand prix, festival de cannes, act up, engagement, nahuel perez biscayart, arnaud valois, adele haenel, sida, vihEt l’association essaie de rappeler à la mémoire de tous leur visage et leur parcours. Le film n’appuie en rien le pathos, mais restitue simplement des situations terribles. Robin Campillo raconte : "J’ai vécu des choses qui sont dans le film. Par exemple, j’ai habillé un copain mort. Il y a une espèce d’ambiguité, de difficulté à vivre le moment. J’ai essayé d’aller vers le côté froid. Et l’émotion ressort du glacial." Le drame est là, sous-jacent, et il surgit pourtant dans le film comme il le fait dans la vie de ses personnages.

L'ENJEU MÊME de 120 battements par minute devient dès lors cet aller-retour constant entre le collectif et l’intime. Il est difficile de comprendre au début du film qui en seront les personnages principaux, précisément car ils pourraient tous l’être. "Je pense que la fiction surgit du collectif", explique le réalisateur. Et la manière dont ces personnages sont déterminés par le contexte dans lequel ils existent mais luttent pourtant à chaque seconde pour s’en émanciper est au cœur de cette fiction qui rappelle un certain passé, mais qui résonne aussi largement avec notre présent.

 
C. C. 
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À Montpellier, le 6 juillet 2017

120 battements par minute, un film de Robin Campillo
Avec Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel...
2h20
Sortie le 23 août 2017
Grand Prix Festival de Cannes 2017





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