De fil en défilé
Les photographies de mode de Helmut Newton (lire notre article consacré à la Helmut Newton Foundation, à Berlin) et Jean-Loup Sieff, où posent mannequins et stars de cinéma, écrivent en noir et blanc une histoire de mode, de luxe et de glamour sur les murs du Petit Palais. Une histoire de femmes, aussi. Dès 1961, date de l'inauguration avec Pierre Bergé de la maison de couture Yves Saint-Laurent, le travail du créateur nourrit une nouvelle image de la femme, plus libre mais tout aussi féminine : "Dès l'ouverture de sa maison de couture, souligne Pierre Bergé, Saint-Laurent a voulu se situer au milieu des femmes de son temps. La femme Saint-Laurent est une femme qui travaille, qui conduit sa voiture, qui a sa destinée en main." Ces nouvelles icônes, au premier rang desquelles Catherine Deneuve, incarnent cette femme moderne en revêtant bien sûr les créations du couturier. Une salle entière est ainsi dédiée à l'actrice de Belle de jour, qui a essayé toutes les audaces émergeant du cerveau du créateur, quant un espace plus loin rend hommage à toutes les autres femmes, célèbres - s'expose ainsi un ensemble du soir, cardigan brodé, blouse de mousseline et pantalon de flanelle commandé par Lauren Bacall en 1973 - ou non, qui eurent la chance de se parer de ses ouvrages. La création d'Yves Saint-Laurent rive gauche en 1966 marque en effet un tournant : pour la première fois, un couturier propose sous son nom une marque de prêt-à-porter, rendant ainsi ses créations accessibles.
thématique rétro, nostalgique et en même temps très moderne." Yves Saint Laurent explore, crée, imagine autour du corps féminin. Il réfléchit notamment à cette époque aux effets de transparence qui mettent en valeur le corps. Et tant pis si l'opinion s'en formalise. Devenue une icône, il sera le premier artiste vivant à être exposé au Metropolitan Museum of Art à New York en 1983. Nathalie Crinière, scénographe à qui l'on devait déjà l'exposition Yves Saint Laurent au Musée des Beaux-Arts de Montréal en 2008, propose ici une diversité d'espaces qui suit l'arc-en-ciel des thématiques proposées tout au long du parcours. Chaque instant est une nouvelle saveur. Dans la salle de bal trônent ainsi avec superbe des robes du soir plus fastueuses les unes que les autres en un scintillement de couleurs qui contraste avec le mur du fond, noir, qui met en scène l'évolution du smoking par des modèles accrochés du sol au plafond. Ce mur de smokings vaut manifeste pour le créateur qui, depuis le premier modèle de 1966, l'a décliné sous toutes les formes. Ce vêtement d'homme "a permis aux femmes d'exprimer et leur féminité et leur sensualité", rappelle Pierre Bergé.
Les couleurs et les textures s'entremêlent dans des juxtapositions raffinées et audacieuses comme pour cet ensemble du soir datant de 1976 où le boléro de velours se dépose délicatement sur une blouse de mousseline laissant s'échapper avec splendeur une longue jupe bleu de Prusse. Ou cette robe des tropiques de 1967 en twill de soie imprimé dont le bustier brodé en perles joue sur des effets de transparence, d'une élégance surprenante. 
