Le nombre impressionnant de visiteurs - plus de vingt-mille personnes pendant la première semaine - semble indiquer que la figure d'Hitler n'a guère perdu de sa force mobilisatrice. "C'est la fascination du mal", résume Thierry Feral, spécialiste de l'histoire allemande du XXe siècle. Mais Hans-Ulrich Thamer prend soin de préciser que "bien que l'exposition regorge d'objets authentiques de l'époque, nous avons veillé à ne pas présenter des reliques directement liées à la personne d'Hitler qui auraient pu attirer des admirateurs néo-nazis. D'ailleurs, de toute l'exposition, vous n'entendrez pas la voix d'Hitler, réputée si envoûtante. Et surtout, nous demandons à notre visiteur un investissement personnel important : il doit être observateur et prêt à une lecture intensive." Thierry Feral approuve sans réserve cette approche rationnalisante de l'histoire : "L'émotionnel est quelque chose de volatile dont la résonance est d'autant plus vaine qu'il s’agit là d'événements lointains, desquels la plupart des visiteurs n'ont plus d'expérience personnelle. De mon point de vue, le travail conscient de digestion du passé - 'Durcharbeitung' - doit reposer sur un processus rationnel, inscrit dans la durée afin de pouvoir déjouer tôt certains mécanismes qui viendraient à se répéter." L'exposition berlinoise étaye ce que l'historien analyse dans ses ouvrages : moins qu'une rupture, le règne du Führer et de son parti marque une tragique continuité dans l'Histoire de la société allemande. Le parcours de cet individu a priori quelconque dont personne ne pouvait prédire la percée illustre cet enchaînement quasiment "logique" des événements.