Splendeur, magnificence et tralala
influents ornent les murs et révèlent, au fil des générations, l'occidentalisation croissante des Chinois des détroits, les plus anciens portraits montrant des hommes habillés de la traditionnelle veste de soie chinoise à manches longues (baju lok chuan), les plus récents dépeignant des fonctionnaires britanniques en chemise blanche assortie d'une cravate ou d'un noeud papillon et décorée de divers ordres de mérite décernés par la couronne britannique.
quai Branly datent précisément de cette période. Mais en 1930 survient la crise économique qui marque leur déclin : "Beaucoup de Peranakan ayant fait fortune dans le commerce de matières premières (poivre, caoutchouc), l'écroulement des prix mondiaux de matières premières en 1930 a des répercussions importantes sur la communauté peranakan, explique Yves Le Fur. Cette ruine financière est corroborée par un déclassement politique avec l'occupation japonaise pendant la Seconde Guerre Mondiale. Autoritaires, les Japonais destituent les Peranakan de leur rôle d'intermédiaire traditionnel." Restent donc, aujourd'hui, les objets cumulés au cours d'un demi-siècle de faste ostentatoire.
A plusieurs titres, c'est la cérémonie du mariage, sur douze jours, qui porte à son paroxysme la culture peranakan et sa soif du symbole luxueux. Les mariages sont arrangés, et une entremetteuse engagée pour dénicher la belle fille parfaite, procéder à une vérification des horoscopes respectifs pour constater le bien-fondé de l'union envisagée et finir par une consultation du calendrier lunaire pour fixer la date du mariage. Lors de la célébration de l'union future, tout est prétexte au rituel et au symbolisme. Comme le souligne Yves Le Fur, "tous les êtres humains s'attachent à des objets pour leur signification symbolique mais les Peranakan avaient un fort penchant pour la superstition, qui se traduisait par une multitude de rituels, notamment l'importance d'éloigner le mauvais oeil." Les pendentifs ornementaux, souvent en forme de papillons et poissons faits de soie et de coton, brodés de perles, sont accrochés au-dessus du lit nuptial pour garantir la fertilité du couple. Un coq et une poule sont placés sous le lit dans l'espoir de voir sortir en premier un coq, ce qui annoncerait la naissance d'un garçon.
de ses ancêtres, de veiller au bien-être des anciens en leur faisant des offrandes, qu'elles soient matérielles, à l'instar d'aliments, ou symboliques lorsque l'on fait brûler des faux billets, des maisons ou voitures en papier. Les ancêtres sont consultés à l'aide d'instruments de divination (pak puey) lancés en l'air trois fois lors de décisions importantes, mais aussi vénérés quotidiennement par le biais de l'autel des ancêtres, le tok sembayang. Constitués de pièces en bois ornés de dorures ou d'incrustations de nacre et richement décorés de symboles divers, les autels sont composés d'une table haute allongée devant laquelle est placée une seconde table basse et carrée. Les Peranakan ont également fini par intégrer des éléments occidentaux dans leurs rituels mystiques chinois. Nombreuses sont les familles peranakan qui se convertissent au catholicisme au début du XXe siècle pour avoir le droit d'envoyer leurs enfants aux écoles coloniales. Dans un coin de l'exposition surgit ainsi un autel mural catholique, véritable feu d'artifice religieux : alors que le teck, les ornements nacrés, les décors traditionnels chinois tels que le dragon semblent être mis à l'honneur, cet autel est tout entier voué à la Sainte famille dont un portrait occupe le centre du mobilier et à qui une série d'ampoules électrifiées conféraient, de son temps (1928), une auréole lumineuse. Bling bling !
