l'engouement qu'elle a su générer plus que par les audiences qui, bien que très bonnes - 7 à 8 millions de téléspectateurs pour chaque épisode -, n'ont rien d'exceptionnel. Repérée par les chaînes françaises, Glee doit être diffusée dans les mois à venir dans l'Hexagone. Mais l'événement, cette semaine, se situe bien outre-Atlantique, où la première saison reprend après quatre mois de pause. Sortez les pompoms, les losers sont de retour.
Derrière le phénomène, un concept pourtant simple : dans le lycée de la petite ville de Lima, perdue au fin fond de l'Ohio, un professeur d'espagnol décide de reprendre les rennes de la chorale tombée en désuétude et supplantée dans le cœur des lycéens par l'équipe de football américain et son pendant féminin, les pom-pom girls. Cette chorale, le "Glee club", semble vouée à l'échec, entre un professeur référent plein de bonne volonté mais occupé par une vie de couple exigeante, un directeur obsédé par l'argent qui refuse de dépenser un denier pour une activité non lucrative, et la coach des pom-poms girls bien décidée à tuer dans l'œuf ce qu'elle considère comme une menace pour les subventions qui lui sont allouées. Pourtant, une poignée d'élèves décide de s'inscrire : ce sont les invisibles, les marginaux, les rejetés, ceux qui se font jeter dans les poubelles par les gros bras, à qui on a honte de dire bonjour, qui n'ont pour eux que le rêve de se fondre le plus rapidement possible dans la masse inconnue de l'université. Le logo de la série porte d'ailleurs un L formé avec une main, signifiant "loser". A cet égard, Glee se distingue des séries adolescentes classiques - Dawson, Les frères Scott (One Tree Hill en V.O.) et autres High School Musical, dont les protagonistes sont des archétypes d'élèves beaux, brillants et populaires. Dans Glee, minorités ethniques, handicapé, bègue, obèse, homosexuel forment la rimbabelle de personnages. Tous les parias du terrain miné du lycée plus hiérarchisé qu'une cour royale se concentrent dans ce petit groupe, avec pour seul espoir d'avoir son heure de gloire sur scène. A la fadeur de l'interprétation des chansons répondent au contraire des personnages hauts en couleur, moins lisses qu'ils n'y paraissent de prime abord, et objets de désir incommensurable pour la communauté de fans surnommée "Gleeks", contraction de glee et geek.
laissant apparaître uniquement un arc narratif par épisode, ou la sous-exploitation des personnages secondaires au profit de la talentueuse mais étouffante Rachel Berry, impossible de ne pas s'accrocher à la galerie de figures complexes (comme la délicieusement loufoque Emma Pillsbury, jouée par Jayma Mays), parfois franchement antipathiques, évitant l'écueil d'un manichéisme bon enfant tout en distillant une énergie et un enthousiasme communicatif. Sous ses allures consensuelles, Glee cherche donc à dépasser les simples clichés et autres histoires d'amours mielleuses pour aborder des thèmes loin d'être novateurs mais traités sans détour. Ainsi, à mesure que le club s'agrandit pour inclure le quaterback et la capitaine des pom-pom girls flanqués de leurs acolytes - relégués au rang de vagues choristes ou de danseurs en arrière-plan -, le propos s'étoffe avec des questionnements sur le statut, l'identité sociale et l'opinion publique, et balaye les interrogations de l'âge cruel de l'adolescence, comme l'importance accordée aux opinions des autres, ou le fait de supporter ou non de ne pas être aimé.

