
occupées chaque soir, se remplissent à un rythme régulier, pendant que la revue se monte derrière une épaisse cascade de perles rouges. Alors que la plupart des clients dînent à leur table, danseurs, danseuses, techniciens et habilleuses sont en piste. Ils ont jusqu'à 21h30, heure du lever de rideau, pour tout préparer. Pendant ce temps, la centaine de serveurs en smoking fait couler le champagne. En fin de soirée, huit cent bouteilles auront abreuvé le public.
l'étage, laissant les filles occuper les vestiaires labyrinthiques sous la scène. D'un miroir à l'autre, des groupes de danseuses discutent entre elles. Beaucoup ne se connaissent pas, barrière de la langue oblige - une quinzaine de nationalités compose la troupe, recrutée lors d'auditions à Londres, New York ou Las Vegas. Pour toutes, le Lido est plus qu'un travail : un choix de vie. "Deux spectacles par soir, six jours par semaine... le corps en prend un coup", reconnaît Malory, qui a rejoint le lieu il y a trois ans. Au centre des couloirs en étoile, les Bluebell Girls. Plus petites, elle ne montrent pas leurs seins sur scène, contrairement aux autres filles, les bien nommées "nues". Mais dans la maison, elles sont toutes des Bluebells, héritières de celle qui a rejoint les frères Clérico peu après leur achat d'une salle pour lancer un dîner-spectacle en 1946. C'est cette formule qui assure très tôt le succès de l'entreprise et impose le Lido comme l'un des cabarets-phare de l'après-guerre. Quand Laurel et Hardy se produisent à titre exceptionnel en France, c'est sur ses planches. La direction artistique du lieu est alors assurée par René Fraday, qui parcourt le monde pour nourrir le spectacle d'attractions hors-normes. Rien n'est trop grand : piste de glace, piscine ou hélicoptères offrent des podiums de choix pour le défilé et l'exécution de pas des danseurs et danseuses. Depuis seize ans, la direction artistique est entre les mains de Pierre Rambert, formé à la danse classique par Boris Kniasseff et Serge Peretti, passé par les ballets de Roland Petit... avant de devenir danseur principal du cabaret. Tous les chemins mènent au Lido.
pour les femmes, 1m83 pour les hommes. Aujourd'hui encore, la règle en bois usé de l'exigeante Miss Bluebell sert à mesurer les nouveaux venus qui font en moyenne cinq centimètres de plus que la taille réglementaire. Ils ont tous une formation classique - "un bagage nécessaire", précise Pierre Rambert - pour exécuter sur scène les chorégraphies jazz teintées d'arabesques, battements et autres jetés, sur une partition de Jean-Claude Petit.
atteindre jusqu'à vingt kilos."* Les tissus changent de couleurs d'un thème à l'autre de la revue Bonheur, de "la Femme" au Cinéma (décliné en Charlie Chaplin, Marilyn Monroe et Federico Fellini) en passant par l'Inde et Paris. Un baisser de rideau marque le passage d'un univers à l'autre, le temps d'installer les vingt-trois décors conçus par Charlie Mangel et Arnaud de Segonzac, habitués de la Comédie Française et du Palais Royal. Sur scène, les régisseurs opèrent les derniers réglages lumière, testent le son et installent les marches du première tableau desquelles descendront les danseurs et danseuses arrivant sur le plateau.
encore assez ajustées à sa forme de pied. Au milieu de ces grands corps dénudés, elle semble encore timide. Bientôt, elle sera une Bluebell.

