Belle occasion pour L'Intermède de revenir sur le parcours de cet artiste plasticien et auteur de talent dont les oeuvres ravissent aussi bien les très jeunes que ceux qui les accompagnent dans la lecture.
Dans cette même veine, l’auteur n’hésite pas à aborder des sujets beaucoup plus profonds et peu traités par la littérature pour les très jeunes. Marginalité, abandon ou encore ravages de la société de consommation sont ainsi au cœur de trois albums récents. La marginalité, c’est celle de Monsieur Caca dont le patronyme engendre des moqueries quotidiennes et le tient à l’écart de tous ceux qu’il croise et qui n’ont d’attention que pour son nom. L’abandon, c’est celui que vit le protagoniste de Je veux voler : seul sur sa branche, un jeune corbeau réclame l’attention de son père et exige des leçons de vol, mais personne ne daigne lui répondre et, au bout d’un moment, la silhouette noire qui tournoyait au-dessus de l’arbre s’éloigne, laissant l’oisillon seul face à ses expériences et sa recherche de modèle. La chute de l’histoire - qui suit celle du petit volatil - a beau être comique, elle est fondamentalement triste : à côté de l’ombre de son géniteur qui semble se rapprocher, l’enfant-corbeau aperçoit la lointaine silhouette d’un cycliste et réclame, comme en quête d’un père de substitution : "Tu m’apprends à faire du vélo ?" Quant aux rouages et aux conséquences de la société de consommation, aussi surprenant que cela puisse paraître, ils sont dépeints avec humour et poésie dans le récit-fable Pourquoi les lapins ne portent pas de culotte. Alors qu’il ne parvient pas à se démarquer de ses rivaux, Zou, par un de ces miraculeux hasards de la vie, se retrouve vêtu d’une culotte rouge qui attire immédiatement l’attention de la lapine que tout le clan convoite et lui vaut ses faveurs. Mais c’est sans compter le mimétisme et le désir des autres. Aussitôt, tous les lapins se mettent à rôder dans les jardins des hommes pour y voler des culottes et bientôt, certains les accumulent : le bien se raréfie, l’inflation gagne. On ouvre des banques, on crée des milices pour les protéger, des clans se constituent, menés par des chefs aux pleins pouvoirs et tout le monde se surveille. Comme il ne s’agit que de lapins et de culottes, on rit, mais la démonstration est faite et l’auteur accomplit la prouesse d’offrir aux très jeunes lecteurs un des rares albums satiriques qui leur soit proposé !
Si la diversité technique est telle, c’est qu’elle est au service d’un idée ambitieuse : explorer les rapports entre les images et créer, par effet de "concaténation", un livre-parcours où chaque page est associée à la suivante par un lien thématique ou formel. On passe ainsi d’une chaise à un pot pour enfant puis à des toilettes et à un syphon d’évier. Plus loin, les cerises d’un tissu deviennent les croches d’une partition qui nous mène au portrait d’un pianiste puis à un couple de danseurs. A chacun, ensuite, d’inventer ses histoires et de se laisser plonger dans la quête du détail, ce bout de ficelle du marabout qui nous entraîne de page en page.


