Le miroir déformant de l'âme
animiste, chez certains peuples d'Amazonie, de Mélanésie ou d'Amérique du Nord, si les physicalités des êtres différent, leur intériorité est semblable. L'animisme est donc "l'imputation par les humains à des non-humains d’une intériorité identique à la leur", selon les termes de Descola (p. 183). C'est ce qui permet à certains peuples amazoniens de concevoir leur relation aux plantes ou aux animaux en termes de rapports sociaux. Ainsi, dans le masque à transformation, la réprésentation du visage humain est le signe de l'intériorité que partagent les hommes avec tous les êtres vivants. A l'inverse, dans ces cultures, l'homme peut parfois se parer de plumes d'oiseaux, de dents ou de pelage, faire de lui-même une image pour tenter de posséder les qualités et les attributs physiques des animaux.
Vision de Tatutsi Xuweri Timaiwene (Mexique, 1980), où les motifs s'entremêlent pour raconter des histoires mythologiques autour de cercles centraux, les yeux du chaman, semble un entrelacement infini de sens qu'une vidéo décrypte section par section, guidant le regard dans ce labyrinthe de couleurs vives. Mais ce cosmogramme, cette vision du cosmos, est comme projeté sur le visage du chaman, image microcosmique du macrocosme. De même les structures en quinconce des offrandes votives en forme de croix treflée des Huichols figurent un emboîtement infini de la même forme, à l'image du fonctionnement du Cosmos.
monde en quatre aires géographiques correspondants aux différentes ontologies, les planisphères placés dans la première salle. L'exemple le plus frappant est sans doute l'Occident, où l'ontologie naturaliste ne s'est imposée que tardivement. Au Moyen-Âge, comme l'analyse Michel Foucault dans Les Mots et les Choses (1966), la pensée était ainsi analogique : chaque élément de l'univers était une image de Dieu. C'est pourquoi la peinture médiévale n'est pas réaliste au sens où nous l'entendons aujourd'hui. Ce n'est qu'au XIVe siècle, avec l'émergence du sujet et de la notion d'individu, que naissent d'une part le genre du portrait et, d'autre part, les genres mimétiques qui placent désormais le monde face au sujet que sont la nature morte et le paysage, ce dernier apparaissant pour la première fois à travers les petites fenêtres ouvertes sur le monde à l'arrière-plan des portraits de la Renaissance. "Tandis que la peinture du Moyen-Âge traitait les éléments extraits de l’environnement comme autant d’icônes éparpillées dans un espace discontinu, les asservissant aux finalités symboliques et édifiantes de l’image sacrée, écrit Philippe Descola, la veduta [fenêtre] intérieure organise ces éléments en une totalité homogène qui acquiert une dignité presque égale à l’épisode de l’histoire chrétienne dépeint par l’artiste. Il suffira dès lors d’agrandir la fenêtre aux dimensions de la toile pour que le tableau dans le tableau devienne le sujet même de la représentation picturale et, en effaçant la référence religieuse, s’épanouisse en un véritable paysage." (p.92) Comme une application directe, l'une des toiles prêtées le Louvre pour l'occasion est accrochée plus loin : Vue d'une ville fortifiée avec un pont de Lucas Gassel (Flandres, XVIe siècle), qui s'offre au regard du sujet qui l'observe.