Médecins du monde comme Ma vie c'est sa vie (agence RSCG, vers 1986), où un french doctor en blouse bleue tient une fillette noire sur ses genoux, montre le chemin parcouru : désormais, le slogan fait écho au visuel, le logo de la "marque" Médecins du monde est affiché en bonne vue ainsi que les informations postales et bancaires pour les dons. La photographie de type journalistique au réalisme beaucoup plus cru se substitue à l'affiche graphique – Leila 100 francs plus tard pour Action contre la faim (Agence DDB&Co, d’après une photographie de Laurent Gernez) suscite en 1994 une grande polémique : l'affiche montre la même jeune femme à trois mois d'intervalle, avant et après son séjour dans un centre de nutrition thérapeutique de l'ONG. Si le sourire est toujours aussi éclatant, le visage s'est considérablement étoffé.
affiches, en particulier dans la campagne orchestrée en 2002 par le Ministère de l'Éducation Nationale sur le respect à l’école (Le respect, ça change l’école, Agence BBDO) où l'écrivain Daniel Pennac tente de faire comprendre l'importance d’un bonjour. L’humour aussi, et sous diverses formes, comme dans le petit film L’enfant invisible pour Médecins du monde (agence euro RSCG&CO, 2009) qui joue sur l'indifférence des occidentaux face aux fréquentes famines en Afrique, ou bien à travers l'affiche pour la Sécurité Routière Le jaune, c’est moche, ça ne va avec rien, mais ça peut vous sauver la vie (Agence Lowe Stratéus, photographie de Daniloff, offset couleur 2008) avec Karl Lagerfeld en vedette.
Le paradoxe se dessine au fil de l'exposition : en utilisant le marketing et en multipliant les messages, les ONG font jouer la concurrence entre elles, et entrent à leur tour dans une logique commerciale. C'est à celle qui aura le message publicitaire le plus fort, l'image la plus choquante, de remporter l'attention. Mais quel autre moyen pour lever d'importants fonds ? Là où une frontière semble franchie, c'est lorsque la publicité utilise elle-même les grandes causes à des fins commerciales. Manquent peut-être, dans l'exposition du musée des Arts Décoratifs, quelques affiches publicitaires jouant de ce registre pour vendre de façon plus efficace, comme les photographies polémiques d'Oliviero Toscano, utilisant des malades du SIDA ou des anorexiques pour promouvoir de grandes marques du textile - tout en attirant l'attention sur des problèmes de société - ou les réclames de certains appareils électroménager "écologiques", à une époque où la sauvegarde de l'environnement devient une priorité. La salle "Carte blanche donnée à Monsieur Poulet", en préambule à l’exposition, amorce pourtant la réflexion : Monsieur Poulet se veut une marque "éthiquable" et les panneaux, tout comme une vidéo, viennent expliquer que les matériaux utilisés sont issus du commerce équitable. Toutefois, il s'agit bien de T-shirts "branchés", destinés non pas à financer une association humanitaire mais à faire tourner une industrie : le charitable sert de coquille au commercial. La boucle est bouclée.
