Dessins de presse et traits d'esprit
Cain, lieu de passage où peu de gens prennent le temps de flâner, constitue un pari. Si la mise à disposition de ces images sur le parcours quotidien des étudiants et chercheurs est le meilleur moyen d'attirer leur attention - et qui, mieux que Daumier, Gill ou encore Sennep, pourrait capter le regard du passant ? -, elle ne permet malheureusement pas d'exposer des œuvres originales fragiles, et doit donc se limiter à des reproductions dont la qualité est inégale. Nul dessin original, donc, mais une vaste sélection (soixante-treize artistes pour une centaine de dessins) qui dresse un portrait généreux de l'évolution des styles du dessin de presse.
Les références font légion dans la sphère très cultivée du dessin de presse : échos aux caricatures du passé, mais aussi à la peinture - Giscard d’Estaing en Madame Récamier par Tim en 1974 -, et surtout dialogues, voire batailles acharnées, par dessins interposés. Ainsi, la période de l'Affaire Dreyfus voit naître des journaux illustrés dreyfusards - on songe au Sifflet de H.G. Ibels - et antidreyfusards - Psst de Forain -, qui se livrent une guerre farouche par le trait. La commissaire s'est attachée à exposer ces publications spécifiques, créées par les dessinateurs de presse pour diffuser leurs images, revenant ainsi sur une tradition qui commence au XIXe siècle, avec notamment La caricature (1830) et Le Charivari (1832), et qui s'est poursuivie jusqu'à aujourd’hui, à l'image d'un Siné Hebdo. D'où le choix de faire courir la chronologie de la Monarchie de Juillet à l'époque contemporaine, présentant ainsi l'évolution de la tradition du dessin de presse, à commencer par Honoré Daumier, maître incontesté dont l'héritage est encore très présent. Suivant son idée de rendre hommage à tous ces artistes souvent mésestimés, Martine Mauvieux met donc les dessinateurs et leurs batailles à l’honneur. Car c'est bien le souci de redorer le blason des dessinateurs de presse qui alimente l'exposition. Ces dessinateurs ni totalement journalistes ni totalement artistes, ont dû se battre pour exercer cette profession difficile, toujours en marge.
deux parties : à gauche, le style du dessin fourmillant de détails montre un Paris nocturne, sale et malfamé, tandis qu'à droite, Paris est lumineux, chic et haussmannien. Le 12 octobre 1960, Sennep caricature dans le Figaro le café de Flore et la signature du manifeste de la "Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d’Algérie" : "Garçon, de l'encre !" s'exclament les suiveurs de Sartre. Plus proche encore, l'illustration de Charb dans le Charlie Hebdo du 25 octobre 2000, Epargnez les vaches ("mangez directement de la farine animale"), représente une vache attablée qui essaye de faire avaler de la farine à un homme hébété. En un espace très limité, l'épiphanie a lieu, et quelques traits tirés à l'encre regorgent d'idées et allusions.| Les dispositifs pour le public handicapé
Après avoir rendu accessible son exposition permanente aux personnes handicapées, la Bibliothèque nationale de France souhaite travailler également dans ce sens pour ses expositions temporaires, au rythme d’un projet par an. En 2009, il s’agissait de La Légende du roi Arthur. En 2010, Dessins de Presse prend le relai. Sur la centaine de dessins présentés, dix sont accessibles, soit deux par sections. Cette sélection a été réalisée avec la commissaire de la manifestation, Martine Mauvieux, à la lumière des difficultés à les rendre tactiles ; chaque dessin est en effet en relief. Il est accompagné d’un pupitre avec une explication braille et écriture en gros caractères, pour les visiteurs amblyopes. Les cartels présentent les légendes du dessin, parfois des explications historiques et des repères pour que le visiteur handicapé se retrouve dans l’exploration de l’image. Afin que le visiteur non-voyant prenne pleinement possession de l’image, il faut le guider dans la découverte de l’illustration présentée qui se fait pas à pas ; il ne peut y avoir de vision globale, mais uniquement morcelée, de la représentation qui prend forme sous les doigts. Quelques temps avant l’ouverture au public de l’exposition, des phases de tests ont été observées. Il était important notamment pour la BnF que les pupitres soient intéressants mais aussi qu’ils s’insèrent agréablement dans le parcours de l’exposition pour ne pas en perturber la visite et que les visiteurs handicapés se mêlent pleinement aux autres sans différence aucune.
Sidney Grima
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