L`Intermède
Les Buddhas du Shandong exposition au musée Cernuschi Bouddhisme Chine sculptures QingzhouSourires perpétuels
Le musée Cernuschi expose, pour la première fois en France, des buddhas et bodhisttvas provenant de la ville de Qingzhou, en Chine, qui constituent un des sommets de la statuaire asiatique. 

En 1996, lors de travaux dans la ville de Qingzhou, dans la province du Shandong, des fragments de statues bouddhiques sont exhumés. Leur état exceptionnel de conservation et leur ordonnancement laissent penser qu'elles n’ont vraisemblablement subi aucun acte de vandalisme, mais que c'est sûrement une catastrophe naturelle, comme un tremblement de terre, qui les a inhumées à l'endroit où se trouvait, auparavant, un temple : le sanctuaire de Longxingsi, aujourd'hui détruit. Un important travail de restauration a permis de recomposer près de 350 buddhas et boddhisattva, ainsi que des stèles.

Le cadre de l'exposition Les buddhas du Shandong, relativement sobre, fait ressortir la finesse des sculptures directement offertes au regard du public. L'absence de vitrines, et la disposition de certaines statues, placées parfois au milieu des salles, permettent de circuler au milieu de celles-ci, recréant l'espace du temple dans lequel elles avaient initialement pris place il y plus de 1400 ans. Tout au long de l'exposition des panneaux retracent l'histoire de ces sculptures, replaçant celles-ci à la fois dans l'histoire de la Chine ainsi que dans celle du Bouddhisme.

Le Bouddhisme est né en Inde entre le VIe et le Ve siècle Les Buddhas du Shandong exposition au musée Cernuschi Bouddhisme Chine sculptures Qingzhouavant J-C. Il est lié à une figure historique : le prince Siddhârta, qui, s'étant retranché du monde pour mener une longue période d’ascèse, est devenu le Buddha. Religion à vocation universelle, le Bouddhisme se répand ensuite dans toute l'Asie. Il est ainsi attesté en Chine depuis l'an 65. Toutefois, des différences avec la religion originaire de l'Inde restent notables. Le premier Bouddhisme, appelé Theravāda, était davantage une philosophie qu'une religion, et était essentiellement pratiqué par des moines, qui seuls pouvaient espérer échapper au samsāra, le cycle infernal des réincarnations. C'est un autre type de Bouddhisme qui arrive en Chine : le Bouddhisme du grand Véhicule ou le Mahāyāna. Il s'agit désormais d'une religion, qui ne s'adresse plus aux seuls moines mais également aux laïcs et qui compte plusieurs divinités. Les statues retrouvées à Qingzhou en sont révélatrices.

Ces statues datant toutes du VIe siècle sont réparties dans trois salles différentes, en fonction des dynasties auxquelles elles appartiennent. À l’époque, la Chine était morcelée et le Nord était occupé par des dynasties non chinoises, qui avaient conquis une partie du territoire, et participé à la diffusion de leur religion. Ce qui explique l’épanouissement du Bouddhisme à cette époque dans un pays de tradition confucéenne.

Suivant un parcours chronologique, l’exposition présente d’abord des sculptures en relief sur fond de stèles datant de la fin de la dynastie des Wei du Nord (386-534). De nombreuses triades ont été retrouvées, au centre desquelles figure le Buddha reconnaissable car vêtu à la manière d’un moine, et portant sur le haut du crâne une protubérance appelée usnīsa. Les lobes distendus de ses oreilles rappellent qu’il s’agissait à l’origine d’un prince, qui avait porté dans sa jeunesse de lourds ornements d’orfèvrerie. Sa carnation est le plus souvent dorée par les feuilles d’or déposées sur son visage et ses mains par les fidèles. Il a le visage penché vers l’avant, les yeux mis-clos et sur ses lèvres flotte un doux sourire, symbole de l’état de plénitude atteint par la méditation.
Les Buddhas du Shandong exposition au musée Cernuschi Bouddhisme Chine sculptures Qingzhou
Autour de lui, figurent deux Boddhisattvas, habillés à la manière des princes, et richement parés. Inconnus dans le Bouddhisme Theravāda, les Boddhisattvas n’apparaissent que dans le Mahāyāna : ce sont les assistants du Buddha. Si ce dernier est appelé "l’éveillé, car ayant atteint le nirvana, les Boddhisattva, quant à eux, sont des "êtres promis à l’éveil" qui ont renoncé au nirvana, pour venir en aide aux fidèles et les aider dans leur progression spirituelle aussi bien que dans leurs soucis quotidiens.

L’appropriation du bouddhisme par les Chinois s’est accompagnée d’une forme de syncrétisme qui se traduit par quelques modifications iconographiques que l’on retrouve dans l’exposition : ainsi la robe des Boddhisattvas s’achève par des pointes rebiquant en aile, selon la mode des vêtements des Wei du Nord. D’autres procédés de sinisation sont notables. Ainsi, il n’est pas rare d’observer également sur ces stèles des dragons, éléments bénéfiques dans la civilisation chinoise. Associés à l’eau et à la pluie, ils symbolisent la fertilité.

La plus grande des pièces de l’exposition s'étend sur trois mètres de hauteur : il s’agit d’une stèle sur laquelle figure un stupa volant, élément très représenté dans l’iconographie chinoise de l’époque. On raconte en effet que lors de l’incendie du temple de Luoyang, un miracle aurait eu lieu : une pagode se serait élevée dans le ciel et se serait dirigée vers les mers de l’Est. Cette légende a alors été reprise par le premier souverain de la dynastie des Wei de l’Est (534-550), qui, originaire lui-même des mers de l’Est, s’en serait servi comme élément de propagande afin de légitimer son règne.

Passée la première moitié du VI° siècle, le style des statues évolue : Les Buddhas du Shandong exposition au musée Cernuschi Bouddhisme Chine sculptures Qingzhouleur corps, initialement filiforme, prend soudain des formes harmonieuses et sensuelles sous la dynastie des Wei de l’Est. On reconnaît là l’influence de l’art Gupta, venu de l’Inde. Sous les Qi du Nord (550-577), les statues ne sont plus en relief sur fond de stèles, mais en rondes-bosses. On peut ainsi admirer un Buddha entier assis, datant de cette époque. L’une de ses mains est pointée vers le sol : il s’agit du signe indiquant "la prise de la terre à témoin". Les différentes positions des mains du Buddha sont d’une grande importance, et relèvent d’une codification très précise faisant référence à différentes étapes de sa vie. Ainsi le geste qui consiste à lever la main droite en avant, paume face au public, est interprétée comme une marque "d’apaisement" : on raconte que le Buddha aurait fait ce geste face à un éléphant furieux que l’on avait lâché sur lui. L’animal aurait alors immédiatement suspendu sa course folle et se serait incliné devant le Buddha. Malheureusement, ces gestes sont rarement visibles sur les statues des Buddhas, car les mains étant une des parties les plus fragiles, elles ont souvent été détruites ou perdues.

Aurore Chemin
Le 6/12/2009


Les Buddhas du Shandong exposition au musée Cernuschi Bouddhisme Chine sculptures Qingzhou
Les Buddhas du Shandong
, jusqu'au 3 Janvier 2010
Musée Cernuschi
7 avenue Vélasquez
75008 PARIS
Tlj: 10h -18h
Fermé le lundi
Tarif plein :
9€ 
Tarif réduit :
7€
Demi-tarif : 4,50€
< 14 ans : gratuit
Rens. : 01 53 96 21 71









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Légendes et crédits photographiques:
Vignette sur la page d'accueil: Buddha debout Grès Qi du Nord © Musée de Qingzhou (Shandong)
1 Bodhisattva assis (détail de la tête) Grès avec des traces de polychromie  Fin des Wei de l’Est – début des Qi du Nord © Musée de Qingzhou (Shandong)

2 Buddha assis Grès avec des traces de polychromie Qi du Nord © Musée de Qingzhou (Shandong)
3 Tête de Buddha (légèrement de profil) Grès Qi du Nord © Musée de Qingzhou (Shandong)
4 Tête de Buddha (légèrement de profil) Grès Qi du Nord © Musée de Qingzhou (Shandong)
5 Triade Grès  Fin des Wei du Nord – début des Wei de l’Est © Musée de Qingzhou (Shandong)