L`Intermède
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C'est la première fois qu'une exposition monographique est consacrée à
l'un des peintres officiels les plus célèbres des Médicis, Agnolo di Cosimo, dit le Bronzino (1503-1572), ainsi surnommé pour la couleur de ses cheveux. La rétrospective que lui consacre le Palazzo Strozzi à Florence, jusqu'au 23 janvier, rassemble quelque soixante-dix tableaux du maître italien venus des plus grands musées du monde (la National Gallery de Londres, le Musée de l'Hermitage de Saint-Pétersbourg ou encore le Louvre), permettant de faire dialoguer des toiles encore jamais réunies en un même lieu. Et de continuer à découvrir l'étendue de son oeuvre, certains tableaux ayant été depuis peu attribués au peintre de cour, d'autres faisant encore l'objet de discussions.

Longtemps relégué au second plan dans l'histoire de l'art, trop simplement catégorisé comme maniériste, le Bronzino occupe donc aujourd'hui le devant de la scène à Florence : tout un étage - le "piano nobile", rien que cela - du Palazzo Strozzi lui est consacré en cet automne 2010, dans une élégante et sobre scénographie où les tons gris et bleu roi font éclater la lumière et les couleurs de chacune de ses œuvres. Ce sont avant tout les portraits qui frappent le regard, eux qui ont fait la renommée du peintre de son vivant et qui continuent de fasciner : les contemporains du peintre, Vasari (1511-1574) parmi les premiers, avaient déjà célébré ces tableaux si naturels que les modèles semblent vivants et sur le point de parler, tel ce célèbre Portrait de Jean, fils de Cosme Ier de Médicis (1545), représentant un enfant joufflu et rieur, un chardonneret à la main, une branche de corail en pendentif, tout vêtu de rouge, sur le point de descendre de son siège pour venir à notre rencontre en gazouillant. La palette de couleurs toute personnelle du peintre a fait également beaucoup pour sa réputation : le fond bleu lapis-lazuli dans le Portrait de Bia, fille naturelle de Cosme Ier de Médicis (1542 environ), qui tranche avec l'habit de satin blanc, la grande chaîne d'or se terminant par un lourd médaillon et les perles laiteuses de la fillette ou bien la robe d'un rouge grenat du Portrait de Lucrezia Panciatichi (1541-1545), sont autant de tonalités puissantes pour l'époque, "étranges, presque violentes et agressives, qui intriguent encore les artistes modernes", souligne Vincent Delieuvin, conservateur chargé des peintures italiennes du XVIe siècle au musée du Louvre et membre du comité scientifique de l'exposition.
 
exposition, rétrospective, biographie, parcours, oeuvre, peinture, peintures, tableau, tableaux, Agnolo di Cosimo, Bronzino, Antonio Natali, Carlo Falciani, Vasari, Palazzo Strozzi, Florence, MédicisLa patte du Bronzino dans l'art du portrait réside non seulement dans ses choix rigoureux de composition - le sujet est très souvent présenté jusqu'à mi-buste, de front, de façon à lui conférer une dignité presque royale - mais aussi dans sa capacité à exalter les qualités et les particularités de chaque modèle à travers un grand naturalisme et le choix soigné des attributs rappelant la personnalité et le destin de chacun. Le chardonneret et le corail, symbole de chrétienté, en particulier de la Passion, attribués à Jean de Médicis rappellent ainsi la carrière ecclésiastique à laquelle était promis dès l'enfance le jeune noble - une mort prématurée met toutefois fin aux espoirs de Cosme Ier de voir l'un de ses fils sur le trône papal. Le pendentif de Bia représentant le profil de Cosme Ier doit rappeler l'ascendance illustre de la fillette, fille naturelle du duc de Florence.

De fait, le Bronzino est spécialiste des détails féminins : son pinceau saisit avec précision et élégance vêtements, coiffures, bijoux, symboles de la fidélité et de la foi, à l'instar de ce Portrait de femme avec un petit chien (1530-1532), où figurent à la fois un rosaire, symbole religieux, un petit chien couleur de feu, symbole de fidélité conjugale, et où le modèle se voit vêtu d'une somptueuse robe aux manches bouffantes et paré d'une lourde chaîne d'or. Autant de raffinements que vient compléter une coiffure soigneusement élaborée. Le splendide Portrait d'Eléonore de Tolède avec son fils Jean (1545), "habituellement accroché dans un lieu plus sombre aux Offices de Florence et donc s'offrant moins facilement à l'œil du spectateur", comme le rappelle Vincent Delieuvin, est ici en pleine lumière. Chaque point de la robe richement brodée et chaque perle du bijou qui vient orner la ceinture de la mère orgueilleuse de son rang et de sa descendance peuvent être ici comptés.exposition, rétrospective, biographie, parcours, oeuvre, peinture, peintures, tableau, tableaux, Agnolo di Cosimo, Bronzino, Antonio Natali, Carlo Falciani, Vasari, Palazzo Strozzi, Florence, Médicis

Comme le rappelle une section entière de l'exposition, le Bronzino a eu pour maître Jacopo Carucci, dit le Pontormo (1494-1557). La première salle présente ainsi les quatre portraits des Évangélistes réalisés entre 1525 et 1528 pour l'église de la Santa Felicità de Florence, fruit d'un travail à quatre mains. Habituellement accrochés dans la chapelle Capponi, ils sont ici à hauteur d'homme. Si le Saint Jean l'Évangéliste, grave vieillard à la longue barbe blanche, semble bien de la main de Pontormo, les autres toiles restent plus difficiles à attribuer, l'influence de chacun se faisant sentir. On a désormais coutume de présenter, sans que la certitude soit totale, le Saint Mathieu, jeune homme au regard stupéfait, les yeux comme écarquillés, comme un tableau du Bronzino. La confrontation attentive est permise entre les Dix mille martyres du Pontormo (1529-1530), habituellement exposé au Palazzo Pitti, et les Dix mille martyres du Bronzino, provenant des Offices, réalisé exactement dans les mêmes années et montrant à la fois l'influence du maître sur l'élève et l'indépendance que celui-ci gagne peu à peu dans ses choix de composition.

Le Portrait de Guidobaldo II della Rovere (1531-1532), réalisé par le Bronzino au cours de son séjour à Pesaro, à la cour des Della Rovere, exposé dès la salle suivante, vient confirmer la capacité du peintre à devenir un maître lui-même, à travers la composition de ce tableau où point de façon nette l'influence du Titien mais qui souligne déjà ses grandes qualités de portraitiste : Guidobaldo II, dans une pose à la fois majestueuse et altière, revêtu d'une splendide armure milanaise, comme orgueilleux de sa braguette de velours rouge fourrée et relevée - symbole de virilité et assurance d'une dynastie - nous regarde, annonçant déjà les portraits de Cosme Ier en armure ou celui de Stefano IV Colonna (1546). La formation, l'évolution et la exposition, rétrospective, biographie, parcours, oeuvre, peinture, peintures, tableau, tableaux, Agnolo di Cosimo, Bronzino, Antonio Natali, Carlo Falciani, Vasari, Palazzo Strozzi, Florence, Médicisconsécration du peintre se poursuit jusque dans la dernière salle de l'exposition où sont accrochées les œuvres d'Alessandro Allori (1535-1607), élève et fils adoptif du Bronzino, qui en a recueilli l'héritage artistique tout en accentuant le sentimentalisme et le naturalisme de son maître.

L'échange continuel d'idée entre artistes au milieu du XVIe siècle, la reprise personnalisée selon chacun des mêmes thèmes et des mêmes personnages historiques trouve encore une illustration dans le souci de l'exposition au Palazzo Strozzi de replacer le Bronzino dans le paysage culturel et artistique de son époque. D'où cette présentation des livres de poésie du grand peintre de cour - habituellement conservés à la Biblioteca Nazionale de Florence -, afin de souligner que l'homme était capable d'alterner la poésie pétrarquiste et celle burlesque. D'où cette série également d'Allégories de Vénus, celle de la main du Pontormo réalisée entre 1532 et 1535, d’après un carton de Michel-Ange, et celles du Bronzino (Vénus, Amour et Jalousie (ou Envie), 1550 environ ; Vénus, Amour et un Satyre, 1553-1555), afin de faire saisir pleinement la réflexion et l'art de chacun sur la peinture.

La prise de position du Bronzino dans les débats qui animent les intellectuels de l'époque, et notamment la dispute sur la supériorité de la peinture ou de la sculpture, trouve un écho dans l'étrange tableau du Nain Morgante (antérieur à 1553), récemment restauré, qui représente sur ses deux faces (devant et derrière) le nain appartenant à la cour de Cosme Ier nu, avant (recto) et après (verso) une partie de chasse. Illustration magistrale à la fois du naturalisme du Bronzino, mais également de son souci de défendre la peinture en montrant sa capacité à avoir les mêmes volumes que la sculpture - jugée supérieure par certains dans les débats de l'époque car pouvant représenter le corps humain dans toute sa plénitude, au lieu de l'aplanir sur une toile - tout en l'insérant dans un arc chronologique achevé. Seule la confrontation avec des statues et des tableaux de l'époque, encore jamais réunis dans une même salle, permet de saisir le dialogue et la pensée de ce grand maître italien et des artistes contemporains.
 
Claire Colin, à Florence
Le 07/11/10
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Place Strozzi
50123 Florence
Tlj 9h-20h
Nocturne jeudi (23h)
Tarif plein : 10 €
Tarif réduit : 8,5 €
Rens. : 0039 055 2645155








 

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Crédits et légendes images
Vignette sur la page d'accueil : Ritratto di Lorenzo Lenzi, Agnolo di Cosimo detto Bronzino (Monticelli, Firenze 1503 - Firenze 1572 ), 1527. Olio su tavola, Restaurato con il contributo di The Bank of America Merrill Lynch Art Conservation Programme, 90x71 cm. Milano, Civiche Raccolte Artistiche - Pinacoteca del Castello Sforzesco, inv. n. P 547
1 Sacra Famiglia con Sant'Elisabetta e san Giovannino, Agnolo di Cosimo detto Bronzino (Monticelli,Firenze 1503 - Firenze 1572 ), 1527-1528. Olio su tavola, 101,3 x 78,7 cm. Washington, D.C., National Gallery of Art, Samuel H. Kress Collection 1939.1.387
2 Eleonora di Toledo col figlio Giovanni, Agnolo di Cosimo detto Bronzino (Monticelli,Firenze 1503 - Firenze 1572 ), c. 1545. olio su tavola, 115 x 96 cm. Firenze, Galleria degli Uffizi, Inv. 1890 n. 748
3 San Marco, Pontormo (Jacopo Carrucci) o Bronzino (Agnolo di Cosimo) (Pontorme, Empoli 1494-Firenze 1557/Monticelli, Firenze 1503-Firenze 1572 - ), 1525-1528. Olio su tavola, Restaurato con il contributo di Banca di Credito Cooperativo di Signa, 76,5 cm. Firenze, Chiesa di Santa Felicita, Cappella Capponi
4 Ritratto di giovane con liuto, Agnolo di Cosimo detto Bronzino (Monticelli,Firenze 1503 - Firenze 1572 ), c.1532-1534. tempera su tavola, 94 x 79 cm. Firenze, Galleria degli Uffizi, Inv. 1890 n. 1575
5 S. Sebastiano, Agnolo di Cosimo detto Bronzino (Monticelli,Firenze 1503 - Firenze 1572 ), c. 1532-1535. olio su tavola, 87 x 76,5 cm. Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza, 64 (1985.2)