L`Intermède
Dossier librairies spécialisées : Scylla & Charybde, à Paris.

RUE RIESENER à Paris, derrière une vitrine discrète, c'est une caverne d'Ali Baba d'un nouveau genre qui recelle de trésors. La librairie Scylla est l'un des repaires des amateurs de science-fiction et de littératures de l'imaginaire, où les nouveautés se partagent les étagères avec des ouvrages introuvables car jamais réédités. Mais le maître des lieux, Xavier Vernet, n'en a pas eu assez d'une seule librairie. Avec trois confrères, il a inauguré en juin dernier une nouvelle enseigne : Charybde, spécialisée dans la fiction, rue de Charenton cette fois. L'occasion de tester une nouvelle formule avec tout autant d'énergie et de convivialité.

Par Claire Cornillon


FACE AUX GRANDES SURFACES qui imposent un rythme industriel à l'actualité du livre, comment les petites librairies survivent-elles ? Le plus souvent, en se démarquant par une offre spécifique et en s'ancrant dans une vie de quartier pour exister comme espace d'échanges et de rencontres. Scylla n'échappe pas à cette règle. Le lieu, pas plus grand qu'un mouchoir de poche, déborde de livres et, à certains moments de la semaine, d'habitués qui viennent tout autant pour discuter que pour dépenser leurs deniers. "La librairie comme lieu de vie, ça s'est fait spontanément, explique Xavier Vernet. Je ne me force jamais avec le client. Donc quand le courant passe, les gens restent, papotent, et quand il est fait beau, s'installent sur la petite terrasse devant, au soleil." Peu à peu, Scylla a formé sa communauté d'afficionados, et accueille encore et toujours de nouvelles têtes venues explorer son fonds colossal. Les collections s'étalent du sol au plafond, des Néo aux Fleuve noir, des Ailleurs et demain aux Club du Livre d'Anticipation. On trouve ici ce qu'on ne trouve pas ailleurs, et les connaissances encyclopédiques du propriétaire ne sont pas de trop pour s'y retrouver.


Mélange des genres

CETTE AVENTURE a commencé pour Xavier Vernet comme "un rêve d'ado" qu'il aura fallu tout de même dix ans pour concrétiser : "Scylla vient de ma découverte du genre SF/Fantasy à 17 ans. Ce projet avait tout de l'élucubration." Après avoir passé 15 minutes dans l'amphi de présentation de la fac de médecine, il quitte la salle et se lance dans une formation courte pour pouvoir travailler vite, "dans un labo photo, un boulot alimentaire, je ne savais pas combien de temps ça allait durer. C'étaient les pires années de ma vie". Car pendant  ces dix années, Xavier économise et constitue un stock d'occasions en rachetant des livres ici ou là. Scylla ouvre finalement en 2004, avec 8000 ouvrages en stock. "J'avais une connaissance quasi nulle de la librairie, scylla, charybde, paris, science-fiction, sf, fantastique, fantasy, imaginaire, fiction, romans, nouvelles, dystopiales, dystopia, occasions, neufs, des fleurs pour algernon, axiomatiqueréalité de la chaîne du livre." Ce qui le motive alors, c'est simplement "l'envie de parler de bouquins que j'aimais". C'est par internet que la librairie se fait connaître au fil des mois, amenant une première génération de clients, et de fidèles. "D'après les statistiques, une société sur deux ne passe pas le cap des trois ans. Je me suis donc laissé trois ans, pendant lesquels j'ai navigué à vue. J'ai eu la chance d'être le seul, à Paris, à réouvrir une librairie de science-fiction après la fermeture de Cosmos 2000."

LES BLOGUEURS ET LES FORUMS constituent des relais efficaces. Et une signature marquante, très tôt dans l'histoire de la librairie, en novembre 2004 : celle de Michael Moorcock, qui permet de la faire connaître sur le net. Mais le stock d'occasions s'épuise, et Xavier Vernet se rend rapidement compte qu'il conseille des livres que les gens sont obligés d'acheter ailleurs. "Du coup j'ai commencé à vendre du neuf. Ce sont deux métiers différents et complémentaires au niveau financier : l'occasion, c'est pour un public de collectionneur ou ceux qui veulent acheter moins cher. Mais le neuf permet de faire un vrai travail de prescription." Dès 2007, la librairie ressemble à ce qu'elle est aujourd'hui : un savant mélange des genres, des nationalités et des époques. Et pas question de changer : "Je ne veux pas grossir. Je suis sur un marché de niche. C'est important de rester petit pour rester cohérent. Je préfère plutôt multiplier les structures".



Travail militant

CAR LA PETITE FAMILLE de Scylla a accueilli de nouveaux membres depuis l'ouverture de la librairie soeur, Charybde, quelques rues plus loin, en juin dernier. "On a agrandi le terrain de jeu !" L'idée : proposer une librairie spécialisée en ouvrages de fiction, romans et nouvelles, mais sans frontière de genres. La littérature mainstream y côtoie ici à égalité l'imaginaire ou le policier. "Je me suis rendu compte que ma clientèle n'était pas captive du genre. Ce ne sont pas des gros lecteurs de science-fiction, mais de gros lecteurs tout court." Les quatre associés de Charybde (Xavier Vernet, Anaïs Vilcocq, Olivier Tréneules, Hugues Robert, auxquels s'ajoute Clément Bourgoin) se sont rencontrés à Scylla. Là-bas, on
aime les livres avant tout, et on se soucie de fournir un lieu d'échanges où les uns découvriront les goûts des autres et inversement. Mot d'ordre : l'ouverture. Un travail militant, en quelque sorte. "Nous voulons créer des passerelles, des allers-retours, pour les lecteurs de science-fiction qui veulent se mettre à lalibrairie, scylla, charybde, paris, science-fiction, sf, fantastique, fantasy, imaginaire, fiction, romans, nouvelles, dystopiales, dystopia, occasions, neufs, des fleurs pour algernon, axiomatique littérature générale et, j'espère, l'inverse, pour amener les lecteurs curieux vers la littérature SF. C'est un travail que je ne pouvais pas faire à Scylla, mais que nous pouvons réaliser ici. Le regard des clients change depuis peu. Maintenant, il y a ceux qui rentrent à Scylla, qui voient que je suis spécialisé en science-fiction et littérature de l'imaginaire et qui, au lieu de partir en courant, me demandent ce que je leur conseillerais."

CE CONSEIL qui, pour Xavier Vernet, est le coeur du métier de libraire. Lui-même affectionne particulièrement le terme de "prescription", comme s'il s'agissait de trouver le bon morceau de sucre qui aide la méd'cine à couler chez chaque lecteur qu'il rencontre. Pour se lancer dans la science-fiction, il conseille souvent des Fleurs pour Algernon de Daniel Keyes, "pour se désengager immédiatement de l'image de la SF à robots et avenir lointain". Il s'agit de trouver des passerelles, des passages, d'ouvrir des portes. "Quelqu'un qui a aimé Murakami, je vais essayer de l'emmener vers Christopher Priest." D'ailleurs, Murakami, c'est un client qui le lui a conseillé. Car les re
commandations ne sont pas l'apanage du libraire. "Aujourd'hui, Scylla pourrait se passer de moi !, sourit Xavier Vernet. Les clients se conseillent entre eux. Ca pourrait presque être une librairie en auto-gestion." L'enjeu essentiel est de prendre le temps. "Il y a des livres que j'ai laissés plus d'un an en table, par exemple Axiomatique de Greg Egan, ce qui a permis de faire des scores surprenants pour un lieu comme Scylla : 160 exemplaires vendus alors que les ventes moyennes pour une librairie normale, même si elle le pousse, sont de 30 à 40 exemplaires." Laisser du temps au livre, prendre le temps d'écouter le client, mais aussi s'autoriser la rencontre et l'échange.

TOUT COMME SCYLLA organise des séances de dédicaces depuis plusieurs années, Charybde, plus spacieuse, mise sur l'organisation d'événements. Dernier en date : les Dystopiales, mi-novembre, qui a réuni plusieurs auteurs venus de tous horizons et a provoqué un véritable raz-de-marée entre les étagères de la librairie. Les écrivains viennent régulièrement y
signer leur livre, des "libraires invités" partagent leurs coup de coeur chaque mois, et des artistes se produisent parfois en librairie, scylla, charybde, paris, science-fiction, sf, fantastique, fantasy, imaginaire, fiction, romans, nouvelles, dystopiales, dystopia, occasions, neufs, des fleurs pour algernon, axiomatiquemini-concert. De quoi occuper les soirées d'hiver à venir. Et si l'événementiel permet de rassembler tout ce beau monde autour d'un verre, Xavier Vernet a encore bien d'autres tours dans son sac. Parmi ces nombreux projets, l'association Dystopia, "une démarche qui boucle la boucle en quelque sorte" : publier des textes jusqu'à présent indisponibles. Ou comment démentir l'expression "tomber de charybde en scylla", et viser toujours plus haut.

C.C.

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à Paris, le 25/11/2011

Librairie Scylla
8 Rue Riesener
75012 Paris
Jeu-Ven 12h - 20h
Sam 10h - 20h
Rens. : 06 24 64 22 08

Librarie Charybde
129 rue de Charenton
75012 Paris
Mar - Jeu 12h - 19h30
Ven 12h - 22h
Sam 10h - 19h30
Rens. : 09 54 33 05 71

 




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