L`Intermède
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DEPUIS CINQ ANS, Rick Grimes et ses compagnons sillonnent les routes du sud des Etats-Unis, tentant d'échapper aux zombies qui ont envahi le monde, tuant tous ceux qui croisent leur chemin. La série
The Walking Dead, créée par Frank Darabont et Robert Kirkman en 2010 à partir d'une bande dessinée de ce dernier, est un voyage sans but dans un espace où tout est déjà perdu d'avance. Cette obscurité irrémédiable ne semble pas pour autant désarmer les spectateurs qui suivent en masse ce programme phare de la chaîne américaine AMC, et qui fait l'objet chaque année d'une nuit spéciale au festival Séries Mania, à Paris. The Walking Dead est pourtant une série ardue, éprouvante, qui étend volontairement sa longueur dans la langueur d'une mélancolie structurelle, car la mort y est partout, inéluctable.
Par Claire Cornillon

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RICK GRIMES, SHERIF ADJOINT d'une petite ville de Géorgie, est blessé en service. Lorsqu'il se réveille de son coma, la ville est déserte, dévastée par les zombies. Il n'a dès lors plus qu'une obsession : retrouver sa femme et son fils. Ainsi commence le pilote de The Walking Dead, après la catastrophe, lorsqu'il n'y a plus rien à faire et que tout est déjà fini. La série d'AMC appartient de façon radicale au genre du postapocalyptique. Elle plonge ses personnages dans un monde de l'après, sans aucun espoir, puisque le pire est déjà advenu et que la seule issue possible est la mort. Elle se construit donc comme un récit de survie, où chaque épisode est un instant de plus arraché à la mort, presqu'à l'image des contes de Shéhérazade.


Sur la route

RIEN DE STABLE ne peut être bâti dans un monde sans avenir. A la progression du récit se substitue donc le motif sériel de la répétition / variation : une succession de tentatives toutes vouées à l'échec. The Walking Dead est un road movie sans but où le voyage n'avance pas, où l'on tourne en rond, explorant inlassablement le même espace. La narration, souvent complexe et décontextualisée, offre peu d'indices sur le lieu et parfois même sur le moment où se situe chaque scène. Les personnages ont beau marcher, encore et toujours, ils n'avancent finalement que très peu, revenant ainsi à Atlanta en saison 5, là où se déroulait la première saison.

LE ZOMBIE, LUI, bouge alors même qu'il est mort, et marche sans que rien ne puisse l'arrêter. On ne parle d'ailleurs jamais de zombie dans la série, mais bien de "walker",  c'est-à-dire de marcheur. La seule chose qui modifie l'avancée du zombie est le bruit ou la présence de chair fraîche. Et même alors, il n'y a pas d'arrêt mais simplement une redirection de l'énergie. C'est bien ce qui est terrifiant, cette dimension The Walking dead, walking, dead, the, série, tv, show, analyse, mort, zombie, interview, photo, image, festival, séries mania, rick, résumé, bio, biographie, frank darabont, darabont, adaptation, AMCimplacable et inhumaine : aucune remise en question, aucun doute, une avancée certaine car guidée par l'instinct le plus basique, la faim. Face à cette avancée inexorable, pour le groupe de Rick, il ne reste qu'à fuir ou à éviter. Avancer à son tour, non vers un but mais pour s'éloigner d'un obstacle. Une marche négative en quelque sorte.

LE WALKER EST L'ANTITHÈSE de l'humain. Hors des représentations auxquelles nous ont habitué les films de George Romero, où le zombie représente volontiers l'homme contemporain rongé par la société de consommation, celui de The Walking Dead est plutôt l'inhumain. Il est la partie d'une masse instinctive, sans volonté, qui arrive au bout des obstacles par la force du nombre, sans se soucier des pertes en chemin. D'où le motif de la horde qui traverse le paysage, non pour explorer ou même détruire, mais simplement pour passer. Partant, le seul enjeu pour les humains est de préserver aussi longtemps que possible leur humanité. Puisque tout le monde est contaminé, la seule alternative au fait de mourir en humain est de mourir... en zombie. C'est pourquoi la mort des personnages principaux n'est pas, contrairement à ce qui se passe dans d'autres séries, un effet. Elle est une nécessité inévitable et structurelle du récit.



S'arrêter

DANS CE CONTEXTE, The Walking Dead propose avant tout une réflexion sur le collectif et la possibilité même de construire une société dans une situation extrême. La question est un chemin sans cesse renouvelé où l'on n'arrive jamais à un point d'arrivée qui serait une réponse définitive. Les points de vue s'opposent, les débats se succèdent, les opinions changent et rien ne demeure. Pas de progression linéaire, puisqu'une réponse ancienne peut ressurgir plus tard, puisque les personnages piétinent parfois et même s'enfoncent dans la boue de l'horreur qui les entoure. La série explore successivement des modes d'organisation sociale très différents. Aucun n'est définitif car un élément externe ou interne vient toujours à bout de la structure. Tout n'est donc qu'une suite de tables rases et de retours à zéro.

SI LA PREMIÈRE SAISON met en place un système de camp de réfugiés, reproduisant une société archaïque et patriarcale repliée sur les valeurs du monde d'avant, où les femmes font la lessive et où les policiers dirigent les opérations, la seconde explore un modèle familial et religieux autour du patriarche. A partir de la saison 3, et l'ellipse de l'hiver passé sur la route, le monde d'avant est trop loin pour pouvoir encore s'y référer totalement. La seule compétence qui compte est désormais celle de la survie et The Walking dead, walking, dead, the, série, tv, show, analyse, mort, zombie, interview, photo, image, festival, séries mania, rick, résumé, bio, biographie, frank darabont, darabont, adaptation, AMCles hiérarchies se reconstruisent sur ce critère. Les femmes retrouvent une place considérable, à l'égal des hommes, et des modèles de communauté plus complexes sont explorés, de la démocratie à la dictature.

CHAQUE GROUPE RENCONTRÉ sur la route montre ses limites. Plus les saisons avancent, plus les micro-sociétés de survivants sont perverties. Chaque saison est l'occasion de reposer les mêmes problèmes moraux, mais en d'autres termes, dans le contexte d'une situation qui a toujours empiré. The Walking Dead est une série où l'on parle beaucoup, où l'on délibère, on négocie, on argumente, on tente de convaincre ; et le mouvement de l'intrigue vient souvent de ce dialogue. La série est avant tout une étude de personnages et plonge dans un questionnement d'ordre philosophique tout autant que social et politique. Les zombies n'y sont que le rappel permanent de la mort omniprésente et de la fin. Or l'hésitation constante, l'absence de réponse définitive est in fine ce qui fait l'humanité des personnages. Interroger constamment son univers, vivre dans l'instabilité du questionnement, accepter d'arrêter de marcher aveuglément pour se demander où l'on veut aller, quand bien même on ne trouve pas de réponse, c'est bien là ce qui sépare l'humain du zombie. Dans cette fuite perpétuelle, l'enjeu est donc de conserver cette incertitude, de rester humain aussi longtemps qu'on le pourra.


C. C. 
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à Paris, le 13 mai 2015
 
The Walking Dead, une série de Frank Darabont et Robert Kirkman
Créée en 2010 sur AMC, disponible en France sur Orange Cinéma Séries)
5 saisons [en cours de diffusion]

 
 




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