L`Intermède
Priscilla, queen of the desert, musical, comédie musicale,
london, londres, film, palace theatre, stephan elliottLadies and ladies...
Willkommen, bienvenue, welcome

Après une première apparition au
cinéma, avec le film Les Aventures de Priscilla, Folle du désert réalisé par Stephan Elliott en 1994, le mini-bus baptisé "Priscilla" à coup de champagne par ses compagnons de voyage Tick, Felicia et Bernadette quitte son pays natal pour se trémousser au théâtre. Depuis quelques mois, c'est à Londres que le van à paillettes a fait escale.
 
"Good evening ladies and ... ladies !" La voix qui demande d'éteindre son téléphone portable et de ne pas prendre de photographies annonce la couleur avant même le début du spectacle, tout comme le rouge-à-lèvres géant qui trône sur la scène et qui a vraisemblablement servi à dessiner la carte de l'Australie en arrière-fond. Ce tube surdimensioné, aux allures phalliques, incarne à merveille le corps masculin aux sensibilités féminines, exploré par les trois personnages principaux. Ralph Waite, alias Bernadette Bassenger, Tick Belrose aussi appelé Mitzi del Bra, et Adam Whitely, plus connu sous son nom de scène Felicia Jollygoodfellow, forment un trio de drag queens qui se produisent dans les cabarets de Sydney. Ces trois-là n'ont pas eu peur de franchir la limite qui sépare les deux sexes pour vivre pleinement leurs aspirations les plus intimes, Bernadette ayant même subi une opération chirurgicale pour se rapprocher de son idéal. Fidèle au film dont elle est tirée, la comédie musicale Priscilla Queen of the Desert met en scène des personnages qui ont appris à s'accepter tels qu'ils sont et qui encouragent les autres à en faire de même. Mais cette détermination sera mise à l'épreuve par l'aventure qui les attend.
 
Tick, qui "marche à voile et à vapeur", dixit Bernadette, reçoit un coup de fil de sa femme. Propriétaire d'un casino à Alice Springs, cette dernière lui propose de venir se produire dans l'out-back australien.  L'occasion de revoir son fils de neuf ans est trop belle, et il convainc son amie de longue date, Bernadette, qui vient juste de perdre son compagnon, de l'accompagner. Jamais deux sans trois : Felicia, jeune drag queen extravertie, au grand désarroi de Bernadette, peu éprise de ce personnage trop grossier à son goût, leur propose de monter à bord du mini-bus Priscilla. "Aussi capricieuse qu'une diva", selon les dires de Don Gallagher, l'acteur qui joue Bernadette, la machine a une place de choix tout au long du périple artistique. Moyen de transport, elle accepte d'abriter les enfantillages de Felicia, les coups de gueule de Bernadette et les révélations de Tick. Sur scène, Priscilla rappelle le fameux camping-car multi-fonctions de Barbie : des milliers de projecteurs la plongent dans un chatoiement coloré infini, son intérieur se révèle par la levée d'un pan entier, une chaussure talon aiguille vient Priscilla, queen of the
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theatre, stephan elliottmême la coiffer pour pouvoir accueillir les sérénades de Felicia. Plus qu'un simple décor, ses métamorphoses et humeurs rythment le spectacle, que ce soit lorsque le moteur lâche et permet ainsi l'introduction de Bob, le mécanicien qui tombe sous le charme de Bernadette, ou lorsque, après une attaque à coup de graffitis mal-intentionnés, des personnages-pinceaux virevoltent autour de la Reine du désert pour lui offrir une toilette. En outre, alors que le road-trip avait été représenté à l'écran notamment à l'aide de prises de vue époustouflantes du désert, métaphore des difficultés à surmonter avant l'arrivée à bon port, Priscilla, bien que statique, rappelle par sa simple présence le voyage entrepris et ses transformations.
 
Le bus n'est qu'une des nombreuses inventions artistiques qui égayent le spectacle. En 1995, Tim Chapel et Lizzy Gardiner avaient reçu l'Oscar du meilleur costume pour le film de Stephan Elliott ; et, pour la comédie musicale, ils renouvellent leur prouesse. Beaucoup de tenues sont reconstituées avec exactitude d'après le film original, comme la robe composée de claquettes multicolores que Tick porte, à l'écran, pour se promener dans la première ville où ils font escale après avoir quitté Sydney, ou encore les costumes que portent les personnages lors de leur show à Alice Springs, s'inspirant entre autres des animaux qui peuplent le désert australien. D'autres, en revanche, ont spécialement été créés pour la comédie musicale. Parmi ceux-là, les pinceaux exagérément grands dans lesquels se glissent les danseurs pour repeindre Priscilla, ou encore les robes de sirènes portées par les trois diva, suspendues au-dessus de chaque scène pour interpréter les chansons et offrir au public un répertoire bien connu allant de "I Say a Little Prayer" d'Aretha Franklin Priscilla, queen of the desert, musical, comédie musicale,
london, londres, film, palace theatre, stephan elliottà "Girls Just Wanna Have Fun" de Cyndi Lauper. L'originalité des costumes n'est pas seulement une réjouissance visuelle, mais participe aussi du comique de situation, notamment quand les acteurs s'adonnent aux rythmes de "I will survive" de Gloria Gaynor, en portant des chaussures mi-palmes, mi-talons compensés...

Car s'il s'agit bien de titiller la rétine et stimuler les mouvements de hanche, Priscilla Queen of the desert veut aussi faire rire. Pour le public britannique, le simple accent australien est un écrin idéal pour savourer les répliques, insultes et surnoms excentriques que les personnages se jettent à longueur de scènes. A sa sortie en 1994, certains passages avaient d'ailleurs été censurés aux Etats-Unis, tels que l'explication du nom de Trompette : le compagnon de Bernadette n'avait nullement la fibre musicale, par contre "son prépuce était capable de contenir un biscuit rond"...! Sur les planches londoniennes, la version originale prime. Don Gallagher dit à ce sujet que Priscilla est une "real Art House comedy". Il n'a d'ailleurs pas hésité à parer son personnage, Bernadette, d'un "sens de l'humour un peu sec". Et la teinte britannique de s'affirmer quand l'auto-dérision prend le dessus avec Jason Donovan - alias Tick -, chanteur aux côtés de Kylie Minogue dans les années 1980 connu pour avoir été outé par des magazines australiens et avoir assimilé ces révélations sur sa vie privée à des insultes... "Réhabilité" depuis quelques années après ce geste peu élégant, Donovan incarne dans Priscilla un bisexuel libéré. Et si, dans le film, les personnages vénèrent Abba et rêvent d'interpréter un de leurs titres sur "un rocher dans le désert", en l'occurence en haut d'un canyon, à Londres, Felicia adule... Kylie Minogue.

Priscilla, queen of the desert, musical, comédie musicale, london, londres, film, palace theatre, stephan elliottUn clin d'oeil qui assoit une fois de plus Priscilla queen of the desert en ambassadrice du divertissement, et même un peu plus. Déjà, en 1994, le long métrage subversif avait fait beaucoup de vagues. Le road-trip symbolise bien entendu le voyage humain entrepris par les personnages : Tick fait la connaissance de son fils, Bernadette revit une deuxième jeunesse aux côtés de Bob et Felicia fait la dure expérience du rejet. Tout du long, la question de l'acceptation de soi et de l'autre résonne entre deux séquences chantées. Bien que la scène de fraternisation entre deux populations marginales, entre les trois Drag Queens et un groupe d'aborigènes, ne soit pas reprise dans la comédie musicale, celle où quelques habitants d'une ville provinciale signent le mini-bus d'insultes – "Aids fucker go home", "enculés de sidaïques rentrez chez vous" - ou celle du passage à tabac de Felicia ne manquent pas. Plus loin, Bernadette s'interroge sur l'utilité des murs de la ville : sont-ils là pour empêcher les gens comme elles de sortir, ou permettent-ils plutôt de repousser les intolérants venant de la campagne ? La comédie musicale n'oublie pas l'arrière-fond sombre, comme pour aciduler ce qui aurait pu consister en une jolie guimauve multicolore, et rappeler que la sur-vitalité et la débauche de maquillage, paillettes et effets visuels des personnages répond, en creux, à une violence quotidienne.
 
Asmara Klein, à Londres
Le 18/05/10

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Priscilla Queen of the Desert
Palace Theatre
Shaftesbury Avenue
London W1V 8AY
Représentations : 19h30 et matinées à 14h30 jeudi et samedi
Tarifs : £ 20 à £ 65
Rens. : 0844 755 0016









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