
Ce thème de la rencontre par correspondance amoureuse n’est donc pas nouveau, même si aujourd’hui il prend des proportions que n’auraient pas imaginées ses promoteurs il y a longtemps. C’est le grand mérite du livre de Marie Bergström que de nous faire apparaître, justement, cette constance dans l’existence historique d’un processus de rencontre amoureuse intermédiée par un "courtage matrimonial". Ce qui a changé aujourd’hui est, outre la technologie du mécanisme de rencontre intermédiée, le fait que les services de rencontre sont sortis de la marginalité. Ce phénomène n’est pas passé inaperçu et a entraîné la publication d’un grand nombre d’ouvrages très critiques sur ce mode de rencontre.
En cela, le film rejoindrait l'affirmation de Marc Parmentier selon laquelle "en forçant le hasard, le site étouffe dans l’œuf tout germe d’intrigue et coupe les vraies-fausses histoires qu’il produit de leur origine". Le scénario semble renforcer cette hypothèse puisque la rencontre réelle entre Rémy et Mélanie aura finalement lieu grâce à l’intermédiation imprévue de l’épicier de leur quartier (Simon Abkarian) qui, sans le savoir, les oriente l’un et l’autre vers le même cours de danse, conduisant à la fin au contact réel : au moment de leur première séance, la main de Mélanie se pose sur le buste de Rémy. Loin de l’intermédiation calculée en ligne, c’est finalement le hasard de la vraie vie (incarné par le bon génie qu’est l’épicier) qui aura permis la rencontre. D’où les avis partagés par de nombreuses critiques : le film serait un récit de plus sur les désillusions de l’amour au temps du numérique en même temps qu'un plaidoyer pour un retour à la "vraie vie" et à la "vraie rencontre".
Chemin faisant, le spectateur relève l’importance de la parole pour retrouver son corps : dans le monde numérique, même si on "discute", même si on "chat" sur les messageries en ligne, on ne se parle pas, car le défaut de face à face soustrait à la mobilité charnelle du visage de l'autre. Les "pratiques photographiques et les pirouettes linguistiques" (Marie Bergström) restent impuissantes à remplacer l’information transmise par la parole incarnée.


