La trilogie romanesque : Les cancrelats, Les méduses, Les phalènes Oeuvres complètes II de Tchicaya U Tam'si Paru le 26 mars 2015
– En deux mots
Après la compilation de ses recueils de poésie en 2013, la réédition de trois romans devenus presque introuvables est assurément le signe d'un regain d'intérêt pour une écriture souvent qualifiée de poétique voire d'hermétique. Le style de Tchicaya U Tam'si (1931-1988) est avant tout une mise en scène de la rumeur comme bruit de la rue, un entrecroisement des voix qui tissent l'histoire d'un pays.
Conçue dès les années 1950 comme un "romancero congolais", cette œuvre romanesque commence à paraître seulement en 1980 alors que l'auteur est déjà connu et reconnu en tant que poète. Le premier volume, Les Cancrelats, raconte le retour au pays de Ndundu - ancien boy devenu tailleur - puis la vie de ses enfants Prosper et Sophie. Du début du siècle à la veille de la seconde guerre mondiale, les personnages gravitent autour du village et de la mission pour ensuite rejoindre la ville et les nouvelles solidarités qui s'y forment. Entre roman colonial et évocation nostalgique d'un passé révolu, ce texte initial pose les fondements d'une poétique romanesque originale et déroutante.
L'action du deuxième roman, Les Méduses, se déroule quant à elle sur quatre jour en pleine guerre mondiale. Les voix se multiplient sur fond d'intrigue criminelle pour mieux rendre compte d'une réalité complexe et contradictoire. Quant aux Phalènes, le troisième et dernier volume reproduit dans l'édition de Boniface Mongo Mboussa, il clôt le cycle en examinant la carrière politique de Prosper à Brazzaville alors que s'annonce l'ère nouvelle des indépendances. Il existe un quatrième roman, Ces Fruits si doux de l'arbre à pain, lui aussi épuisé, qui n'a pu être inclus dans cette édition pour des raisons de place. Celui-ci explore la période qui suit l'indépendance du Congo et devrait tenir une place de choix dans le troisième volume des œuvres complètes annoncé pour l'an prochain.
Ces textes d'un auteur qui, selon ses propres mots, croit "au verbe plus qu’au langage et à l’écriture", brouillent parfois les frontières entre roman et poésie. Au terme de son voyage, le lecteur ne regrettera pas de s'être laissé porter par cette rumeur.
Tchicaya U Tam'si, La trilogie romanesque, œuvres complètes II Préface d'Henri Lopes et postface de Boniface Mongo-Mboussa Éditions Gallimard, collection "Continents noirs" Paru le 26/03/2015