L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède

Shâhnâmè, les amours de Bijan et Manijeh
Théâtre Claude Levi-Strauss
Musée du Quai-Branly


En deux mots
 
Quatre-vingt-dix minutes de grâce au Théâtre Claude Levi-Strauss du Musée du Quai Branly. La grâce d’abord de l’épopée persane, merveilleusement réinventée par l’illustrateur et réalisateur de films d’animation iranien Hamid Rahmanian, qui présente la première mondiale de sa nouvelle création, Shâhnâmè : les amours de Bijan et Manijeh (titre original Song of the North). La grâce, ensuite, de la performance exceptionnelle des marionnettistes.
 
À peine les lumières éteintes, la grave voix du chevalier Gorgin annonce qu’il racontera une histoire « d’amour et d’aventures ». Apparaît la princesse rebelle, sorte de personnage en dentelle et aux fleurs dans les cheveux. Puis se tisse, tableau après tableau, toute la féérie d’un univers qui ne cèdera à aucun moment à la facilité d’images et de motifs surannés. Couleurs, ombres, arabesques, et parfois même traits d’humour – au cours d’une fête au palais, la bande-son peut paraître agréablement anachronique. Chaque scène, pourtant en cohérence avec l’univers des précédentes, semble renouveler le monde créé sous nos yeux. Les démons apparaissent et disparaissent, les chevaliers prouvent leur bravoure. Le merveilleux de l’ensemble trouvera sans doute sa plus belle réalisation dans le jeu finement poétique de la présence de la princesse auprès de son bien-aimé, passant et repassant, se démultipliant autour du Puits du Désespoir, et pourtant à peine saisissable dans le fond d’un paysage bleuté.
 
La lumière revenue dans la salle, sortent de derrière l’écran les sept comédiens, certains ornés de leurs plumes, d’autres coiffés des visages qui dansaient quelques minutes auparavant devant nous. La magie opère toujours, elle ne fait que se déplacer. La féérie des royaumes d’Iran et de Touran nous avait émerveillés, tout autant nous émerveille ce qu’on devine alors : le travail d’une précision remarquable nécessaire à l’accomplissement d’une telle prouesse théâtrale. Les danses et les mouvements chaloupés des figures d’ailleurs se révèlent être une chorégraphie proprement ravissante, et le kaléidoscope sonore, modelant les apparitions des paysages et des protagonistes, un fond musical d’une très grande justesse.
 
Quatre-vingt-dix minutes de grâce qui ne cessent pas à la porte du théâtre. Elles demeurent un souvenir délicieux, coloré, voire enchanté, au même titre que les amours de Manijeh et de Bijan, fils de Guiv, fleuron de la maison de Goudarz.


Cécile Rousselet
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Le 13 février 2022



Shâhnâmè, les amours de Bijan et Manijeh
Théâtre Claude Levi-Strauss
Musée du Quai-Branly

jusqu'au 13 février 2022

puis du 5 au 12 Mars 2022
au Harvey Theater, Brooklyn Academy of Music.


Conçu, créé et dirigé par Hamid Rahmanian sous le titre original Song of the North
Co-écrit par Hamid Rahmanian et Melissa Hibbard et adapté du Shâhnâmè : Le Livre des Rois
Avec : Sam Jay Gold (Rostam), Harrison Greene (Gorgin), Jenny Hann (Simorgh), Esme Roszel, Sarah Walsh (Manijeh), Clay Westman (Bijan), Christopher Williams

 
Crédits photo : ©Richard Temine


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