L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède
 
Ombres Portées,
Compagnie L'Oublié(e) - Raphaëlle Boitel
Scène Nationale Carré-Colonnes
En tournée jusqu'au 30 mars 2024



En deux mots 

Depuis une dizaine d’années, Raphaëlle Boitel – metteuse en scène et chorégraphe – développe avec sa compagnie L’Oublié(e) un langage physique et visuel, à la croisée du cirque, du théâtre, de la danse et du cinéma. Son ambition est simple, il s’agit de « fusionner technique et artistique, d’imaginer un langage où le travail du corps et des agrès est placé au même niveau que la lumière, que la musique ». Mais un tel projet nécessite un dialogue permanent avec toute une équipe, un échange collectif au fil des créations. Et de fait, le texte ne préexiste pas au spectacle, les scènes – même si l’idée d’un canevas en est le point de départ – sont créées en improvisation, en même temps que la lumière et la musique. Cela explique que la metteuse en scène, dès la création de sa compagnie, ait eu besoin de s’entourer de collaborateurs, aujourd’hui encore à ses côtés : Tristan Baudoin, son scénographe et créateur lumière, le compositeur et musicien Arthur Bison, puis le machiniste et régisseur Nicolas Lourdelle.
 
Dès les premières créations de la compagnie, Raphaëlle Boitel développe un étonnant langage de l’image et du geste, où l’exploration de l’Humain, et en particulier de la femme, tiennent une place centrale. Dans Ombres Portées, Raphaëlle Boitel nous plonge dans un drame mettant en scène une famille au sein de laquelle le secret pèse bien lourd sur six destins qui basculent. La pièce, associant tableaux chorégraphiés et atmosphère cinématographique, nous plonge au cœur du non-dit, de ses répercussions dans nos relations et dans notre construction psychique. Se posent alors les questions de l’aveuglement, mais surtout de ses dommages collatéraux.
 
Le spectacle s’ouvre sur un numéro de virtuosité aérienne où la voltigeuse – superbe Vassiliki Rossilon –, est suspendue dans les airs, dans une obscurité structurée par un triangle de lumière braqué sur elle. Oscillant entre apparition et éclipse, elle tourbillonne sur sa corde aérienne, rit d’un rire étrange, raconte un cauchemar récurrent. Par son balancement au-dessus des spectateurs sidérés, c’est le thème du mystère qui est lancé au seuil du spectacle. Le non-dit y prend des formes hypnotiques autour de la figure d’un père charismatique, à la fois pathétique et inquiétant. Puis tout au long de la pièce se succèdent danses cinématiques, acrobaties au sol, et virtuosité aérienne, qui nous plongent dans le mystère de la psyché humaine. Les personnages semblent poursuivre une quête – celle du bien-être, de la reconstruction – et abordent de façon tragi-comique les questions de la recherche de soi, du choix, de la culpabilité, au sein d’une écriture essentiellement métaphorique, d’un langage vecteur d’émerveillement, d’émotions et de réflexions.
 
Le titre Ombres portées convoque d’ailleurs des termes utilisés dans les arts plastiques, désignant la zone sombre qui se forme derrière un objet ou une personne éclairée – dont la surface est d’ailleurs souvent supérieure à celle de l’objet - par une source lumineuse venant d’un point opposé. Ombres Portées c’est bien un spectacle sur « l’écarté », le non-dit, ce qui nous ronge, qui nous dépasse et nous excède. À la croisée des arts, le spectacle nous emporte dans un univers à la fois onirique et réaliste, inspiré des polars des années 50, du cinéma – on retrouve les influences de Blade Runner, Festen, The Father – et du clair-obscur. En effet, le travail de lumière de Tristan Baudoin est au service de la dramaturgie, créant de la profondeur, démultipliant les espaces, et instaurant de nouvelles règles de structuration. Les sons envoûtants et électrisants d’Arthur Bison se conjuguent au travail de cisèlement de la lumière, pour nous immerger dans un univers où les personnages semblent se dissimuler aux/les uns et aux/les autres.  Dans ce ballet très chorégraphié, scènes individuelles et collectives se succèdent pour former un portrait de la cellule familiale bien sombre, mais non sans espoir, faisant singulièrement écho à la pensée de Jung : « La clarté ne naît pas de ce qu’on imagine le clair mais de ce qu’on prend conscience de l’obscur ».
 

Émilie Combes 
-------------------------------
le 4 février 2024
 
 
Ombres Portées,
Mise en scène et chorégraphie Raphaëlle Boitel
Collaboration artistique, lumière, scénographie, conception Tristan Baudoin
Musique originale Arthur Bison
Interprètes Tia Balacey, Mohamed Rarhib, Nicolas Lourdelle, Alba Faivre,
Vassiliki Rossillion, Alain Anglaret
 
 
En Tournée :

6 et 7 février 2024 - Espace Pluriels, Scène conventionnée de Pau (64)
29 février et 1er mars 2024 – Maison des Arts de Créteil (94)
5 au 7 mars 2024 – Théâtre-Sénart, Scène nationale de Lieusaint (77)
21 et 22 mars 2024 – CDN de Normandie-Rouen (76)
29 et 30 mars 2024 – Le Tangram, Scène nationale d’Evreux (27)

 
 
Pour découvrir le spectacle, c’est ici.
 
Pour écouter les musiques originales d’Arthur Bison, c’est ici.
 
 
Crédits photos © Christophe Raynaud de Lage
 

D`autres articles de la rubrique Scènes


Tous les choix de la rédaction de L`IntermèdeTous les choix de la rédaction de L`Intermède