L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède

Le Grand sot,
Chorégraphié et mis en scène par Marion Motin,
Scène Nationale Carré-Colonnes,
En tournée.



En deux mots
 
Originaire de Normandie, Marion Motin se forme à Paris dans les années 1990 avec la scène hip-hop naissante. Elle s’illustre dans les battles, fonde Swaggers, un crew féminin, et danse pour Quality Street, une compagnie créée par « Nasty ». Mais plus Marion Motin avance dans sa carrière, plus elle s’affranchit de ce style de danse trop codifié. Elle danse alors pour des pop stars — on la voit notamment dans le clip de Rudebox de Robbie Williams en 2006 et elle tourne aux côtés de Madonna en 2012 — et pour des chorégraphes contemporains comme Angelin Preljocaj ou Sylvain Groud. Toujours en quête d’une danse qui s’appuie essentiellement sur la corporalité naturelle instinctive et le mouvement immédiat, elle rencontre Stromae, pour qui elle compose les clips Papaoutai et Tous les mêmes (2013). Elle collabore par la suite avec Christine and the Queens – signant les clips de Saint Claude et Christine – ou encore Angèle, et fait danser Romain Duris dans le film de Regis Roinsard, En attendant Bojangles (2022).
 
Avec la même énergie qui la caractérise, et surtout une grande dérision et liberté de création, Marion Motin monte aussi ses propres spectacles, comme Dharani, ou encore Le Grand sot, avec lequel elle nous plonge dans une compétition de natation à l'issue tragique. Sur une bande son éclectique allant de Ravel à Queen, en passant par Keluar, Le Grand Sot est une sorte de thriller – tant par les fortes émotions que le spectacle suscite que par son final tragique – au cours duquel huit athlètes en joggings bigarrés et bonnets de piscine alternent entre tableaux collectifs et solos, dans une danse très organique, intense et rythmée, où les identités se révèlent et s’exacerbent sous l’œil d’un comédien facétieux qui incarne à la fois le commentateur sportif cynique et le maître de cérémonie omniscient.

Ce « grand sot » que les danseurs incarnent à tour de rôle, c’est celui que nous sommes tous pour un autre. Au sein de cette compétition, l’équipe sportive constitue un microcosme, et les danseurs sont plongés dans un huit clos accentué par un plateau sans coulisse, sans sortie de scène possible. Si l’absence de pendrillons et le plateau nu sont liés à la volonté de pouvoir monter ce spectacle hors les murs – dans un musée, voire une piscine !  – il met surtout en valeur le travail sur les lumières – simplement six projecteurs –, qui définissent le cadre et apportent une vision très cinématographique.

Que la danse soit un langage permettant d’aborder des questions universelles ne fait pas débat. Chez Marion Motin, ce sont celles de de la diversité des corps, des relations humaines, de la prise de pouvoir qui sont posées : quel est l’effet du pouvoir sur chacun de nous ? quelle est la force du groupe sur l’individu ? Pourquoi prenons-nous le pouvoir, et pas nos responsabilités ? Questions dont la chorégraphe s’amuse en parodiant nos comportements humains, par la gestuelle, la mise en scène de duos qui s’apparentent davantage à des scènes de lutte, ou encore par les interventions orales des danseurs et du comédien. Marion Motin fait en effet ce choix d’intégrer une partie dramaturgique au sein d’un spectacle de danse, dans une volonté de faire entendre la voix des danseurs, comme prolongement de leur langage corporel.

Par le détournement de la gestuelles des sportifs – Marion Motin s’inspire notamment des postures des surfeurs –, les chorégraphies exploitent l’esprit d’équipe, le dépassement de soi, le doute, l’ambition personnelle. Mais la compétition tourne mal puisque l'un des participants se noie et se retrouve jeté par dessus bord (de scène), et la fin questionne ; entre disputes, embardées solitaires, solidarité et affirmation de soi, Marion Motin tente de sculpter par le corps les contours de l’âme humaine, dans un captivant mouvement d’auto-dérision.

 

Émilie Combes
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le 28 février 2023

 
Le Grand sot
Marion Motin
Scène Nationale Carré-Colonnes.
En tournée 2023
 
Teaser du spectacle ici
 
Danseurs : Marie Begasse, Alison Benezech, Caroline Bouquet, Manon Bouquet, Lorenzo Dasse, Achraf Bouzefour, Julien Ramade, Sulian Rios
Comédien : Alexis Sequera

Prochaines dates :
- Le 13 avril, Bouguenais, Piano'cktail.
- Le 2 mai, Annemasse, Château Rouge.
- Le 4 mai, Echirolles, La Rampe.
- Le 5 mai, Romans, Les Cordeliers.


Crédits photos © Christophe Raynaud de Lage

 
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