
négatifs, témoins d’une période révolue qu’il examine, selon ses dires, au moins une fois par an pour s’assurer de leur préservation. L’homme qui a tenu un studio, travaillé pour le gouvernement et a ensuite gagné sa vie en réparant des mobylettes, est avant tout un artisan, mais un artisan consciencieux et attentif aux moindres détails lorsqu’il tire le portrait de ses clients. S’adressant au critique d’art et commissaire d’exposition André Magnin, il insiste d’ailleurs sur la passion plus que sur l’intention artistique pour expliquer la qualité particulière de ses prises de vue : "J’ai tellement aimé la photo que j’ai toujours voulu donner la plus belle image de mes clients. Je crois que c’est pour ça que tu dis que mes photos sont de l’art."
ne plus bouger. Il regarde dans son appareil qui répète les mêmes bruits qu’avant. Après, il nous dit : c’est terminé pour vous. Passez demain prendre vos photos. Alors nous avons payé 500 francs ou 300 francs CFA, je crois." La production de Seydou Keïta correspond à une époque pendant laquelle la photographie demeure une pratique rare et valorisée sur le plan social. Pour la plupart de ses sujets, comme pour l’enfant qui s’exprime ici, se faire photographier par Seydou Keïta était un événement et presque un rite d’initiation.
LA TENTURE EST REMPLACÉE par un décor Kitsch et le porte-cigarette par une perruque. Ce qui fait le charme des photos de Seydou Keïta devient le signe d’une aliénation profonde. Cet aspect peut se retrouver dans certains portraits des années 1950 et 1960, mais il serait injuste de réduire la sophistication empruntée des personnages à une émanation du tragique postcolonial. Le regard de cette belle jeune femme qui fixe le vide, appuyée sur un poste de radio, suffit à susciter un rêve qui nous porte au-delà des considérations matérialistes et politiques. 

