L`Intermède
sciences et curiosités à la cour de Versailles, exposition, histoire, cabinet de curiosités, inventions, biologie, astronomieDes chiffres et des bêtes
Si Versailles est réputé pour sa splendeur, on connaît moins le rôle joué par les souverains Louis XIV, Louis XV et Louis XVI dans le développement des sciences. L'exposition Sciences et curiosités à la cour de Versailles retrace, jusqu'au 3 avril, à travers une série d'objets tous plus rares et curieux, cette autre histoire du château, des passions personnelles des rois aux techniques inédites employées pour la construction de Versailles. Même dans l'utilité, les productions de la cour restent fascinantes de splendeur.

"CURIEUX, se dit en bonne part de celuy qui a desir d'apprendre, de voir les bonnes choses, les merveilles de l'art et de la nature. C'est un curieux qui a voyagé par toute l'Europe, un curieux qui a feuilleté tous les bons Livres, tous les Livres rares. C'est un Chymiste curieux qui a fait de belles experiences, de belles descouvertes. CURIEUX, se dit aussi de celuy qui a ramassé les choses les plus rares, les plus belles et les plus extraordinaires qu'il a pû trouver, tant dans les arts que dans la nature. C'est un curieux de Livres, de medailles, d'estampes, de tableaux, de fleurs, de coquilles, d'antiquitez, de choses naturelles." (Furetière, 1690)
 
Avant même les marches qui mènent aux salles principales, un objet rare, littéralement curieux, et dont l'histoire elle-même a un certain goût d'étrangeté est placidement campé derrière sa vitrine : un rhinocéros naturalisé, offert par le gouverneur français de Chandernagor à Louis XV, et tué d'un coup de sabre dans les tourments de la Révolution, semble donner le ton de l'exposition Sciences et curiosités à la cour de Versailles. Mais si cette pièce extraordinaire, tout comme la délicate joueuse de tympanon qui clôt la visite, peuvent évoquer les curiosités des cabinets, le propos ici n'est pas de montrer l'hétéroclite, le rare, le bizarre. Bien que les trois souverains qui sont ici évoqués aient été de fervents collectionneurs - de médailles, de meubles, d'objets curieux - les commissaires ont préféré se concentrer, parmi ces curiosités, sur les objets "utiles", les productions et instruments de ceux qui ont un "désir d'apprendre". L'idée de politique scientifique en est le point focal. Comme le fait remarquer Robert Halleux dans l'article qu'il consacre à ce sujet au sein du catalogue de l'exposition, cette notion peut paraître anachronique. Et pourtant, au fil de la visite point une évolution notable, qui va de la curiosité princière à la naissance d'un réel programme scientifique. Une façon de témoigner de l'importance de Versailles dans la naissance d'une "politique pour la science et par la science".

La mise en place de cette tutelle du sciences et curiosités à la cour de Versailles, exposition, histoire, cabinet de curiosités, inventions, biologie, astronomie, science, curiosité, curiosités, versailles, château de versaillespouvoir se fait notamment par la création de l'Académie des Sciences. En 1666, Colbert réunit un groupe de savants autour de Huygens ; les Académiciens se voient octroyer une rémunération annuelle, en contrepartie de laquelle leurs recherches doivent se concentrer sur des sujets utiles au Royaume, tels l'étude des longitudes, la cartographie ou la médecine. L'exposition s'ouvre ainsi sur une petite galerie de portraits : dans une ambiance feutrée, des dizaines de tableaux font plonger dans le monde des érudits et courtisans éclairés. Louis XIV apparaît en protecteur des Arts et des Sciences dans un portrait de Jean Garnier (1672), et de nombreux savants se font représenter leur outil à la main. On croise ainsi l'inspecteur général de la Marine, Henri-Louis Duhamel du Monceau, avec ses croquis d'architecture navale, ou encore Charles-Augustin de Coulomb, physicien et lieutenant colonel du Génie, tenant fièrement son invention, la balance électrique de torsion. Lavoisier et Fontenelle voisinent avec Emilie du Châtelet et Benjamin Franklin. Cette farandole de visages laisse entrevoir l'effervescence du milieu, et la diversité des domaines qui seront explorés sous les règnes de Louis XIV, Louis XV et Louis XVI.
 
Mais ce qu'entretient Versailles avec les sciences n'est pas simplement un lien de pouvoir ou d'encouragement. La construction du château lui-même implique le recours à un nombre conséquent de nouveautés techniques, et pousse les savants à dépasser les connaissances établies. Pour parvenir à alimenter l'immense réseau d'eaux et de fontaines du château, on calcule débits, épaisseur des tuyaux, résistance aux sciences et curiosités à la cour de Versailles, exposition, histoire, cabinet de curiosités, inventions, biologie, astronomie, science, curiosité, curiosités, versailles, château de versaillesfrottements ; on imagine des systèmes d'aqueducs, de pompes et de réservoirs. Louis XIV fait construire l'impressionnante "machine de Marly", qui permet de puiser l'eau nécessaire dans la Seine, et va même jusqu'à imaginer dévier les eaux de l'Eure au moyen d'un gigantesque aqueduc - un projet si ambitieux qu'il ne verra jamais le jour. Mais si Versailles doit sa splendeur aux sciences, celles-ci sont glorifiées à la hauteur de leurs accomplissements : les nouveaux satellites de Jupiter et Saturne, tout juste découverts par Römer et Cassini, figurent en bonne place dans le décor des Grands Appartements de Louis XIV, tandis que la garde-robe de Louis XVI est ornée de délicates dorures représentant machines à électricité, graphomètres à pinnules, pompes à vide et boussoles.

Ces objets ne cessent d'osciller entre utilité et rareté, entre accomplissement technique et luxe de l'exceptionnel. On retrouve cette tension dans l'expérimentation des sciences et techniques à Versailles : les recherches médicales ou l'amélioration des techniques agricoles vont de pair avec un intérêt pour les plantes tropicales et animaux exotiques. Louis XV fait pousser des ananas dans ses nouveaux jardins de Trianon, et chasse la caille albinos. Mais, dans les deux cas, l'attrait du curieux se conjugue à la volonté de faire avancer les connaissances - la caille albinos est ainsi offerte au Jardin du Roi pour y être étudiée, tandis que les plantes de Trianon, cataloguées par Bernard de Jussieu, permettent à celui-ci de faire la démonstration de sa nouvelle méthode de classement. On perçoit cependant une évolution dans le choix des spécimens au fil du temps : comme le fait remarquer Joan Pieragnoli, alors que la ménagerie de Louis XIV comprend essentiellement des bêtes exotiques, sous Louis XV, les ménageries d'utilité prennent le pas. Les "merveilles" animales que l'on peut admirer à travers les représentations de Nicasius Bernaerts ou Pieter Boel font peu à peu place aux travaux d'hybridation des espèces.
 
L'éducation des princes s'en voit changée. Alors que le jeune Louis XIII s'initiait aux sciences à travers les spectaculaires fontaines et automates du jardin de Saint Germain , l'enseignement dispensé aux membres de la famille royale se fait de plus en plus raisonné et théorique à partir de Louis XIV. Le milieu du XVIIIe siècle est marqué par un véritable tournant : l'abbé Nollet, nommé en 1758 maître de physique et d'histoire, introduit à la sciences et curiosités à la cour de Versailles, exposition, histoire, cabinet de curiosités, inventions, biologie, astronomiecour les premiers instruments pédagogiques. Les nombreux modèles réduits qu'il utilise pour instruire le dauphin, fils de Louis XV, laissent imaginer l'atmosphère studieuse du "Cabinet de physique des enfants de France", également créé en 1758. Cette éducation de plus en plus tournée vers les sciences porte ses fruits : érudits, Louis XV et Louis XVI se passionnent pour la géographie, l'astronomie ou la chimie, recherchant assidûment la compagnie des savants de leur époque. Dans ce qui semble être un cabinet-bibliothèque en trompe-l'oeil, on découvre l'extraordinaire collection d'instruments de Louis XV. La pendule astronomique de Passemant, dont le mécanisme demanda plusieurs dizaines d'années de recherche, éblouit par sa boîte de bronze doré richement travaillé et son délicat planisphère, une bulle de verre dans laquelle tournent les planètes. Louis XVI, quant à lui, se révèle passionné de géographie, mais aussi de chimie ou de physique : il consacre pas moins de dix pièces du château - laboratoires, cabinets, ateliers - à ces occupations, s'intéresse au voyage de Cook, fait des expériences sur l'électricité, et se passionne pour la serrurerie.

Le savoir de ces princes, et la tutelle qu'ils ont peu à peu mise en place sur les sciences, font dès lors de Versailles un lieu privilégié pour présenter des nouveautés : la montgolfière, qui enthousiasmera Louis XVI, ou le "miroir ardent", étonnant objet qui concentre les rayons du soleil jusqu'à atteindre des températures inédites pour l'époque. L'élégante "joueuse de Tympanon", surnommée l'androïde de la Reine, est quant à elle un sommet de virtuosité technique et de délicatesse. Cette automate musicienne, achetée par Marie-Antoinette, sera finalement offerte à l'Académie des Sciences en 1758. La richesse des objets et le raffinement de leurs décors n'ont d'égal que la poésie du lexique qu'ils déploient : grives albinos et chaises volantes côtoient androïdes et autres pinnules, dans un déluge qui tient autant de l'étrangeté que du familier.
 
Edith Girval
Le 21/01/11
sciences et curiosités à la cour de Versailles, exposition, histoire, cabinet de curiosités, inventions, biologie, astronomie
Sciences et curiosités à la Cour de Versailles
, jusqu'au 3 avril 2011
Château de Versailles
Place d’ Armes
78000 Versailles
Tlj (sf lun) 9h - 17h30
Tarif plein : 15 € (accès au château de Versailles inclus)
Gratuit pour les moins de 26 ans
Rens. :  01 30 83 78 00













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Légendes et crédits photographiques:
 Vignette page d'accueil : Louis XVI donnant ses instructions au capitaine de vaisseau La Pérouse pour son voyage d’exploration autour du monde, en présence du marquis de Castries, ministre de la marine, 29 juin 1785 1817 Nicolas André Monsiau (1754-1837) Huile sur toile L. 227 cm ; l. 172 cm Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, © RMN (Château de Versailles) / Gérard Blot
1 Chaise volante créée dans les petits cabinets du roi à Versailles pour Mme de Châteauroux. Coupes et plans du mécanisme réalisé par Blaise-Henri Arnoult en 1743 Agence des Bâtiments du roi, 1743 Dessin aquarellé H. 122 cm ; l. 54,4 cm Paris, Archives nationales, © Atelier photographique des Archives Nationales
2 Décor sculpté Décorations sculptées de la garde robe de Louis XVI 1788 Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © château de Versailles, Jean-Marc Manaï
3 Ananas en pot 1733 Jean-Baptiste Oudry (1686-1755) Huile sur toile H. 128 cm ; l. 90 cm Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN (Château de Versailles) / Gérard Blot
4 Miroir ardent Vers 1670 François Villette (1621-1698) Bronze étamé, piétement de bois sculpté peint Ø du miroir : 97 cm Socle : 77 cm H. 41 cm Paris, Observatoire © Observatoire de Paris
5 Globe terrestre montrant aussi les profondeurs des mers et la voûte céleste Commandé en 1786 par Louis XVI pour l’instruction du Dauphin Edme Mentelle (1730-1815) et Jean Tobie Mercklein Bois, carton, laiton, fer et stuc H. 240 cm ; l. 130 cm Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © RMN (Château de Versailles) / Droits réservés