
Pensée autour de la danse, de l'image de soi et de la (re)présentation du corps, l'exposition se veut le lieu d'une présence incarnée, mouvante, à laquelle l'intervention ponctuelle de performeurs sur les lieux mêmes de l'installation donne plus d'épaisseur encore.
Rétrospectivement on voit déjà poindre dans ces premières séries ce qui se donnera à voir et à penser avec une acuité nouvelle dans ses œuvres plus récentes : la rencontre avec l’inconnu, la création artistique comme espace partagé, l’intérêt pour le hors-champ, avec toute la charge symbolique dont se double ce concept esthétique et technique.
C’est dire que l’artiste ne se pose pas en "ethnographe" venu documenter une pratique socio-culturelle curieuse mais en co-créateur attaché à travailler avec des individus dont la posture artistique et politique entre en résonance avec son propre travail.
Dans la vidéo de Darryl Loudboi, on voit ainsi se succéder une sirène rappelant un cousin disparu, une tête de Hello Kitty dédiée à une nièce chérie, une inscription réalisée dans un moment de colère… Autant d’images qui, de l’extérieur, peuvent être lues comme kitsch, grotesques, ou simplement insolites, mais acquièrent un tout autre sens pour qui se trouve de l’autre côté de l’épiderme. D’où un travail sur le corps lui aussi ambigu : espace d’expression en même temps que de cryptage de ce qui est exprimé, il invente un langage formé, comme certains idiomes nés de situations d’oppression, pour la communication autant que pour l’entre-soi. Le performeur fait parler sa peau, en la pigmentant, en la trouant, en la filmant, voire ici en en commentant les images en voix-off. Et ce corps qui parle à sa place, ce corps qui sert à l’identifier en tant que noir, ou en tant que transgenre, il le restigmatise d’une manière propre, lui faisant dire en retour quelque chose qu’il y inscrit lui-même.


