L`Intermède
Pregio e Bellezza,Cammei e intagli dei Medici, pierres précieuses, cammei, medici, Museo degli Argenti, Palazzo Pitti, Sandro Botticelli, Medicis, Florence, Cosme, Toscane, Palazzo Pitti, caméesPetits médaillons, grandes histoires
Nombre d'histoires pourraient être contées pour présenter l'élégante ville de Florence, nombre de lieux feraient aussi office de parfaits initiateurs... Jusqu'au 27 juin, on peut notamment déambuler dans une exposition du Museo Degli argenti, qui propose de découvrir les plus beaux bijoux et camées de la famille des Medicis. Une façon détournée et subtile de voyager au coeur de la cité florentine.

Célèbre pour être le berceau éternel du quattrocento et l'Eden des plus grands artistes italiens de la Renaissance - de Sandro Botticelli à Michelange, en passant par Leonard de Vinci - Florence, la belle Toscane, éblouit toujours autant par son raffinement ambiguë. Ville mystérieuse, presque figée dans le temps, elle suscite la fascination tant par sa finesse artistique que par la sévérité médiévale et religieuse qui l'imprègne. Sur la Piazza della Signoria, une plaque de bronze rappelle que le moine extrémiste Savonarole a été brûlé en 1498 sur ordre du pape pour avoir pris le pouvoir de la ville en exigeant des Florentins de vivre dans la plus grande austérité, tandis qu'à quelques mètres de l'ancien brasier, le corps poétique et souple du David de Michelange se dresse dans sa splendeur. Monastères et églises à chaque recoin de la ville rappellent que Florence est imprégnée de sacralité, mais doit aussi sa gloire à une famille grand-ducale qui y a régné en maîtresse. Les Medicis, aux XVe et XVIe siècles, ont en effet imposé la ville comme capitale de la Toscane, devant Sienne et Pise.

Après avoir vécu dans le somptueux Palazzo Vecchio, la célèbre famille part pour le Palazzo Pitti, de l'autre côté du fleuve Arno. Suite aux problèmes de santé d'Eléonore de Tolède, épouse de Cosme 1er, les Medicis choisissent ce lieu proche des hauteurs pour son air "plus pur". Le palais, construit dans la seconde moitié du Quattrocento, probablement par Filippo Brunelleschi - à qui l'on doit notamment le Duomo - est aujourd’hui le siège de divers et importants musées. Outre la galerie Palatine, qui déborde autant d'oeuvres que de visiteurs, le palais abrite le Pregio e
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Botticelli, Medicis, Florence, Cosme, Toscane, Palazzo Pitti, caméesMuseo degli argenti, où trônent donc les plus beaux bijoux et camées issus de la collection des Medicis - plus de 170 oeuvres - dans le cadre de l'exposition Pregio e belezzia - Cammei e intagli dei Medici. L'exposition temporaire rassemble des pièces uniques provenant du Museo degli argenti, mais aussi du Musée archéologique de Florence et de Naples. A travers la passion de la famille florentine pour les pierres précieuses, c'est toute l'histoire de l'art du quattrocento qui s'offre au regard. Cette collection, qui débute avec Cosme l'Ancien à la fin du XVe siècle, pour devenir une chambre des merveilles sous Pierre de Médicis où seuls pouvaient se rendre quelques élus, sera largement enrichie par son neveu Laurent le magnifique. Son butin est le plus prestigieux du siècle, et est admiré par tous les artistes et intellectuels de l'époque.

Si le camée est le comble du raffinement, c'est parce qu'il nécessite une précision absolue. Sculpté dans des matériaux nobles, rares et couteux, tels l'ébène et l'ivoire, aucun défaut de fabrication ne saurait être toléré, sous peine de devoir jeter la pièce. Les tailleurs de cristal et de pierres semi-précieuses, parmi lesquels se trouvent Botticelli, Lorenzo Giberti, Donatello ou encore Leonard de Vinci, excellent dans ces arts dits "mineurs", et brillent par leur inventivité et leur habileté. De telles pièces nécessitent plusieurs mois, voire années de travail et représentent, surtout, un très bon investissement pour les collectionneurs ; mais elles peuvent aussi faire office de don aux souverains, avec lesquels les Medicis entretiennent des relations étroites, notamment pour leur facilité de transport. Ces chef-d'œuvres minuscules doivent également leur succès aux croyances ésotériques de l'époque : chaque pièce possède en effet une vertu spécifique et de mystérieux pouvoirs, ce en fonction de la pierre utilisée mais aussi de la scène représentée. Il n'est pas rare que les camées, très recherchés par les papes, les princes et les cardinaux, déclenchent de véritables conflits entre des acheteurs prêts à tout pour obtenir la pièce Pregio e
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bijoconvoitée. Au fil des générations, cette affaire familiale - mêlant pièces antiques et modernes - devient un véritable trésor qui retrace les plus grands thèmes artistiques de l'époque, représentant à elle seule une plongée au travers des grands mythes.

Le travail artistique entrepris autour des camées constitue un défi nouveau pour les artistes qui doivent revoir leur conception de la représentation et de la perspective. Il s'agit de reproduire des scènes mythologiques, telles "Dionysos et Ariane" ou "Marsyas et David", en petit format, mais aussi en volume. De nombreuses pièces de l'exposition reprennent ainsi le mythe de "Apollon et Marsyas", thème favori des artistes à l'Antiquité qui raconte comment le satyre Masyas, virtuose de la flûte, défia Apollon à la lyre mais, après sa perte, se fit tuer pour son arrogance. Différents camées en ébènes et ivoires, de multiples dimensions, déclinent ainsi cette lutte entre l'homme et le dieu sous différentes formes. Au cœur de ces médaillons de quelques centimètres de pourtour, le contour des corps jaillit avec un réalisme saisissant, donnant vie à l'Olympe au travers des bas-reliefs miniatures. Aux côtés des bijoux précieux, c'est aussi une grande variété de livres, de manuscrits, de dessins et de moulages qui s'accumulent sous les vitres du Museo degli argenti. Ces témoins d'un temps passé permettent de découvrir les croquis et les différentes étapes de travail dans la création de camées. Les esquisses des jeunes Botticelli et De Vinci, côte à côte, dévoilent les prémisses de deux univers artistiques inégalés.

L'un des camées les plus convoités, le célèbre "Sceau de Neron" sculpté dans la cornaline et qui représente avec précision et délicatesse la scène "Apollon et Marsyas", se retrouve justement au cou de la femme qui se tient assise dans une toile de Sandro Botticelli (1444 env. - 1510), à quelques mètres de là, loin de l'agitation du musée des Offices où les touristes jouent des coudes pour admirer La naissance de Vénus (1485) et Le printemps (1482) du Pregio e
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bijomaître. Il s'agit de l'un des plus importants portraits de l'artiste - acheminé depuis le Städel Museum de Franckfort. Botticelli y représente de façon idéalisée Simonetta Cattaneo, femme de Mario Vespuci et aimée par Julien de Medicis, parée de ses plus beaux atours. Son épaisse chevelure blonde vénitienne est nouée de perles, tandis que les traits délicats qui se dessinent sur sa peau diaphane lui donnent des airs de Vénus. Morte prématurément, son allure de nymphe l'élève ici au rang de figure mythique. Christina Acidini, commissaire d'exposition, précise que cette pièce unique est aussi un moyen de rendre hommage à Botticelli dont la ville commémore le cinquième centenaire depuis sa mort : "L'exposition, qui est un témoignage artistique extraordinaire, devient aussi un hommage à ce grand peintre, qui s'est fait tant le témoin de l'humanisme élégant laurentin que de la religiosité spectaculaire de Savonarole. Non seulement il incarne Florence, mais il a aussi contribué à en faire la capitale artistique de la Renaissance."

Outre les scènes mythologiques, les artistes s'évertuent également à reproduire les scènes religieuses classiques : la nativité, la vierge à l'enfant, la crucifixion... On retrouve en petit format et matériaux précieux les mêmes oeuvres que celles décorant les églises et monastères. Comme le souligne Cristina Arcini, "ces petites pièces étaient en réelle interaction avec l'art de l'époque". Les sculpteurs et peintres dressent également des portraits. Ceux des Médicis - Cosme 1er, Eléonore de Tolède, Laurent le Magnifique -, mais aussi d'autres personnages influents de la vie florentine, parmi lesquels l'emblématique Savonarole, terrible moine se voulant visionnaire, dont l'histoire résume à elle seule les contradictions d'une Florence à la fois faste et pieuse : à la fin du règne de Laurent le Magnifique, le moine devient prédicateur et annonce en place publique que le pontife, les princes et les prélats vont subir la vengeance de Dieu, prétexte à la création d'un "bûcher des vanités" où sont avalés par les flammes tableaux, livres et bijoux. Il finira cependant lui-même brûlé sur la place par ordre du pape, et les Medicis reprendront le pouvoir.
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A l'étage, ce sont des centaines de pendentifs, bagues, broches et bijoux de cheveux qui s'amoncellent sous des plaques de verre. Cette fois, les camées représentent des animaux en tous genres - cochons, lions, serpents - mais aussi des bijoux-insectes en forme d'araignées ou de libellules. Les pièces précieuses deviennent plus excentriques.  La délicatesse et l'élégance laissent peu à peu la place à une frénésie créatrice qui répond à une demande de plus en plus pressante de la part des collectionneurs, à l'instar d'Eléonore de Tolède qui accumule de la sorte un trésor riche en bijoux fantasques. Comme si, pour résister à l'austérité religieuse et à la menace de l'Eglise assoiffée de pouvoir, les Medicis avaient voulu se couvrir avec toujours plus d'excès d'or, de pierres précieuses, d'ivoire et d'ébène.
 
Florence Rochat, à Florence
Le 03/06/10
 

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Camées et bijoux précieux des Medicis
, jusqu'au 27 juin 2010
Museo degli Argenti,
Palazzo Pitti, Florence
Tlj 8h15-18h50
Tarif plein : 10 €
Tarif réduit : 5 €
Rens. : 0039 055 2654321











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Crédits et légendes photos
Vignette sur la page d'accueil : Italia Meridionale, Ingresso nell’Arca, 1240-50ca. Londra, The British Museum.
Photo 1 Bottega di Cristiano Dehn, Diomede e il Palladio, XVIII sec. Firenze, Museo degli Argenti.
Photo 2 Artista ignoto, Dioniso e Arianna a Nasso, III sec. d.C (cammeo) – XVI sec. (montatura). Firenze, Museo Archeologico Nazionale.
Photo 3 Copia o studio da Michelangelo, Giovane nudo addormentato sopra un sedile. Carboncino nero, penna e inchiostro bruno, Frankfurt am Main, Städel Museum.
Photo 4 Sandro Botticelli, Ritratto femminile. Tempera su tavola, Frankfürt am Main, Städel Museum, Gemäldegalerie.
Photo 5 Copia o studio da Michelangelo, Dioskourides, Apollo, Olimpo e Marsia. Prima metà del I secolo d.C., intaglio in corniola, Napoli, Museo Archeologico Nazionale.
Photo 6 Manifattura francese, Apollo e Marsia, metà del XVI sec. Washington, National Gallery of Art.