L`Intermède
15 clips, 15 concepts
Il a fallu écumer des heures de vidéo pour les trouver. L'aiguille dans la botte de foin, ce sont ces quinze clips musicaux qui, des années 1980 à aujourd'hui, ont proposé un véritable concept esthétique. Pas une simple question de mise en scène, pas non plus parce que ce sont - en général - de bons morceaux : il fallait que l'idée visuelle soit maintenue du début à la fin de la chanson. Parce que, tant qu'à mettre des sons en image, autant le faire avec forme et couleur. Diversité des concepts, variété des genres musicaux... Chaque jour jusqu'à la fin du mois de septembre, 15 clips qui font tourner la tête.
 
Dossier réalisé par Claire Cornillon & Johan Delors
Septembre 2009


15. Jose Gonzalez - Heartbeats
Le concept : Des rues en pente comme on en voit qu'à San Francisco, un lâcher massif de balles de toutes les couleurs... laissez rebondir, et cachez-vous.
Les outils : 1765 balles pour 1 minute de tournage, 2853 pour 2 minutes, 4176 pour 3 minutes. Et le moyen de faire déserter la ville.
Le risque : Se rendre compte, à la fin de la chanson, que c'est une publicité pour un écran Sony.
Et la chanson ? Comme une longue phrase sussurée au coin de l'oreille, avant de s'endormir.





14. Nine Inch Nails - Only
Le concept : Qui a dit que le son n'était pas une onde de choc ?
Les outils : Qui a dit qu'il fallait se lever de son bureau pour être créatif ?
Le risque : Qui a dit que les clous, c'était dangereux ?
Et la chanson ? Qui a dit qu'il fallait que ce soit audible ?





13. Peter Gabriel – Sledgehammer / Digging in the dirt

Les concepts : D'un côté, le visage de Peter Gabriel en animation image par image, l'air heureux qu'un train fasse le tour de son crâne, tentant toutes les coiffures possibles, jonglant avec des fruits ou faisant une chorégraphie assis sur une télévision au milieu de femmes noires. De l'autre, le même Peter Gabriel progressivement enterré par la nature galopante et dévoré par des bestioles. Bon appétit bien sûr.
Les outils : Une craie, du gel pour les cheveux, des ampoules, des guêpes, des vers de terre… et beaucoup, beaucoup de pâte à modeler.
Le risque : Perdre toute crédibilité auprès de ses enfants et devenir claustrophobe.
Et les chansons ? Deux morceaux pop-rock impeccables devenus des classiques, signés par un grand monsieur de la musique.




 


 
12. Chemical Brothers – Let forever be
Le concept : elle se lève, se prépare, va au supermarché... a priori, rien d'extraordinaire. Sauf quand, régulièrement, elle se dédouble et danse avec ses sosies.
Les outils : des perruques rousses, des jupes à paillettes argentées et des mini-shorts blancs. Sans oublier les barbes postiches pour les batteurs... et le kaléïdoscope enfoncé dans la focale.
Le risque : le chaos total.
Et la chanson ?
Le son classique des Chemical Brothers : du rock détourné en électro, mis en image par  le fantasque Michel Gondry.





 

11. Oren Lavie – Her morning elegance
Le concept : elle marche, évite un violoncelle qui vole, affronte le froid, prend le métro, saute d'oreiller en oreiller, se tapisse au fond de l'océan, danse et fait du vélo. Les yeux fermés. Dans son lit.
Les outils : rien que vous ne trouverez pas dans le nouveau catalogue ikea, c'est ça la magie des effets spéciaux.
Le risque : ne plus vouloir se lever.
Et la chanson ?
Cette jolie ballade sussurée par une bouche à peine ouverte prouve que l'héritage d'Elliott Smith a encore de beaux jours devant lui.





10. David Bowie – Ashes to Ashes
Le concept : une grand-mère qui parle à un clown blanc sur une plage, un homme enfermé dans une cellule capitonnée, un autre attaché par des tubes à un mur… On ne comprend pas tout, et alors ?
Les outils : le cerveau dérangé et génial d'un clown triste inspiré, et le bouton "saturation" pour la palette de couleurs.
Le risque : s'entendre dire à la boulangerie du coin : "Mais ce n'était pas vous le forcené qui marchait devant une pelleteuse dans un accoutrement grotesque ?"
Et la chanson ? Un classique du clip pour un chef d'œuvre de la musique, tout simplement.





9. Beck – Black Tambourine
Le concept : un signe + un signe + un signe + un signe + un signe… = des figures en noir et blanc qui dansent sur la feuille.
Les outils : la vieille machine à écrire de votre père.
Le risque : Se coincer soixante fois les doigts entre les touches de la machine avant même d’avoir fini la première page.
Et la chanson ? La signature de Beck : du rythme, de l’audace, un sens indéniable de la pop. On en redemande.





8. Fujiya & Miyagi - Ankle Injuries
Le concept : des p'tits points, des p'tits points, toujours des p'tits points.
Les outils : 45768 dominos, toutes couleurs confondues. Décidemment, les clips de notre dossier font tous dans la demi-mesure.
Le risque : Se bloquer le dos entre chaque pose de domino.
Et la chanson ? Un joli son rock teinté d'électro languissante qui rend les belles images du clip encore plus hypnotisantes.





7. Sugababes - Denial
Le concept : un défilé de photographies de mode avec quelques mots en interstice au cas où l'on ne comprendrait pas bien les paroles éminemment profondes de la chanson.
Les outils : 3 costumières, 5 maquilleuses, 2 chefs décorateurs, 1 joaillier, 4 photographes, 27 techniciens, 78 vêtements. Une broutille.
Les risques : ne plus vouloir arrêter le tournage.
Et la chanson ? Les Sugababes, fleuron de la pop anglaise, signent un morceau original qui repousse, une fois de plus, les frontières de la musique actuelle. On fait la hola.




6. Steriogram - Walkie Talkie Man
Le concept : un peu plus de laine dans ce monde de brutes.
Les outils : 3765 pelotes très exactement, et un Michel Gondry derrière la caméra.
Le risque : séquestrer les aiguilles de votre grand-mère et l'empêcher de vous faire ce si joli pull qu'elle vous offre chaque noël.
Et la chanson ? Du rock d'adolescents en fleur, punchy mais subtil, avec un suspens insoutenable : le chanteur va-t-il oui ou non s'évanouir avant la fin de la chanson pour manque d'oxygène ?






5. 8-bit trip
Le concept : c'est fou tout ce qu'on peut faire avec des légos.
Les outils : une carte de fidélité Toys'r'us, quelque 1500 heures de tournage, et une équipe qui ne compte pas d'épileptique.
Le risque : ne plus pouvoir jouer aux légos avec ses enfants et être accusé de plagiat par les White Stripes (même si c'est mieux fait).
Et la chanson ? Une musique de jeu vidéo qui rencontre les années 80 sous speed. Bon appétit.





4. Funki Porcini - Atomic kitchen
Le concept : quelques gouttes d'eau balancées dans un accélérateur de particules qui rétrécit pour former une bille bientôt rejointe par d'autres sphères aux allures de mouches, avant de se consumer pour faire apparaître une balle formée... de sel, qui imite des phares de voiture puis fait des bulles. Bonsoir.
Les outils : un micro-onde, des billes, une fleur de sel, des allumettes, un bouton "avance accélérée", et beaucoup de temps.
Le risque : devenir fou ?
Et la chanson ? Une électro hypnotisante pour nuits blanches pas très nettes.




 
3. Portishead – Only you
Le concept : les corps, les vêtements, les cheveux flottent, et pourtant ils ne sont pas dans l'eau.
Les outils : une caméra au fond de la baignoire et un bon vieux fond vert.
Le risque : penser qu'on peut rester tout le temps de la chanson sous l'eau.
Et la chanson ? Du trip hop classique made in Portishead, sublimé par la voix de Beth Gibbons.




2. Sia - Breathe Me / Buttons / Soon We'll Be Found

Les concepts : la solitude en instantanés, une rupture avec pinces à linges et une réconciliation en en venant aux mains.
Les outils : un polaroïd et beaucoup de pellicules, un préservatif, un sac plastique et du scotch, des pots de peinture et un paquet de doigts.
Les risques : tâcher la moquette, s'étouffer dans un sac de supermarché ou perdre définitivement tout sex appeal.
Et les chansons ? Un bijou mélancolique, une pop entêtante et une berceuse comme un cri d'amour. L'Australienne Sia, qui fait des merveilles avec sa voix et ses clips, méritait bien qu'on lui accorde trois vidéos pour le prix d'une.
 




 


 



1. Telephone Jim Jesus - Birdstatic
Le concept : un monsieur nu comme un vers forme des traînées de lumière. Banal.
Les outils : une lampe torche, et le bouton "ralenti" sur le magnétoscope.
Le risque : le faire avec une bougie, quand on n'a pas de rideau chez soi.
Et la chanson ? De l'électronique apaisante et hypnotisante, dans la lignée d'un Moby.