L`Intermède
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DANS LE CERVEAU DE RILEY, les survoltés Joie, Tristesse, Colère, Peur et Dégoût tentent tant bien que mal de piloter la petite fille de 11 ans, à l'aide d'un tableau de bord rempli de boutons et joysticks. Vice-Versa, sorte de Il était une fois la vie de la psychologie humaine, est une plongée dans le "Quartier Cérébral" de cette petite fille, où les émotions deviennent les véritables protagonistes de l'histoire. Dans la lignée de Là-Haut, du même réalisateur Pete Docter, les studios Pixar offrent un nouveau voyage sur le passage de l'enfance à l'adolescence, le rapport au temps, et la construction de l'identité. L'ovation à la fin de la projection du film au Grand Théâtre Lumière, à Cannes, a confirmé le savoir-faire et l'insatiable créativité du studio, qui fêtera en novembre les 20 ans de son premier long métrage, Toy Story.

Par Claire Cornillon

TOUTE SEULE PENDANT QUELQUES SECONDES, Joie, interprétée par la star de Parks and Recreations Amy Poehler, est vite secondée par Tristesse, doublée par Phyllis Smith de The Office, Colère (Lewis Black), Peur (Bill Hader) et Dégoût (Mindy Kaling). Soit cinq comédiens dont la réputation comique sur le petit écran américain n'est plus à prouver. Toutes ces émotions viennent chahuter l'harmonie et le plaisir que Joie représente. Postés au Quartier Cérébral, véritable centre de contrôle, ils prennent chacun à leur tour les manettes lorsqu'ils sentent qu'ils peuvent être utiles à la petite fille qu'ils habitent... Sans demi-mesure. Si Peur a tendance à vouloir la sur-protéger des dangers, Dégoût appuie parfois un peu trop fort sur le bouton de de la répulsion. Quant à Colère, il part souvent au quart de tour.

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Rêver

CHAQUE ÉMOTION JOUE SON RÔLE et réagit face à l'écran que constitue le champ de vision de la petite fille. Et à chaque situation, un nouveau souvenir, grosse bille colorée par une émotion dominante, sort d'un tube et roule jusqu'à être stockée dans la mémoire à long terme en fin de journée. Le film multiplie les trouvailles visuelles et graphiques pour représenter chaque élément du fonctionnement du cerveau, en le simplifiant et en adaptant des éléments au profit de la dramaturgie du film, mais en suivant pour certains aspects des théories de la psychologie. "Nous essayons de raconter nos histoires visuellement", rappelait John Lasseter, venu défendre le film aux côtés du réalisateur et des actrices sur la Croisette.

LES RÊVES SONT AINSI DÉCRITS comme une véritable industrie hollywoodienne nocturne qui fait le bilan des souvenirs de la journée et les retravaille dans un film qui sera projeté durant le sommeil. Les techniciens et comédiens y font leur travail, blasés, et les effets spéciaux s'occupent du reste. De la même manière, la pensée abstraite se voit représentée comme une sorte de tunnel qui décompose les idées, au point de passer par des images en deux dimensions et autres déconstructions cubistes. Quant aux souvenirs délaissés, ils s'effacent dans l'abîme sombre de la mémoire et finissent par disparaître. Autre trouvaille comique, la possibilité d'entrer dans l'esprit d'autres personnages offre quelques passages savoureux où l'on découvre le quartier cérébral de la mère et celui du père, ou encore celui des chiens et des chats...

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Pleurer

LE TRAITEMENT DE L'ANIMATION joue des deux niveaux que suggèrent le titre original : l'extérieur adopte un style plutôt réaliste, alors que le monde intérieur des personnages est plus proche du cartoon, très coloré et stylisé. Si le film explore la difficulté de la petite fille à s'adapter à son nouvel environnement après un déménagement à San Francisco, ce sont finalement les émotions qui deviennent les héros de l'intrigue, chacune possédant un registre humoristique qui lui est spécifique. Phyllis Smith apporte notamment à Tristesse un ton décalé et mélancolique qui est pour beaucoup dans l'intelligence du scénario. "Pleurer m'aide à me concentrer sur les aspects essentiels de la vie", déclare-t-elle ainsi face aux tentatives de Joie pour lui remonter le moral. Elle n'hésite pas à se laisser tomber à terre de désespoir et à se laisser traîner par Joie sur le chemin. Les personnages ayant été animés après l'enregistrement des voix, comme le rappelait Pete Docter, on discerne bien l'influence du jeu physique de Phyllis Smith sur le personnage.

SI LA PRÉSENTATION DE LA PSYCHÉ humaine n'est pas exempte de clichés, en particulier dans la scène qui confronte les pensées des deux parents, il n'en reste pas moins que Vice-versa touche au coeur de l'humain en mettant en scène une expérience que chacun a pu vivre : le passage à l'adolescence. "Il s'agissait de faire un film à propos de quelque chose que tout le monde connaît mais que l'on n'a jamais vu", expliquait John Lasseter. La personnalité se construit au fil des expériences et surtout en fonction du souvenir que l'on garde de ces événements. Ainsi, les souvenirs les plus importants sont stockés au Quartier cérébral et ne doivent surtout pas être abîmés.

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Se souvenir

LES IMAGES S'ACCUMULENT et de nouveaux mondes apparaissent dans le cerveau de Riley, relayant son expérience de vie et ses intérêts, tels que le Hockey, la famille ou son goût pour les bêtises. Tristesse vient chambouler tout cela en touchant les billes des souvenirs fondamentaux et en les transformant dès lors en souvenirs tristes. S'enchaînent une suite de péripéties qui vont destabiliser la personnalité de Riley. Joie s'improvise alors en héroïne aventureuse et cherche à trouver une solution en explorant d'autres zones de l'esprit de Riley. A la simplicité des souvenirs des premiers moments de la vie se vice-versa, film, animation, studios, pixar, disney, psyché, émotions, joie, peur, dégot, peter docter, cinéma, là-haut, mindy kaling, enfant, phyllis smith, amy poehler, tristesse, analyse, avissubstituent l'ambiguité et la complexité de ceux de la petite fille qui grandit. Joie n'est pas forcément celle qui doit gagner, et elle a besoin des autres émotions pour que Riley puisse se construire. "L'idée est que chaque émotion sert à quelque chose et a une tâche à accomplir", rappelait Pete Docter. C'est bien cet itinéraire de prise de conscience que raconte Vice-Versa : non pas seulement l'évolution de Riley elle-même, mais bien celle de Joie et de ses comparses.

C. C. 
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à Paris, le 25 juin 2015

Vice-Versa, de Pete Docter
Avec Amy Poehler, Phyllis Smith, Mindy Kaling
1h34
Sortie le 17 juin 2015

Présenté Hors compétition en séance spéciale au Festival de Cannes 2015


 



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