L`Intermède
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DIFFUSÉE ENTRE 1963 ET 1998, suspendue par la BBC puis remise sur les écrans en 2005, la série Doctor Who a célébré en fanfare son cinquantenaire il y a deux ans. La saison 7 a représenté un tournant pour le programme britannique, dont les nombreux épisodes spéciaux ont permis de revenir sur les fondements de la série britannique culte. Mais le plus dur reste à faire pour la saison 8, bientôt diffusée sur France 4. La série amorce un nouveau virage, avec l'arrivée du cinglant Peter Capaldi dans le rôle-titre. Analyse.


Par Florent Favard


DOCTOR WHO RACONTE LES VOYAGES à travers l’espace et le temps d’un extraterrestre à apparence humaine, le docteur éponyme, qui voyage souvent avec des compagnes terriennes dans un vaisseau en forme de cabine de police bleue. Son imagerie de science-fiction décalée, digne d’un Douglas Adams (qui a d’ailleurs écrit pour la série), matérialisée à l’écran par une esthétique carton-pâte, a vite valu à la série d’accéder au rang d’œuvre culte, appréciée par une communauté de fans très active, tout en restant trans-générationnelle, à défaut de passer les frontières avec succès. Ce n’est véritablement que depuis son retour sur les écrans en doctor who, série, bbc, anglais, britannique, télé, télévisée, TV, saison, 8, saison 8, sf; science-fiction, voyage, espace, temps, planète, réincarnation, Steven Moffat, Russell T Davies, tardis2005, sous la plume du scénariste en chef Russel T. Davies, et a fortiori depuis le passage de relais à Steven Moffat en 2010, que le programme est parvenu à s’exporter efficacement : tout en s’américanisant, selon certains critiques, il est désormais géré d’une main de fer par la BBC, et s’est adapté avec succès aux années 2000, restant grand-public sans perdre de vue ses fans les plus assidus.

IL FAUT ICI SOULIGNER la persistance d’une œuvre devenue une véritable institution culturelle au Royaume-Uni, ayant déployé un vaste univers à travers de nombreux médias, et ce avant même que le procédé n’obtienne ses lettres de noblesse dans les années 2000. Romans, jeux vidéo, comics ou encore aventures audio étendent en effet l’histoire via une double logique : évoquant un rhizome, une partie du contenu se focalise sur certains personnages secondaires qui en viennent parfois à s’éloigner du canon pour mieux recomposer leur propre trame narrative. De plus, par essence elliptique (le docteur, capable de se régénérer en changeant d’apparence, a vécu des milliers d’années, et donc des milliers d’aventures), le texte s’offre à une "complétude rétroactive" virtuellement infinie, et encore aujourd’hui propose de remplir les blancs de la vie de ses multiples incarnations.


Transition

L'ANNÉE DE SON CINQUANTENAIRE était l’occasion d’un long regard en arrière pour mieux préparer son avenir : les épisodes spéciaux "The Day of the Doctor" (novembre 2013) et "The Time of the Doctor" (décembre 2013) étaient ainsi le théâtre de deux révolutions successives, chacune porteuse de nouveaux possibles narratifs. Le onzième Docteur, incarné par Matt Smith, en venait à croire qu’il était en bout de course, ayant épuisé son quota de régénérations, dispositif narratif qui avait permis à de nombreux acteurs de se succéder dans le rôle-titre au fil des décennies. Non seulement se voyait-il accorder un nouveau cycle de doctor who, série, bbc, anglais, britannique, télé, télévisée, TV, saison, 8, saison 8, sf; science-fiction, voyage, espace, temps, planète, réincarnation, Steven Moffat, Russell T Davies, tardisrégénérations à la fin de "The Time of the Doctor", mais il modifiait l’Histoire et sauvait sa planète natale, Gallifrey, des griffes des terribles Daleks dans "The Day of the Doctor". Diffusée entre août et novembre 2014 au Royaume Uni, la saison 8 fait ainsi office de transition vers une toute nouvelle ère, tout en se devant de rester fidèle à l’esprit du programme.

PETER CAPALDI, qui incarne le douzième Docteur, rompt avec le rajeunissement progressif des interprètes du Seigneur du Temps depuis 2005. Il évoque ainsi William Hartnell, le premier Docteur, et Jon Pertwee, le troisième, soit des figures de patriarches aux cheveux grisonnants, et renvoie la série à une époque où l’extraterrestre n’entretenait rien d’autre que des relations amicales avec les humaines, jeunes et jolies, qu’il choisit pour l’accompagner à travers l’espace et le temps. Exit, la relation passionnée entre le dixième Docteur (David Tennant) et Rose (Billie Piper), qui avait marqué le règne du scénariste en chef Russel T. Davies ; fini, aussi, le triangle composé du onzième Docteur, de Amy (Karen Gillan) et Rory (Arthur Darvill).

CE NOUVEAU DOCTEUR CHERCHE TELLEMENT à prouver à Clara (Jenna Coleman) qu’il n’est "pas son petit ami" ("I’m not your boyfriend") qu’il ne cesse de lui envoyer des piques, critiquant notamment son physique – peut-être l’aspect le moins attrayant de ce nouveau Docteur... D’une manière générale, il est dans la veine des précédents rôles de Capaldi – notamment celui de Malcolm Tucker dans The Thick of it (BBC4>BBC2, 2005-2012) : loin du clownesque Matt Smith, Capaldi incarne une maturité aux accents acariâtres, un personnage imbu de lui-même, secret, aliénant. Il évoque ainsi le sixième Docteur, Colin Baker, et le septième, Sylvester McCoy, (re)faisant du Docteur un anti-héros aux multiples et obscures facettes.


Renouvellement

AVEC CAPALDI, c’est aussi le ton général de la série qui évolue dans cette saison 8. Si Steven Moffat est toujours scénariste en chef depuis 2010, il abandonne ici l’ambiance qu'il qualifiait lui-même de "conte de fée glacial" et sa réflexivité exacerbée, au profit d’une nouvelle esthétique. Le premier épisode de la saison, "Deep Breath" ("En Apnée"), marque ainsi un tournant : le docteur utilise Clara comme appât sans y réfléchir à deux fois, court beaucoup moins qu’avant (modifiant le rythme de la série), avant de laisser le doute, via un doctor who, série, bbc, anglais, britannique, télé, télévisée, TV, saison, 8, saison 8, sf; science-fiction, voyage, espace, temps, planète, réincarnation, Steven Moffat, Russell T Davies, tardisregard caméra, sur ses actions à la fin de l’épisode. Intimidante, déroutante, froide, cette saison est à l’image du Docteur qu’elle introduit : si des épisodes comme "Robot of Sherwood", "The Caretaker" et "In the Forest of the Night" évoquent encore les dimensions réflexives, comiques et poétiques de l’ère Matt Smith, la reconfiguration est manifeste.

LOIN DES JEUX DE MOTS et de la capacité d’attention réduite de son prédécesseur, qui s’émerveillait de tout à la fois et produisait ainsi des variations de ton spectaculaires au sein d’une même scène, c’est sur les piques second degré de Capaldi, énoncées avec autorité et un froncement de sourcils, que repose désormais l’humour du programme. Le côté sombre et pragmatique du personnage est plus que jamais mis en avant lorsqu’il est confronté au Dalek de "Into the Dalek", qu’il devient cambrioleur dans "Time Heist", ou qu’il laisse Clara face à une terrible décision dans "Kill the Moon". En un sens, le renouvellement du personnage et du ton est rassurant, prouvant que le programme réserve encore des surprises. Mais cette reconfiguration ne semble pas encore complète au sein de cette saison 8, qui doit encore supporter le poids des années précédentes, et du même scénariste en chef, en poste depuis maintenant plus de quatre ans.


Continuité

NON SEULEMENT CETTE RECONFIGURATION intervient-elle après les festivités de 2013, et le large mouvement rétrospectif du programme, mais elle doit aussi mettre en scène un moment critique dans la chronologie du monde fictionnel. Afin, notamment, de simplifier la formule et de jouer sur l’image du soldat traumatisé, Davies avait choisi, en 2005, de faire du Docteur le dernier survivant de la Dernière Grande Guerre du Temps, qui avait détruit sa planète natale, quelque part entre la fin de la série classique et le début de sa continuation. À son arrivée en 2010, Steven Moffat n’a cessé de jeter des regards en arrière, faisant des références appuyées à la continuité, quand il n’envoyait pas Clara sauver toutes les incarnations du Docteur, doctor who, série, bbc, anglais, britannique, télé, télévisée, TV, saison, 8, saison 8, sf; science-fiction, voyage, espace, temps, planète, réincarnation, Steven Moffat, Russell T Davies, tardisvia images d’archives interposées, dans "The Name of the Doctor". Mais avec le diptyque du 50e anniversaire et de l’épisode de Noël, c’est toute la continuité du programme qui est ébranlée : Gallifrey est sauvée, mais à présent perdue quelque part dans l’univers, et le Docteur doit la trouver.

CETTE REFORMULATION importante du monde fictionnel n’occupe pourtant que très peu de place dans la saison, contrairement au fil rouge (l’intrigue autour du Silence) qui avait mené au sauvetage de Gallifrey, fil rouge omniprésent dans les saisons 5 et 6 notamment. Beaucoup moins feuilletonnante, cette saison 8 accumule de discrets indices, mais annonce sans ambages que la quête de Gallifrey est encore loin d’être terminée. Focalisée sur le Docteur, et les apparitions récurrentes d’une femme mystérieuse qui semble le connaître (un type de personnage qui devient un lieu commun chez Moffat), elle permet à tout le moins d’accorder une plus grande place au personnage de Clara, qui trouve enfin l’occasion de montrer plus de profondeur et d’affirmer son individualité.


F. F.
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A Paris, le 16 mars 2015

Docteur Who
Une série britannique de Steven Moffat & 
Russel T. Davies
Diffusion télévisée à partir du 27 mars 2015
Tous les vendredis sur France 4 20h50

 
 




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