
oppositions mais se métissent au gré de règles subtiles et de proportions mystérieuses. Le warai, concept majeur et transversal de cette esthétique dont on connaît surtout leépure et la symétrie, use abondamment de ces ingrédients. Témoins, le double portrait des moines zen Hanshan et Shide, alliance parfaite de réalisme et de hardiesse laissant sur les visages un rire hébété presque inquiétant.
frais par Kawanabe Kyôsai (1831-1889), l'un des artistes majeurs de l'époque Edo, convoque à nouveau la vertu conjuratoire du rire. Anus obstrué d'un personnage lui permettant d’émettre un pet par la bouche, rassemblement de gaz dans une bâche qui sera projetée sur les adversaires… Kyôsai joue allègrement de vapeurs et de flatulences. Conjuguées à des physionomies flirtant parfois avec le monstrueux, l'artiste s'autorise ainsi une critique politique de l'autorité restaurée de l'empereur.
bouddhas de Mokujiki, autre moine itinérant, s'épanouit pleinement sur le visage des sculptures. Ce sourire radieux, puisé à la source du cœur, naît des mains du vieux moine au terme d'une ascèse et d'une introspection radicales. Si le refus de l'idéalisation de l'image comme du réalisme est si frappant chez ces moines-artistes, c'est que le warai vient rappeler une forme d'expérience primordiale, il permet de cheminer vers l'Eveil.
la culture que dans les arts populaires du quotidien, c'est que le Japon est une société du primum vivere ("vivre d'abord"), au sein de laquelle le rire et l'humour sont des forces génératrices de liens émotionnels entre les individus, qui aiment faire l'expérience de leur quotidien sous le signe ambivalent du warai – ambivalent car les rires et sourires des pièces réunies ne sont ni nécessairement drôles, ni faciles, ni même confortables. Néanmoins un message essentiel passe bien : Warau kado ni ha fuku kitaru - "Le bonheur vient à la portée de celui qui rit." 


