
compagnes assagies. Si ces mains ne sont jamais des intrus, si elles l'habitent si bien, c'est que ce qui en naît surgit de et dans la nature. Non sans un certain paradoxe, car il s'agit de "créer une situation naturelle", selon le mot du sculpteur ; de faire oeuvre dans l'étoffe du monde, mais à partir de matériaux nécessairement soustraits au paysage. L'artiste sait que même s'il n'intervient qu'avec la plus grande prudence, une contradiction essentielle demeure : le geste esthétique fait du tort à ce qu'il touche. C'est du moins le jugement sévère qu'il porte sur son propre travail. Mais il est aisé de comprendre qu'il s'enlève sur le fond d'une conception romantique que l'éthique environnementale a suffisamment corrigé de ses illusions ces trente dernières années. En fait de nature, ce sont des paysages que tout un chacun aime contempler et revisiter, toujours déjà sculptés par le passage humain.
rassemblement des divers éléments n'est jamais prémédité. Une longue déambulation dans la nature est préférée aux dessins préparatoires traditionnels. Si matière et espace sont naturels, l'artiste ne crée pas moins dans un univers de mesures et dans des formes d'une géométrie tout à fait humaine. Triangles et cercles dominent dès les premières compositions, comme dans Prairie de faim (1975), plantation circulaire de bouleaux, ou Autel d'hiver (1976), véritable cône de neige dressé au milieu de nulle part. D'après Josette Rasle, commissaire de l'exposition, l'artiste semble cultiver une certaine inconscience du vis-à-vis de la nature et de la géométrie qu'il instaure. Interrogé sur ses intentions, ce dernier se décrit comme un interprète, un traducteur de "la poésie du fleuve inhumain du Temps".
clichés comptent le temps par variations : eau ridée par le vent ou frisée par la pluie jusqu'à créer une nappe d'excroissances se déplaçant telle une pellicule. Mais c'est à l'autre motif de l'exposition, qui raconte également quelque chose du temps, que l'artiste doit sa renommée : le nid, héritier involontaire de la figure du cercle, est omniprésent dans l'oeuvre environnementale de Nils-Udo et le fait connaître dès 1978. "Le nid, c'est le chez-soi, souligne Josette Rasle. Les volumes ont été grandissants chez Nils-Udo pour atteindre les mesures de la maison. C'est lui qui est au centre du nid de 1978. Bien sûr, il y a une forte charge symbolique dans ce thème du nid, mais Nils n'est pas quelqu’un qui fait de la psychologie. Il ne s'agit pas de retour sur soi. En tant que le nid évoque la naissance, il s'agit plutôt de ce même travail sur le temps."
entre lesquelles serpente avec parcimonie le vert d'un branchage ; tableau japonisant aussi poétique qu'alléchant. A cette qualité sensorielle des arrangements naturels sait répondre un autre caractère. Chez Nils-Udo, la nature est comprise comme fait physique, mais aussi sous ses aspects mythiques. Dans ses premiers travaux, le sculpteur élève des formes appelant les temps immémoriaux, des roseaux tendus vers le ciel tels des figures tribales (1973), une installation quasi totémique créant une véritable cuvette de soleil (Sculpture de soleil pour l’équinoxe, 1979), un siphon de cannes de bambous évoquant la coiffe d'un chef (1988).
entre en nature par la peinture. Chacun regarde alors vers l'Angleterre ou les Etats-Unis, fleurons du minimalisme, du conceptuel et du Land Art, auquel se trouve facilement associé Nils-Udo bien qu'il s'en défende. Dès l'enfance, la souveraineté du règne végétal s'impose au jeune Allemand. Rien d'étonnant à ce que, lors d'une promenade au parc de Versailles, celui-ci ramasse des feuilles d'arbre pour s'en servir de nuancier. A travers ce geste, l'apprenti rappelle son admiration pour des peintres comme Gauguin ou Van Gogh, pour leur intimité avec la nature et leur talent de coloristes. A la fin de sa période parisienne, Nils-Udo éprouve pourtant un sentiment d'impasse qui lui fait taire la peinture. Peu de temps s'écoule avant qu'il ne réalise, en 1972, sa première installation naturelle dans sa région de Chiemgau.
dans un lieu qui ne soit pas muséal -, ils s'en distinguent franchement pour consister en des installations qui ne doivent pas durer et qui privilégient l'empathie à la sécheresse conceptuelle. "Nils-Udo abandonne ses installations, il les rend à la nature", rappelle Josette Rasle.
un geste esthétique à part entière. Dans cet esprit, photographie et peinture ne se supplantent pas l'une l'autre. Bien au contraire, les couleurs mêmes des clichés inondent les toiles, comme ce rose opiniâtre des pétales d'églantine, tantôt mêlés aux fougères, cousus sur le sable ou mariés aux lupins, qui explose à nouveau sur les plages peintes de Canaima (2006).
qui viennent stimuler la vision. Brindilles, branches, troncs, tous motifs nés du réel et adoubés par la photographie, s'éparpillent et se désintègrent. Nils-Udo le confesse volontiers : "Parfois cela n'a plus qu'un rapport très lointain avec ce que j'ai vécu. En peinture, ce par quoi je commence n'importe pas vraiment."
nature, d'une perte progressive des repères familiers. Plus abstrait, Nils-Udo abandonne les formes à leurs licences, à tel point que ses tableaux ont pu été qualifiés de "biomorphes". Figure centrale de son oeuvre peinte - quand le nid était celle de sa photographie - l'arbre prend des allures hallucinées mais vraisemblables. Le nez sur le corps des bouleaux (huiles sur toile 2008/2009), l'artiste fait voir ces liserés, ces crevasses, ces variétés de tâches, qu'un oeil inattentif a toujours trop peu admirés, et n'aurait peut-être même jamais su voir si le pinceau métaphorique de ce peintre botaniste n'était passé par là. L'interpénétration des branches deviennent un prétexte à la création de reculs et d’avancées, de fragmentations ayant peu à voir avec le motif réel mais laissant passer la réalité. Sa Forêt de l'IIle (2009), où s’engouffre une nuée de sombres violets, de bleu marine et de marron, dans un effet cloqué où passe toute l'humidité du sous-bois solarisé et sanguin, arrache un instant au cadre urbanisé. 