
MENUE ET MESURÉE, la main d’Hisako glisse avec aisance sur le papier fin, légèrement satiné. L'encre sumi, spécialement employée pour réaliser les croquis de préparation, se déverse sur la surface avec parcimonie et délicatesse. Une fois l'esquisse achevée, l'artiste veille à reproduire le dessin avec exactitude sur le tissu final, une soie à surface irrégulière. L'encre bleue aibana, utilisée à cet effet, est soluble dans l'eau et disparaîtra après le premier lavage pour laisser apparaître le seul motif. Vient ensuite la cire, la pièce maîtresse de cette méthode de teinture ancienne et difficile à maîtriser. Au-dessus d'une lanterne, Hisako place une petite coupelle remplie de cire qu’elle applique à coups de pinceau avisés sur les surfaces à l'extérieur des contours bleutés afin d'empêcher la teinte de pénétrer le tissu à ces endroits. Elle recommence le processus autant de fois que nécessaire, en fonction du nombre de couleurs différentes. Chaque coloris, mélangé manuellement, s'associe à un pinceau unique, lui étant entièrement dévoué, afin de préserver la virginité de chaque pigment. La fragilité de la matière ne pardonne rien. La moindre éclaboussure vient irrémédiablement détruire l'harmonie de l’ensemble. Incrusté de couches successives, le morceau de textile est ensuite exposé à la vapeur afin de fixer les teintes, avant d'être repassé sous du papier journal retenant les strates de cires. Un ultime lavage et un traitement chimique permettent d'éliminer les dernières traces d'aibana ou cire. Ça y est, le tissu regorge de couleurs.
echniques difficiles et n'épargne aucun effort pour obtenir un effet diffus et spontané. Ainsi, pour ne pas sacrifier la luminosité unique de chaque teinte, l'artiste renonce à la superposition de couches de couleurs, méthode pourtant plus aisée à mettre en œuvre, et lui préfère une composition sophistiquée. La juxtaposition de coloris aux variations infimes donne une énergie inégalée à ses créations. Kuboku est ainsi devenu célèbre pour ses puissants motifs, portés par le jeu de teintes diaphanes. Car contrairement à la peinture classique où le pigment vient occuper la surface du canevas, la teinture sature la soie et demande à l'artiste de s'assurer que chaque fil s'imprègne profondément du coloris choisis. Maintenir une impression de rapide coup de pinceau relève de la virtuosité.
grisonnante repoussée en arrière pour dégager un large front parcouru par quelques rares rides. Né en 1908 à Mibu dans la préfecture de Tochigi, Kuboku était le dernier de huit enfants. Ayant perdu sa mère tôt et peu attaché à son père, Kuboku décide de quitter sa ville natale à l'âge de 18 ans pour rejoindre Tokyo où il devient le disciple de Matsugoro Hirokawa (1889-1952), pionnier dans l'art moderne de la teinte du textile. Matsugoro était persuadé que le roketsuzome, en tant que technique artisanale ancestrale, pouvait produire des œuvres d'art équivalentes à la peinture ou à la sculpture. C'est à lui d'ailleurs que l'on doit l'entrée de la catégorie teinture sur textile à l'exposition annuelle des Beaux-arts, organisée par le gouvernement japonais.
lorsqu'il est mis en mouvement par un vent emportant ses feuilles. Dans ce même esprit, Hisako veille à travailler le contraste entre le kimono et son obi, à l'image de Grappe d'amaryllis, 2010. Sur le kimono, des volutes de fleurs blanches viennent fendre le rouge vif de l'automne, emportées par des bourrasques qu'on entend souffler au loin. 


