L`Intermède
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LE TERME MONUMENT vient du latin monere qui se traduit par "avertir", tandis que ce dernier verbe signifie littéralement "se tourner vers" (ad vertere). Il y aurait ainsi, à en croire les mots, une parenté fondamentale entre ces objets de mémoire plus ou moins pérennes, conçus pour que les regards s'y attardent, et l'acte habituellement fugace d'appel à l'attention. La naissance en 1955 de la Documenta à Kassel, au centre de l'Allemagne, était un véritable avertissement symbolique de la réconciliation entre l'art d'avant-garde et une nation qui l'avait condamné avec violence. Or la treizième édition de cette exposition de 100 jours, qui a lieu tous les cinq ans et a acquis le statut de manifestation d'art contemporain la plus importante au monde (avec la Biennale de Venise), interroge justement la fonction de monument, le dialogue entre l'Histoire et la mémoire, ainsi que le pouvoir politique et éthique de l'art.

Par Naomi Vogt

EN 1955, LORSQUE L'ARTISTE et professeur Arnold Bode (1900-1977) conçoit la première Documenta en y présentant exclusivement des œuvres qui avaient été considérées comme dégénérées sous le régime national-socialiste, son choix reflète en réalité tout autant son époque. La ville de Cassel, située dans le Land de Hesse, se tient à la lisière de la RDA, où l'imposition du réalisme socialiste et de l'art d'Etat sont encore d'actualité. Depuis, la Documenta est devenue un événement international de cents jours. Cette treizième édition, ouverte le 9 juin 2012, accueille d'ailleurs 155 artistes originaires de 55 pays. La directrice artistique de dOCUMENTA (13) est l'Américaine Carolyn Christov-Bakargiev, conservatrice au Castello di Rivoli de Turin. Par sa collaboration avec Chus Martinez et une équipe de quelques vingt commissaires, c'est une tonalité générale qu'elle a choisi d'accorder à l'exposition plutôt qu'un thème précis. "L'exposition à Cassel vise une forme d'engagement auprès d'un site et, en même temps, la formation d'un polylogue avec d'autres lieux [...] une exploration de micro-histoires à des échelles variées qui lient une histoire locale et la réalité d'un espace avec le monde et ce qui relève du terrestre." Ces mots de Christov-Bakargiev apparaîssent sur le mur d'entrée du Fridericianum, actuelle Kunsthalle et bâtiment prioritairement investi lors des documenta. À la seule échelle de la ville, cette édition s'est en effet conçue de façon à jouer avec le terrain : divers bâtiments officiels, galeries, immeubles désaffectés mais aussi cinémas, toits, magasins et l'immense parc Karlsaue servent d'espaces d'exposition. Depuis quelques années, la Documenta, tendant vers un questionnement de la fonction sociale de l'art, a pu devenir une plate-forme de critique de l'euro-centrisme culturel. Or dOCUMENTA (13) est physiquement et conceptuellement située (comme aiment à le dire ses organisateurs) dans quatre lieux : Cassel, Alexandrie/Le Caire, Kaboul et Banff - minuscule ville lotie dans un parc national canadien.


Voix off

AINSI, UN PARCOURS CHOISI à travers l'abondante dOCUMENTA (13) - qui demande environ quatre jours pour une visite exhaustive à Cassel - peut prendre la forme d'une étude de localités, de stigmates, de vécus matériels et topographiques, selon une orientation jamais restreinte ni purement auto-réflexive. Une cabane de bois installée sous des arbres au Karlsaue Park peut servir de point de départ à de nombreux égards. Elle abrite l'œuvre de Gunnar Richter Traitement de l'époque nationale-socialiste. Une étude locale d'un crime de fin de Seconde Guerre Mondiale. Méthodes de recherche. (1981) Cent diapositives défilent, projetées pendant 35 minutes. Deux voix off forment le commentaire de l'exposé singulier que documenta, 13, cassel, exposition, suisse, expo, art, artiste, art moderne, allemagne, monument, architecture, installation, galerie, espace, toit, guerre, histoire, contemporain, art contemporain constitue l'œuvre : l'une relate les éléments les plus factuels, l'autre narre les étapes et processus de la recherche historique d'un point de vue ouvertement personnel. Le monastère de Breitenau, situé à 15 kilomètres au sud de Cassel au bord de la rivière Fulda, aurait été érigé après le décèlement de signes révélant la présence d'anges sur le site. Ce monument saint d'architecture romane devient une prison en 1870, avant de servir de camp de concentration puis de camp de travail sous le régime nazi.

OR L'INTÉRÊT DE RICHTER se manifeste à la lecture d'un ouvrage de Willi Belz, Les Imperturbables qui décrit un crime de guerre commis sur place par des soldats SS : une cinquantaine de prisonniers sont fusillés et une croix en bois est érigée en leur souvenir. Il s'agit de la seule trace écrite rapportant cet événement. Le jeune Richter, alors étudiant en histoire, en art et en pédagogie à l'Université de Cassel, formule une demande pour que son mémoire académique puisse exceptionnellement réunir les trois domaines à travers l'étude de ce cas. L'
œuvre qui en découle emporte le spectateur dans un triple récit : il y a l'Histoire – les prisonniers tués car ils ne pouvaient plus être déportés en 1945 lorsque les Américains avaient gagné le contrôle des voies ferrées ; ensuite le sculpteur interné qui consacre le reste de sa vie à façonner des mémoriels et crée une croix pour les victimes ; enfin, la délocalisation de cette croix de Breitenau vers le cimetière de guerre de Ludwigstein. D'autre part, il y a la méta-histoire : les personnes interrogées et les accents de leurs réponses, les paysages et espaces comme participant des faits, le parcours par essence sinueux du chercheur ainsi que les interrogations latentes que le visiteur ne peut que deviner. Le déplacement de la croix vers un site plus générique n'accentue-t-il pas encore l'anonymat des victimes ? Ce geste de réécriture de l'Histoire sert-il à rendre à Breitenau sa nature de pure merveille architecturale - la plaque historique du bâtiment faisant en outre une impasse totale sur l'époque nationale-socialiste ? En quoi un lieu demeure-t-il porteur de son passé alors même que toutes traces en ont été évacuées ?


Sept mille chênes

UNE FOIS PAR SEMAINE, Gunnar Richter vient s'asseoir devant la porte de son œuvre et répond aux questions. Il explique avoir eu peur que des recherches si vivantes ne deviennent des archives poussiéreuses. De fait, son œuvre-document a vocation de provoquer d'autres recherches, non à la manière d'un manuel didactique, mais plutôt comme source d'inspiration. L'esthétique de la recherche mise à jour, elle peut être re-vécue indéfiniment par le spectateur. Richter parle de "mise en sûreté des traces". Sa documenta, 13, cassel, exposition, suisse, expo, art, artiste, art moderne, allemagne, monument, architecture, installation, galerie, espace, toit, guerre, histoire, contemporain, art contemporaindémarche peut ainsi être lue dans le sillage d'une montée des études historiques régionales en Allemagne de l'Ouest dès les années 1980. Elle peut notamment trouver un écho dans le texte de 1989 rédigé par Arlette Farge, Le goût de l'archive. L'historienne y évoque le paradoxe de l'inclination que suscite la recherche pour le document-source, alors que la déontologie prescrit le maintien d'une distance à son égard.

MAIS LA DÉMARCHE DE RICHTER appartient aussi à l'histoire de l'Art. Lors de la septième Documenta en 1982, Joseph Beuys (1921-1986) invite Richter à participer à son Université Libre Internationale. Fondée dix ans auparavant, il s'agit d'un espace immatériel d'étude et de communication, destiné à développer la charge de création dormant en chacun. "Tout homme est un artiste", avait dit Beuys. Non pas selon une acception naïve ou en marge du concept warholien du "quart d'heure de célébrité", mais plutôt comme le constat de la présence de l'art dans tous les domaines du travail humain. Lors de cette même septième Documenta, Beuys avait mis en orbite son concept de sculpture sociale, c'est-à-dire l'élargissement du cadre de l'art afin qu'il comporte un potentiel transformateur de société en utilisant le langage, la pensée, l'action ou l'objet. En retour, à l'aune du Gesamtkunstwerk ("
œuvre d'art totale") d'un Richard Wagner, la société entière peut être conçue comme une grande œuvre. Concrètement, Beuys a délivré une vaste pile de pierres en basalte. Vues de haut, il devenait perceptible que les pierres constituaient une immense flèche pointée vers un unique chêne. Selon les instructions de l'artiste, les pierres ne pouvaient être ôtées que si un chêne se voyait planté en lieu de place de chacune. Sept mille chênes ont depuis poussé à Cassel.


Coquille vide en béton

L'ÉTONNANTE AFFINITÉ entre l'arbre et la sculpture mémorielle resurgit au sein de dOCUMENTA (13). Sur les parois d'une salle du Fridericianum sont suspendues des centaines de petits et méticuleux dessins de pommes, réalisés entre les années 1910 et 1960 par le pasteur botaniste bavarois Korbinian Aigner (1885-1966). Envoyé à Dachau à cause de ses prédications et actes anti-nazis - il refusait par exemple de baptiser les nouveaux-nés prénommés Adolf -, il doit y travailler comme jardinier et cultive de nouvelles documenta, 13, cassel, exposition, suisse, expo, art, artiste, art moderne, allemagne, monument, architecture, installation, galerie, espace, toit, guerre, histoire, contemporain, art contemporainvariétés de pommes, dont les appellations débutent toutes par KZ (abréviation de Konzentrationslager – "camp de concentration"). En plus de l'accrochage de ses dessins, un pommier Korbinian a été planté dans le Karlsaue Park, qui fleurira bien au-delà de l'exposition. Ce geste pratiqué par une commissaire – alors qu'il appartiendrait le reste de l'année aux jardiniers du parc – devient-il équivalent de la mise en place d'un monument informel et organique ? Ou alors, tous ces paramètres inhabituels en font sans doute justement un anti-monument, un hommage certes mais qui, au lieu de prendre parole et de dicter le souvenir, fonctionne comme une citation vivante et nullement circonscrite.

OR LE JEU DE PISTE et de définition du monument contemporain prend un autre tournant pour le public qui rencontre, devant l'hôtel de ville, la fontaine de Horst Hoheisel. Ici encore, la pièce est indissociable d'un alliage opérant entre une histoire et l'Histoire. Il semble alors qu'un système de poupées russes s'instaure, quand un mémoriel concentre en lui une vie et une affaire localisée, qui elles-mêmes servent de synecdoque pour évoquer un climat ou des circonstances historiques plus vastes et complexes. Ce genre d'
œuvre engendre, par nature, des récits. En avril 1939, des activistes nazis démolissent une fontaine et l'obélisque de 12 mètres de haut qui la surplombe. Car le donateur de l'ouvrage, Sigmund Aschrott, est juif. Lorsque la fontaine recouvre sa fonction en 1963, tout le monde se figure qu'elle a été détruite par les bombardements alliés. Ce n'est qu'en 1987 que la mémoire des événements se voit à nouveau insufflée dans l'objet, lorsque Hoheisel soumet son projet Negative Form. Reprenant la forme de l'obélisque, il la fabrique en creux et dans le sol. Une coquille vide en béton, invisible à première vue, semblant signifier le refus d'une réparation pure qui menacerait d'effacer l'acte de démolition. L'artiste dit d'ailleurs : "Ce n'est pas un lieu pour déposer des fleurs." Depuis les 25 ans d'existence de sa fontaine, il se rend régulièrement sur place afin de la nettoyer, un rituel parachevant l'œuvre. Si celle-ci est visible en permanence, dOCUMENTA (13) la met en valeur en exposant à la manière de reliques, dans une rotonde renommée The Brain au Fridericianum, les dessins préparatoires, le contrat de maintenance, des pièces de monnaie jetées à l'eau pour la bonne fortune ainsi que les gants utilisés par Hoheisel et Carolyn Christov-Bakargiev lors d'un lavage de l'œuvre.


Marbre blanc

C'EST AINSI QU'UN VOYAGE dans la temporalité de l'art se réalise par la force de reliquats et objets-témoins. Le statut des natures mortes de Giorgio Morandi, disposées auprès des vases-modèles originaux couverts de peinture par l'artiste quelques années au préalable sous l'Italie fasciste, demeure incertain, entre œuvre, muse inanimée et document. Il y a les rares figurines composites dites Princesses Bactrianes, provenant de la fin du troisième millénaire avant Jésus-Christ dans la région de l'actuel Ouzbékistan ; documenta, 13, cassel, exposition, suisse, expo, art, artiste, art moderne, allemagne, monument, architecture, installation, galerie, espace, toit, guerre, histoire, contemporain, art contemporainl'Essere fiume 6 de Giuseppe Penone, où deux pierres apparemment identiques sont en fait un rocher trouvé dans une rivière et formé par la nature, et une copie sculptée sur mesure dans du marbre blanc de Carrare ; ou encore un petit paysage de Mohammad Yusuf Asefi qui, sous le régime taliban, prétendait restaurer des tableaux pour pouvoir recouvrir temporairement toute figure humaine, sauvant ainsi des dizaines d'œuvres de la destruction.

THE BRAIN COMPORTE également les célèbres clichés montrant Lee Miller (1907-1977), alors correspondante de guerre pour le magazine Life, se lavant dans la baignoire d'Adolf Hitler le 30 avril 1945, dans son appartement de Munich. Le même jour, la photographe avait visité Dachau pour la première fois, tandis que dans son bunker berlinois, le dictateur se suicidait. Ces images, qui ont suscité tour à tour l'indignation et une sorte de vertige historique, sont ici accompagnées d'objets saisis par Miller, comme la petite poudre compacte ayant appartenu à Eva Braun. L'art et la culture visuelle complexifient la linéarité historique. Le temps de l'art n'est plus perçu comme ponctuel – daté seulement de sa conception – mais ses phases et ses générations propres trouvent ici un lieu consacré. Réciproquement, les pièces exposées dans The Brain pourraient constituer une sorte d'essai ou de dissertation d'histoire, où les mots ne tiendraient qu'un rôle connexe. Or la dernière décennie a vu paraître un courant à rebours du déferlement des données immatérielles sur internet. Un petit groupe de philosophes, parmi lesquels Ray Brassier et Quentin Meillassoux, proposent de repenser la culture matérielle : selon la Thing Theory (théorie de la chose), les objets seraient intrinsèquement porteurs de récits, et c'est pourquoi un rapport plus dialogique avec la chose inanimée devrait être instauré.



In situ

EN EFFET, PLUSIEURS ARTISTES de dOCUMENTA (13) choisissent de donner la parole à des artefacts, s'éclipsant presque tant ils font parfois office de simples intermédiaires. L'objet détruit, déporté ou condamné à l'oubli se trouve inévitablement au cœur d'une logique de l'hommage. Au Fridericianum, Michael Rakowitz présente What Dust Will Rise, une installation qui re-crée une sélection de la bibliothèque de Landgrave à Cassel, détruite en 1941 par feu suite à un bombardement de la British Royal Air Force. Les volumes volatilisés sont ici remplacés par des versions façonnées avec du tuf calcaire puisé non incidemment dans les collines de Bamiyan, là où des Talibans avaient fait sauter à la dynamite deux Bouddhas géants en grès datant du 6e siècle. Deux patrimoines dissipés dialoguent et partagent leur matière première. La tradition ancienne du livre en dur pour remplacer l'ouvrage en papier ou parchemin est ici ravivée et ne manque pas d'évoquer une sorte de pierre tombale dédiée au savoir qui s'est perdu en même temps que l'artefact. Autour de ces sculptures, Rakowitz a disposé des objets liés aux impacts de la documenta, 13, cassel, exposition, suisse, expo, art, artiste, art moderne, allemagne, monument, architecture, installation, galerie, espace, toit, guerre, histoire, contemporain, art contemporainchaleur et à une géologie qui semble interroger le hasard : des morceaux provenant de Bamiyan et de la bibliothèque de Landgrave, une météorite tombée en 1954, une tablette sumérienne en argile portant des inscriptions cunéiformes (datant d'environ 2200 av. J.-C.) - une des premières traces d'écriture, conservée par accident grâce au feu. Le titre de l'œuvre quant à lui vient d'un proverbe afghan sur la coopération : "Quelle poussière peut être soulevée par un seul cavalier ?"

LE CONCILIABULE INSTAURÉ entre Cassel et l'Afghanistan refait surface à maintes reprises, notamment avec A Brief History of Collapses de Mariam Ghani. L'architecture comme empreinte d'une destinée personnelle est explorée avec cette installation de deux vidéos simultanées tournant pendant 22 minutes. L'
œuvre s'inscrit dans une série entamée en 2004, Performed Places, où l'artiste cherche à activer la structure narrative de divers lieux. Ici, sur deux écrans, une silhouette déambule, fuyante, dans des espaces fantomatiques montrés comme étant tout à la fois jumeaux et antagonistes, tandis qu'une voix off extérieure aux films prononce le portrait de deux bâtiments : le Fridericianum lui-même et le palais Darul-Aman à Kaboul. Les deux constructions ont joué un rôle proéminent en tant qu'insignes de modernité et de Lumières, avant de se voir démolies puis chargées d'une symbolique nouvelle. La première, érigée en 1779, était l'un des plus anciens musées publiques d'Europe. Sa destruction et son rapide rétablissement en ont fait un emblème d'une guérison post Seconde Guerre Mondiale réussie. Darul-Aman, de son côté, a été construit au début des années 1920 sous le règne du modernisateur Amanullah Khan. Destiné à accueillir le parlement, il a été endommagé avant de pouvoir entrer en fonction par les guerres successives en Afghanistan. Il reste à ce jour en état de ruines, à la fois dépourvu d'une histoire positive et, pour l'instant, d'un quelconque futur fonctionnel. Néanmoins, transformé en porteur condensé d'une "Brève histoire des effondrements", Ghani en fait momentanément le cousin d'un musée phare de l'Occident.

documenta, 13, cassel, exposition, suisse, expo, art, artiste, art moderne, allemagne, monument, architecture, installation, galerie, espace, toit, guerre, histoire, contemporain, art contemporainCETTE VASTE EXPOSITION contribue ainsi à organiser des microcosmes autant que des dialogues. Un arbre généalogique peut même être décelé, qui déploie ses branches entre des œuvres parentes de dOCUMENTA (13). Par exemple, Carolyn Christov-Bakargiev a invité tous les participants de la manifestation à visiter le site de Breitenau dans le sillage de l'œuvre de Gunnar Richter, afin de mieux comprendre les enjeux du territoire où ils exposeraient leurs pièces, pensées pour la plupart de façon in situ. Clemens von Wedemeyer en a fait le sujet de son œuvre Muster (Rushes) présentée à la Hauptbahnhof (gare centrale). Le film décuplé en une installation tripartite se déroule en trois époques et incarnations du monastère, dont la libération du monastère-camp en 1945 et une visite mémorielle du site à la fin des années 1990 par des adolescents blasés. De plus en plus, la question de la mémoire collective et des innombrables outils susceptibles de la définir plane sur cette Documenta. Cette mémoire, telle que pensée par le sociologue Maurice Halbwachs, a été inventée par opposition à la mémoire intime, disparaissanttoujours avec l'être qui la portait : la mémoire collective est partagée, démultipliée et remise en jeu sous construction permanente par le groupe. Or dOCUMENTA (13) explore également le corollaire de cette notion-clef, c'est-à-dire les carences collectives et les oublis partagés, que certains auteurs nomment "omissions sélectives", faisant de la disparition le véritable sujet ici.

N. V. 
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à Cassel, le 10 septembre 2012


dOCUMENTA (13)
Ville de Cassel, Allemagne
Jusqu'au 16 septembre 2012
Tarif plein : 20 €
Tarif réduit : 14 €
Tarif plein 2 jours : 35 €
Tarif réduit : 25 €
Tarif plein saison : 100 €
Tarif réduit : 70 €
Rens. +49 561
70 727 70

 




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Crédits et légendes photos
Photo sur la page d'accueil : Rabih Mroué ,The Fall of Hair, 2012, Teil 1: The Pixelated Revolution. Room with video projection, Courtesy Sfeir-Semler Gallery, Beirut, Hamburg, Commissioned and produced by dOCUMENTA (13) with the support of Sfeir-Semler Gallery, Beirut, Hamburg. Photo: Henrik Stromberg
Photo 1 Gunnar Richter,Dealing with the Era of National Socialism—A Regional Study of a Crime in the Final Phase of World War II. Methods of Researching, 1981/2012, Audio slide show, 100 slides, 35 min., Courtesy Gunnar Richter, Commissioned and produced by Gunnar Richter, co-produced by dOCUMENTA (13) Photo: Nils Klinger
Photo 2 Gunnar Richter,Dealing with the Era of National Socialism—A Regional Study of a Crime in the Final Phase of World War II. Methods of Researching, 1981/2012, Audio slide show, 100 slides, 35 min., Courtesy Gunnar Richter, Commissioned and produced by Gunnar Richter, co-produced by dOCUMENTA (13) Photo: Nils Klinger
Photo 3 Apples, Korbinian Aigner: Apples, 1912-1960s, 396 Drawings, 10x15 cm, gouache and pencil or watercolour and colored pencil on cardboard, Courtesy Historisches Archiv der Technischen Universität, Munich. Photo: Roman März
Photo 4 Giuseppe Penone: Ideas of Stone, bronze and stone, 2004/2010, Photo: Roman Mensing
Photo 5 Michael Rakowitz,What Dust Will Rise?, 2012, Commissioned and produced by dOCUMENTA (13) with the support of Dena Foundation for Contemporary Art, Paris, and Lombard Freid Projects, New York Courtesy the artist; Dena Foundation for Contemporary Art, Paris; Lombard Freid Projects, New York, Photo: Roman März
Photo 6 Clemens von Wedemeyer, Muster (Rushes), 2012, synchronized 3 channel HD film installation, colour, sound, 3 screens 280x500 cm, 3x27 min. Commissioned and produced by Documenta (13) with support of ZDF 3Sat; Kadist Art Foundation, Paris; Medienboard Berlin Brandenburg; Nordmedia, Hannover; Hessische Filmförderung HR, Frankfurt a.M.; Galerie Jocelyn Wolff, Paris. By courtesy of Clemens von Wedemeyer. Foto: Henrik Stromberg.