
deux personnages principaux : Calder, dénudé et vulnérable, tente d'échapper à la créature mi-sirène, mi-serpent, coiffée d'une tête de méduse qui se laisse tomber d'une branche au-dessus de lui. A l'arrière-plan, sur quelques collines sommairement esquissées, une autre femme poursuit son compagnon, soulignant la force libidineuse du dessin. Ce dessin de 1929, Untitled (Self-portrait with Medusa), met ainsi en scène Louisa qui, en raison de sa tignasse indomptable, acquiert le surnom affectueux de Méduse. Ce qui est aussi le nom d'une sculpture datant de 1930, où quelques fils tordus suffisent à faire s'élever une coiffe déstructurée, à aligner les yeux en un regard porté au loin, à la fois songeur et resplendissant, et à fondre les fines lignes du nez et de la bouche en une harmonieuse expression de bonté. Magnanime, cette tête rappelle effectivement le mythe ancien de Méduse et Persée et le pouvoir du regard de la créature prend forme ici dans la transparence des lignes de fer.
Mais ous les portraits réalisés par Calder ne sont pas des caricatures, même si l'exagération est très souvent un outil de choix pour celui qui aime signifier ce qui fait l'individualité des personnes représentées. Barbara Zabel perçoit dans les portraits de Calder "toute l'admiration affectueuse qu'il éprouvait pour ses sujets" : "C'est cette sincérité qui lui permet de percevoir avec une acuité remarquable les idiosyncrasies et les particularités intrinsèques de chaque individu. Ses portraits ne se voulaient d'ailleurs pas railleurs mais plutôt enjoués, drôles." C'est probablement aussi cette inclination qui est à l'origine d'une nouvelle conception du portrait qui voit alors le jour. Si, auparavant, les portraits capturaient leur sujet et le figeaient à jamais, les sculptures, puis surtout les mobiles de Calder, à l'inverse, libèrent la description du modèle. Comme un écho en trois dimension à la révolution psychanalytique, qui, depuis quelques années, a fait évoluer la conception de la psyché : les individus sont désormais considérés comme des personnalités complexes.
sous toutes ses formes, en particulier lorsqu'il s'agissait de sa transcription mécanique", poursuit la commissaire. Issu d'une famille d'artistes - son père sculpte, sa mère peint - Alexander Calder a été encouragé, très jeune, à s'intéresser au bricolage, moyen peu onéreux d'améliorer ses jouets ou de confectionner des bijoux pour les poupées de sa sœur. Il pousse cet attachement à la construction jusqu'à entamer des études d'ingénieur. Mais après quelques années d'exercice, c'est sous une forme ludique et créative qu'il veut vivre sa passion. Lors de son retour à New York pour ses études aux Beaux-arts, Calder accepte d'être pigiste, entre 1924 et 1926, pour un magazine de sport et d'enquête policière. Il est amené à suivre autant des événements sportifs que diverses représentations de cirque, se découvrant une fascination pour les contorsions du corps humain.
importants, ayant réchappé de peu au fascisme avant de fuir pour les Etats-Unis. Les nuages menaçants renvoient à son humour grinçant qui n'était jamais sans annoncer une catastrophe prochaine. Le mobile oscille entre la figure esquissée de face, ancrée sous son parapluie d'un côté et l'essaim de nuages de l'autre, entre l'esprit combatif de l'individu et la force destructrice des événements. Le basculement se fait au rythme des relations qui se nouent : entre Calder et son ami, libre d'exprimer un moi multiple, hésitant, insaisissable. Et puis entre l'oeuvre et le spectateur, libre de choisir l'issue qu'il préfère… et puis de changer d'avis. 