
français. L'invention d'une telle altérité est le premier acte romanesque du démiurge ; et son premier personnage est l'auteur lui-même. Support d'une fantaisie sans limite, le nom ouvre de riches horizons imaginaires, à l'image d'un discours placé sous le signe de la création verbale. Dans ce jeu des identités se dédouble et se distord à volonté un univers soudain grimaçant. Tout comme Ville d'Avray, sa ville natale, est comiquement rebaptisée Ville d'Avrille dans Vercoquin et le plancton (1946), Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre deviennent, dans L'Ecume des jours (1947), la Duchesse de Bovouard et Jean-Sol Partre - demi-dieu arrivant à dos d'éléphant à ses conférences et fendant la foule à coups de hache, pour parler de son fameux Vomi - la Nausée s'est matérialisée.
rimés" - poèmes composés à partir de rimes imposés - qui révèlent très tôt son goût pour les jeux de mots, à l'instar de son premier pseudonyme-anagramme, "Bison Ravi". Les tentatives romanesques qui suivent sont alors prétextes à des calembours et des déformations comiques de citations, le langage devenant le lieu privilégié d'une vaste comédie.
entre humour et sérieux s'effacent. Alors qu'il aborde dans toute une série d'ouvrages, inspirés des romans noirs américains, des questions graves qu'ils souhaitent être prises au sérieux par le public, il se livre à un jeu littéraire dans lequel il se cache derrière le pseudonyme de Vernon Sullivan et ne se présente que comme simple traducteur. Amusé par cette supercherie, il va même jusqu'à inventer une fausse version "originale" du texte, en anglais, I shall spit on your graves, afin de donner corps et vie au fictif Vernon Sullivan. Cette mise à distance du livre par rapport à son auteur réel, si soignée et réfléchie, interroge les véritables motivations de Boris Vian : simple jeu comique ou peur d'apparaître tout entier au public ?
celui que l'on présente bientôt en héraut de l' "éternelle jeunesse". Lui, le poète maudit de Saint-Germain des Prés.

