
UN BUS MINIATURE, version soundblaster, roule sur le bitume. Gadget humoristique qui s'impose comme un écho au reste de l'univers de Michel Gondry : ludique, inventif et musical. Cet objet insolite est aussi une mise en abyme de l'ensemble du film. Les titres des différents chapitres s'inscrivent sur des objets, comme le premier sur un paquet de cigarettes. Les pensées des personnages sont parfois représentées à l'écran dans une esthétique carton-pâte qui rappelle les films "suédés" de Soyez sympas rembobinez. La bande originale, sertie de hip hop old school et de vieux tubes comme "It's like that" de Run-DMC, complète cette dynamique qui emporte le spectateur dans l'ambiance familière des films de Gondry. Mais The We and the I est, comme souvent chez le réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind, bien plus sombre qu'il n'y parait. Le film ne se laisse pas découvrir immédiatement : il commence par foisonner en tous sens et ce n'est que peu à peu que sa nature et ses enjeux sont mis au jour. The We and the I est un huis clos, comme on le découvre progressivement. Lentement, à la faveur de l'avancée du véhicule et de l'écoulement du temps, la tranche de vie acerbe mais encore légère révéle sa part d'ombre et sa face cachée potentielle : le drame intimiste.
de groupe, l'idée selon laquelle, plus on est nombreux, plus on a tendance à faire n'importe quoi. C'est la pression du regard des autres et l'élan collectif qui déterminent nos actions de manière plus prégnante. Les trois parties du récit (The Bullies, The chaos, The I) démontrent ce principe : trois temps, trois rapports à l'identité.
LE FILM EST UNE IMAGE de la société contemporaine, en réseau. Chacun des personnages a son portable et y reste rivé, trop heureux de l'avoir retrouvé après avoir été contraint de le déposer pendant la journée de cours dans une consigne, comme c'est l'usage dans les écoles américaines. Non seulement, la communication passe par les SMS, mais l'échange de photographies et de vidéos, en toute occasion, est un enjeu prégnant. D'ailleurs, au cours du film, une vidéo devient "virale". L'enjeu est de savoir qui la reçoit et qui ne la reçoit pas. Celui qui est en dehors du réseau n'est rien, mais ce que véhicule le réseau lui-même n'a aucune importance : il ne s'agit que de données conventionnelles, ou banalisées par la répétition. Le contenu en perpétuelle répétition (un gif) y est totalement vidé de son contenu, précisément : il n'est qu'une donnée vide que l'on se transmet. Or il résonne bien différemment à la fin du film, lorsqu'il est remis, pour la première fois, en contexte.
persiste à tenter de communiquer avec ceux-là même qui l'agressent constamment. Ainsi, cette identité factice qu'elle porte ostensiblement renvoie d'autant plus fortement à sa souffrance et à ce qu'elle souhaiterait cacher. Elle montre par là-même ce que tous les autres souhaitent être et, finalement, sont : non pas des individus mais des images.


