
Sebbar, Nina Bouraoui, Zahia Rahmani, Malika Mokeddem. Autant de noms qui comptent désormais dans le paysage de la littérature française contemporaine, montrant comment une nouvelle génération a été capable d'intégrer l’héritage des précédentes et d'élargir les problématiques et les thématiques des années passées. De même, Catherine Douzou (Université de Tours) a démontré la solidité des bataillons de la "légion étrangère du roman français", à travers une large étude des nombreux auteurs qui, par choix et pour des raisons personnes, écrivent en français : François Cheng, Atiq Rahimi, Agota Kristof, Aki Shimazaki ou Andreï Makine sont quelques exemples de ces nombreux auteurs qui viennent enrichir le domaine de la littérature contemporaine, faisant de la langue française une source d'inspiration, de réflexion et d'inventivité.
OUTRE CETTE VERBALISATION plus ou moins explicite d'un traumatisme, la volonté de s'approprier l'histoire pose le problème de la totalisation du passé, de la réduction de l'écart entre le temps vécu et le temps social. Annie Ernaux se confronte à ces difficultés en racontant "l'histoire en vitesse", pour reprendre ici le titre de la communication de Marie-Pascale Huglo (Université de Montréal). Dans Les Années, la romancière tente de fait de saisir une fin de siècle en substituant aux discours médiatiques une mémoire qui imprime au récit une progression à la fois horizontale, à travers la chronologie des événements, et verticale, à travers le déploiement d'images présentes en palimpseste. Cette tension entre fragmentation et totalisation est également sensible, selon Marc Dambre (Université Paris III-Sorbonne Nouvelle), dans le rejet de l'orthodoxie du roman historique que l'on peut observer à l'œuvre chez Patrick Deville, Yannick Haenel ou Frédéric Werst. Ces derniers engagent une quête historique dont le mouvement incessant défie tout aboutissement : cette "forme errance" permet de dire, à travers l'hybridité générique, une vérité fragmentée.
comme l'a souligné Yves Baudelle (Université Charles de Gaule-Lille III), ne correspond ni à un reflux de l'imagination - l'œuvre de Chevillard, où l'expression du "je" passe par une inventivité débridée, en est la preuve - ni à un déclin du style - nombreux sont les effets poétiques chez Nelly Arcan ou Chloé Delaume par exemple, qui déploient leur récit autour d'associations d'idées et d'échos sonores. C'est moins la valeur axiologique que la dimension esthétique des œuvres qu'il faut juger, comme proposait de le faire Barbara Havercroft (Université de Toronto) en montrant comment Annia Reyes et Christine Angot renouvellent les codes de la confession intime. Il ne s'agit nullement, pour ces femmes écrivaines, d'expier une faute. Mais de faire de l'expression de l'intime - la sexualité, l'inceste - une quête de l'identité personnelle. L’expression de l'intime, qui se manifeste par les ratages du mariage chez Camille Laurens, peut également être porteuse d'une réflexion sur l’identité sexuelle : Joëlle Papillon (Université de Toronto) a étudié comment, à travers une écriture dystopique qui exhibe les clichés, l'auteure de Dans ces bras là élabore une poétique de la différence entre les sexes en faisant d'une distinction entre le masculin et le féminin la cause d'une incompréhension radicale qui condamne le sentiment amoureux à être, simultanément, amour et désamour.
LES COMMUNICATIONS de Bruno Blanckeman (Université Paris III-Sorbonne Nouvelle) et d'Aurélie Adler se sont attaché tout particulièrement à analyser en quoi la littérature est, outre un état des lieux, un mode d'action possible sur la société contemporaine. À travers l'étude des Samothraces de Nicole Caligaris et Jan Karski de Yannick Haenel, œuvres qui posent la question de la responsabilité, Bruno Blanckeman a souligné un changement depuis les années 1980 en ce qui concerne le rôle de l'écrivain impliqué : plutôt que de surplomber, et par voie de conséquence de dominer les événements dénoncés, les écrivains se trouvent en situation d'immersion, ce qui entraîne l'élaboration d'une nouvelle écriture. Le dysfonctionnement du texte doit alors servir à pointer les défaillances d'une société, et à rappeler aux lecteurs d'aujourd'hui qu'ils sont autant les témoins d'un présent et les héritiers du passé que les responsables des discours qui en découlent. L'entretien avec Nicole Caligaris, lors de l'une des soirées-rencontre avec des auteurs contemporains lors du colloque, est venue confirmer cette interprétation : l'écrivain veut rendre compte à travers ses livres de la violence du monde du travail tout en redéfinissant la notion d'artiste engagé. Il ne s'agit pas de tenir une position de spécialiste mais de créer une forme de "vocabulaire actif", selon l'expression de Paul Klee.
grande participation puisqu'il doit être capable de relever les faibles traces d'un passé dont on ne perçoit plus que les échos assourdis. Pierre Senges, enfin, brouille les repères de ses lecteurs, en les entraînant dans une déambulation vagabonde, et finit par leur imposer une véritable activité de couturier qui consiste à ravauder, recoudre et recomposer pour parvenir à une continuité - toutefois bien fragile - du texte.
Certains, lors du débat, ont été ainsi conduits à prendre la parole au nom de La Carte et le territoire, pour tenter de contester la suprématie du "frère aîné".


