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Papiers s'il vous plaît
Maison de la Photographie Robert Doisneau, Paris
Jusqu'au 31 décembre 2016



En deux mots

maison de la photographie robert doisneau, gentilly, photo d`identité, photo judiciaire, Alphonse Bertillon, Marc Garanger, GentillyLunettes ôtées, cheveux en arrière, regard droit, expression neutre : chacun d’entre nous s’est déjà plié à cet exercice étrange, à cette mise en scène d’un soi figé et un peu froid qui, du passeport au permis de conduire, est censé fixer notre identité en une image claire et objective. Mais d’où viennent ces normes photographiques, qu’est-ce qui s’y joue et comment se jouent-elles aussi des institutions qui les imposent ? Ce sont toutes ces interrogations qu’explore l’exposition Papiers s’il vous plaît, visible à Maison de la Photographie Robert Doisneau jusqu’au 31 décembre 2016 à Gentilly. Une exposition courte mais pertinente et cruellement d’actualité en cette époque où titres de séjour, cartes d’identité et fiches S cristallisent bon nombre de peurs et de fantasmes.
 
L’exposition se déploie sur cinq espaces qui retracent l’histoire et les mises en question de la photographie d’identité. Une première salle est consacrée aux prémices de cette pratique, d’emblée liée à une volonté de fichage. On y découvre le système d’Alphonse Bertillon qui imagina, dans les années 1880 pour la préfecture de police, les premières fiches signalétiques à usage judiciaire. On y voit aussi certaines des premières photographies d’identification, individus vus de face et de profil selon les normes bien connues des fameuses affiches "Wanted". Le deuxième espace rejoint la problématique de la norme en nous rappelant comment la photographie d’identité, d’abord divertissement de foire ou objet intime à glisser dans un portefeuille, s’est peu à peu transformée pour répondre aux exigences de l’administration. Des exigences et des codes qui, nous le voyons dans l’espace suivant, laissent pourtant place au hasard et n’empêchent pas les ratés, renvoyant la volonté de contrôle qui les justifient au rang des utopies. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un mauvais réglage rend la prise de vue si sombre qu’on n’y distingue plus le visage d’un homme noir qu’elle est censée identifier ou encore lorsque le flash, dirigé vers l’ardoise d’immatriculation d’un travesti en garde à vue, fait disparaître le numéro dans un halo de lumière. Allant plus loin encore que ces clichés qui manquent leur but premier et en deviennent cocasses si ce n’est absurdes, certains des sujets photographiés et même certains artistes effectuent un pas de côté et détournent le document officiel pour en faire une œuvre d’art. Ainsi, dans les deux derniers espaces, travestis du bois de Boulogne posant comme des tops modèles ou femmes algériennes photographiées pour l’armée française par Marc Garanger sont au centre de portraits réellement émouvants et bien éloignés de la simple identification judiciaire. Un beau pied de nez à l’objectif de Big Brother !


Marion Point
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à Paris, le 3 décembre 2016



Papiers s'il vous plaît
Jusqu'au 31 décembre 2016
Maison de la Photographie Robert Doisneau

1, rue de la Division du Général Leclerc
94250 Gentilly

Du mercredi  au vendredi 13h30-18h30
Samedi et dimanche 13h30-19h
Fermée les jours fériés
Entrée libre jusqu'au 31 décembre 2016

Crédits Photos © Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône

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Crédits photos :
"Photographies d'identité judiciaire", Anonyme, USA, années 1960. MNN 2006.172.2 © Musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône