François le saint-jongleur Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine
– En deux mots
Un plateau noir, dépouillé, sur lequel, seul, Guillaume Gallienne, tout de noir vêtu, va évoluer au cours d’une heure quinze de spectacle, magistralement dirigé par le regard lucide et généreux de Claude Mathieu, doyenne de la Comédie française et marraine de l’acteur. Quatorze ans après sa première création dans la maison de Molière, Gallienne endosse pour la seconde fois le rôle de François d’Assise.
Écrite en 1999 par Dario Fo, François le saint-jongleur conte l’histoire du saint, dans un hymne à la vie qui associe détournement des mystères ou des pièces hagiographiques, farce moderne à tendance irrévérencieuse et références à une Italie médiévale mais aussi plus contemporaine – évoquant notamment la prise de pouvoir de Berlusconi. Sur scène, Gallienne n’hésite pas à nous prendre à parti, il jongle avec les mots, les genres, l’humour, et ce dans une grande agilité, incarnant le Saint ainsi que tous les êtres qui ont croisé sa route, du Pape Innocent III aux plus immondes pourceaux.
Le seul en scène permet de rejoindre le dépouillement du Saint, père de la pauvreté, sur un plateau où seule la parole subsiste ; si bien que l’itinérance de François devient peu à peu la nôtre. Dans un théâtre qui renoue avec le genre du conte ou du fabliau, le spectateur entre en connivence avec l’acteur-conteur. Connivence fondamentale pour livrer un texte qui dénonce avec truculence et ironie le dogmatisme du Moyen Âge, et de manière plus générale les paradoxes humains ou la corruption, louant dès lors la révolte du Saint, l’anticonformisme et le courage d’un homme de foi libre, cheminant à travers l’Ombrie avec joie, naïveté et bonté. Avec les frères de sa "communauté", le pèlerin en haillons vient en aide aux pauvres et se plait à conter les Evangiles à sa façon.
Gallienne fait du Saint un personnage proche de nous, loin du saint éthéré, sans pour autant renoncer à un numéro de jonglage spirituel. Si François harangue la foule, Gallienne nous saisit, nous amuse et nous émeut, avec un texte qui, dans la tradition des bateleurs médiévaux, fustige les puissants et restaure la dignité des humiliés, entre tendresse, parodie mystique et rire de résistance.