L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède

Des journées entières dans les arbres
Théâtre de la Gaité Montparnasse, Paris
Jusqu’au 30 mars 2014



En deux mots

Écrite en 1954 par Margueritedes journées entières dans les arbres, théâtre, pièce, comédien, marguerite duras, mise en scène, fanny ardant, thierry klifa, nicolas duchauvelle, amour maternel Duras, Des journées entières dans les arbres est une nouvelle transgressive dans laquelle la narratrice réinvestit les traumatismes de son enfance, s’inspirant fortement de sa mère et de son frère, à l’instar des personnages d’Un Barrage contre le Pacifique. Dix ans plus tard, Duras adapte son texte en pièce de théâtre à la demande de Jean-Louis Barrault, qui la monte au Théâtre de l’Odéon en 1965. Aujourd’hui, c’est Thierry Klifa qui met en scène la passion redoutable, dévastatrice et exclusive d’une mère pour son fils.

Sur une scène au décor minimaliste des années 1950 évoluent durant quatre tableaux un homme et sa mère, incarnés par
Nicolas Duvauchelle et Fanny Ardant. Au soir de sa vie, cette dernière rentre de la colonie française où elle vit pour revoir son fils qu’elle n’a pas vu depuis cinq ans, menant à Paris une vie de débauche. Dès le lever de rideau, les embrassades infinies des deux personnages donnent le ton et l’insatiable appétit de nourriture – et de choucroute ! – de la mère résonne comme une faim avide et dévorante d’amour, - un "creux énorme", une vague qui submerge – l’amour d’un enfant qui n’est plus. Car le fils qu’elle aime, c’est celui qui, enfant, passait "des journées entières dans les arbres", à dénicher des nids, à l’observer d’en haut, et qui aujourd’hui n’est plus qu’un flambeur égoïste, dévoyé et incapable d’aimer, bien loin du souvenir à moitié fantasmé qu’elle garde de lui.

Mais peu importe. Celui qu’elle aime, c’est toujours lui. Et sa présence à Paris s’apparente à une sorte de testament tant elle le couvre de billets, de bracelets d’or et de promesses, comme celle de lui léguer son usine. L’éloge de Jacques se double alors de la dévalorisation de sa fille Mimi et de ses autres enfants, comme si la mère préférait à la réussite de ces derniers, qui ont construit une vie d’adulte des plus rangées, la différence de ce fils qu’elle ne réveillait pas pour aller à l’école, et qu’elle aimait savoir dans les arbres. Mais l’amour infini qu’elle nourrit pour lui, c’est celui pour l’Enfance éternelle, l’enfant qui ne grandit jamais.

Malgré une intrigue quelque peu hermétique, le spectateur se laisse porter par l’énergie de Fanny Ardant, révélant jusqu’aux répliques finales la puissance de cet amour maternel prêt à tout sacrifier pour un fils et qui ne prendra fin qu’à sa mort. Chez Duras, le lien entre la mère et le fils survit à tout, semble indestructible, et les héros eux-mêmes se désolent de ne pas être immortels pour s’émerveiller à jamais de leur amour éternel. Si le spectateur tend parfois à se perdre dans le ressassement de la douleur, et les répétitions de la mère, le style envoûte et subjugue par le ton personnel et pourtant si universel du sujet.

Au fil des tableaux se succèdent moments comiques, poétiques, et tensions cruelles et tristes. La verve de Duras, mélange de propos transgressifs, passionnels et métaphoriques, insiste avant tout sur le paradis perdu de l’enfance et l’égoïsme de ce fils, sujet de cette passion immodérée qu’il a du mal à assumer, allant jusqu’à préférer sa mort plutôt que le témoignage de sa préférence. Dès lors, leur relation opère un tournant à la fois tendre et cruel, nécessaire mais destructeur, empli de la violence que convoque le caractère excessif des sentiments. Dans la dernière partie de la pièce, la relation entre les personnages atteint toute son ambiguïté, les cris et les pleurs succèdant aux gestes tendres et aux baisers. Leur amour est si intense qu’ils en souffrent et se torturent, incapables de se remettre d’un passé révolu. Alors, Marcelle – une orpheline ramassée faute de mieux par Jacques –, si ridicule et si niaise, devient soudain d’une tragique lucidité, révélant une vérité qu’ils ne peuvent s’avouer, celle qu’ils se trouvent tous "bien seuls".


Emilie Combes
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Le 27 février 2014

Voir le site officiel du théâtre
 
 



Des journées entières dans les arbres, de Marguerite Duras
Mise en scène de Thierry Klifa
Avec : Fanny Ardant, Nicolas Duvauchelle, Agathe Bonitzer et Jean-Baptiste Lafarge
Théâtre de la Gaité Montparnasse
26 rue de la Gaité
75014 Paris
Mar-Sam 21h / Dim 15h30
Tarifs 1ère cat. 40€ / 2ème cat. 35€ /3ème cat. 20€
Rens. : 01 43 20 60 56


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