L`Intermède
Le choix de la rédaction de L`Intermède
 
Le Choeur des amants,
Ecrit et mis en scène par Tiago Rodrigues
Scène Nationale Carré-Colonnes
En tournée jusqu'à fin mars 2024



En deux mots 

Dans un dénuement scénique quasiment total – un rideau de velours vert émeraude, une table et deux chaises –, un couple s’avance. Sans plus attendre, il raconte à deux voix leur expérience face à une situation dramatique, lorsque la femme se réveille un matin sans parvenir à respirer. Elle risque de mourir d’une crise d’asthme, la peur s’installe, sa voix défaille. Pourtant, d’un même souffle, en juxtaposant des versions légèrement différentes des mêmes événements – chacun a son vécu, sa version –, les personnages, empreints de tendresse, narrent des récits qui se chevauchent et se confondent. De ce jour où il fallut se rendre à l’hôpital de toute urgence, à leur besoin de trouver refuge au contact de la nature les années passant, le spectateur suit le récit de leur amour, au rythme de leurs voix synchronisées. Comme si ce travail sur la langue venait métaphoriser le battement de leurs cœurs, à l’unisson. D’ailleurs, aucune technique n’est utilisée par les comédiens. Cette « voix à côté d’eux », qui implique un bouleversement dans leur intériorité, ils doivent chaque soir composer avec, mais de manière naturelle, intuitive, presque organique.
 
Le dépouillement scénographique augmente la force de ce chœur d’amants, laissant toute la place aux deux interprètes, au texte et à la musicalité du langage. Dans ce décor épuré, la langue lyrique se fait plus puissante. L’écriture de Tiago Rodrigues est presque in situ, performative, quasiment cinématographique. Les paroles fusent d’ailleurs à une vitesse vertigineuse, portées par une urgence qui se lit jusque dans l’écriture du trauma, celle d’une course contre la montre, contre la mort d’abord, puis contre le temps qui passe. Dès lors, rythmée par la récurrence de la réplique « on a le temps, on a – le temps », la pièce permet d’explorer la question du choix, de nos priorités face aux menus événements de la vie, et de la nécessité du changement. Mais si la décision de changer se prend vite, le changement, lui, prend du temps. Les personnages – et les spectateurs – apprécient la lenteur au milieu de moments de crise, le jeu sur les contrastes de rythme, et notamment cette scène éthérée, habitée par un long silence, lorsqu’ils boivent un thé. Au milieu de cette course contre une temporalité qui menace tout, en opposition à une temporalité choisie, jaillit une force vitale, celle de l’amour. Ils sont à la fois chœur et individus, leurs cœurs battent à l’unisson mais demeurent singuliers.
 
Quatorze ans après l’écriture de sa première version à Lisbonne, en 2007, le metteur en scène Tiago Rodrigues ravive sa création de jeunesse, en conviant deux nouveaux comédiens et en poursuivant l’écriture de sa pièce. Le récit polyphonique aborde alors dans un quatrième chant leur nouveau rapport au couple et au monde. Sans se limiter à en faire une nouvelle mise en scène, le dramaturge écrit sur le temps et son impact sur la vie des amants, sur leur amour qui a défié la mort. Mais pour lui, « interroger [s]es personnages sur leur vécu, c’est comme [s]’interroger sur le vécu de [s]on théâtre », poser la question de l’évolution de son rapport à celui-ci, et réfléchir à la nécessité de pratiquer cet art, pour en somme reconnaître que tout comme l’amour de ses amants, on ne peut résumer le théâtre, il doit être fait et vécu.

 

Émilie Combes 
-------------------------------
le 9 février 2024
 

Chœur des amants,
Texte et mise en scène de Tiago Rodrigues,
Scénographie de Magda Bizarro et Tiago Rodrigues
Avec Grégoire Monsaingeon et Oce?ane Cai?raty
Scène nationale Carré-Colonnes
 

 
 


En Tournée :
 
  • Le 11 février, à L’Astrada (Marciac)
  • Le 13 février à l’Espace Culturel La Fleuriaye (Carquefou)
  • Le 14 février au Théâtre de Laval
  • Les 16 et 17 février au Théâtre Municipal de Colmar
  • Le 20 février au Centre Culturel de Cesson-Sévigné
  • Le 21 février aux Quinconces-L’Espal (Le Mans)
  • Le 23 février au Théâtre du Passage (Neuchâtel)
  • Les 24 et 25 février au Théâtre des Halles (Sierre)
  • Du 27 au 29 février au Théâtre Sorano (Toulouse)
  • Le 02 mars au Cratère (Alès)

Crédits photos © Filipe Ferreira
 

D`autres articles de la rubrique Scènes


Tous les choix de la rédaction de L`IntermèdeTous les choix de la rédaction de L`Intermède