
Pourtant, d’un même souffle, en juxtaposant des versions légèrement différentes des mêmes événements – chacun a son vécu, sa version –, les personnages, empreints de tendresse, narrent des récits qui se chevauchent et se confondent. De ce jour où il fallut se rendre à l’hôpital de toute urgence, à leur besoin de trouver refuge au contact de la nature les années passant, le spectateur suit le récit de leur amour, au rythme de leurs voix synchronisées. Comme si ce travail sur la langue venait métaphoriser le battement de leurs cœurs, à l’unisson. D’ailleurs, aucune technique n’est utilisée par les comédiens. Cette « voix à côté d’eux », qui implique un bouleversement dans leur intériorité, ils doivent chaque soir composer avec, mais de manière naturelle, intuitive, presque organique.
Dès lors, rythmée par la récurrence de la réplique « on a le temps, on a – le temps », la pièce permet d’explorer la question du choix, de nos priorités face aux menus événements de la vie, et de la nécessité du changement. Mais si la décision de changer se prend vite, le changement, lui, prend du temps. Les personnages – et les spectateurs – apprécient la lenteur au milieu de moments de crise, le jeu sur les contrastes de rythme, et notamment cette scène éthérée, habitée par un long silence, lorsqu’ils boivent un thé. Au milieu de cette course contre une temporalité qui menace tout, en opposition à une temporalité choisie, jaillit une force vitale, celle de l’amour. Ils sont à la fois chœur et individus, leurs cœurs battent à l’unisson mais demeurent singuliers.