L`Intermède
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Crocodiles, l'histoire vraie d'un jeune en exil
En tournée en Bourgogne Franche-Comté et Grand Est
Jusqu'au 20 juillet



En deux mots
 
Voilà une pièce qui marque les esprits, une pièce engagée qui, parce qu’elle confronte le spectateur à l’autre pris dans un combat pour sa survie, ne peut que le bouleverser. Inspiré du périple migratoire d’Enaiatollah Akbari, un jeune Afghan hazara dont le récit a été recueilli, rédigé et publié par l’écrivain Fabio Geda, le spectacle mis en scène par Cendre Chassanne et Carole Guittat s’intitule Crocodiles, l’histoire vraie d’un jeune en exil. crocodiles, dans la mer il y a des crocodiles, fabio geda, enaiatollah akbari, carole guittat, cendre chassanne, remi fortin, pakistant, afghanistan, minorite hazara, refugies, iran, turquie, italie, Loin de toute position polémique et de tout discours enflammé, il adopte une voix qui, à travers le parcours d’un enfant, donne à voir plutôt qu’elle ne commente ce qu’il y a de désespérément réel dans les épreuves traversées par chaque migrant individuel. Malgré la dureté de ce qui s’y énonce, le récit témoigne d’abord d’un parcours initiatique dans lequel l’espoir en l’avenir se trouve au cœur de l’expérience racontée.

Sur la scène, un seul acteur, Rémi Fortin, qui incarne Enaiat. On le suit depuis ses dix ans, âge auquel il quitte clandestinement l’Afghanistan avec sa mère pour fuir les persécutions, jusqu’à son arrivée en Italie quelques années plus tard. S’ensuit un parcours chaotique qui le mène au Pakistan, en Iran, en Turquie, en Grèce et en Italie. Loin de tout pathos, le spectacle est tout en profondeur et en sobriété, et laisse sur le spectateur une empreinte d’autant plus durable qu’elle n’en appelle pas aux apitoiements faciles, ni à un sentiment de révolte aussi fulgurant qu’éphémère.  La touche poétique qui ouvre le spectacle donne le ton :  alors que le jeune Enaiat quitte son pays par une nuit piquetée d’étoiles, sa mère l’enjoint à les compter – il y en a trois mille quatre cents... Les épisodes tragiques qui rythment le récit (la mère qui "abandonne" l’enfant dans son sommeil, le voyage de plusieurs jours enfermé dans un camion où Enaiat manque d’air et d’espace) sont éclairés par des rencontres humaines, par la solidarité entre jeunes clandestins, ainsi que par les moments partagés avec d’autres enfants hazara rêvant ensemble à l’avenir.

Ces parenthèses liberté, ces envols hors de l’aliénation à laquelle la réalité quotidienne contraint ces enfants, se déploient dans la mise en scène. Par le jeu de Rémi Fortin, qui passe de l’enfance à l’adolescence avec grâce et force. Par son corps, qui danse sans cesse au rythme de musiques électro ou de percussions, mimant les émotions violentes de cet âge mais aussi celles du migrant qui vit des expériences traumatisantes et chaotiques. Son corps fragile paraît se fracasser lors de trajets interminables sur des routes cahoteuses. Cependant, il semble renaître au contact de l’autre, des autres, anonymes, témoins divers et discrets de son épopée. L’altérité comme message d’espoir est valorisée par le dispositif bifrontal. De part et d’autre de la scène, deux écrans, deux espaces différents pour le spectateur, qui regarde, par cette disposition en miroir, à la fois le trajet d’Enaiat, mais aussi son semblable. Sur les écrans, des images qui se superposent parfois au récit : on y voit défiler des hommes et des femmes, tous différents, tous porteurs d’une histoire et d’une existence propres, ainsi que des paysages – ceux traversés par le jeune migrant. Il faut attendre la fin du spectacle pour apprendre que ces images ont été filmées aux quatre coins du monde, au Mexique, mais aussi en Corée, au Japon, en Afrique. Chacun, par le dispositif scénique et par la teneur du récit, est amené à entrer en empathie avec l’expérience racontée, et à imaginer toutes les autres histoires, à la fois différentes et similaires, que cachent les chiffres anonymes des statistiques migratoires. Après l’arrivée, c’est un autre récit qui pourrait être raconté, celui de l’accueil.

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Le 13 juillet 2018






Crocodiles, l'histoire vraie d'un jeune en exil
Adaptation et mise en scène de Cendre Chassanne et Carole Guittat

En tournée en régions Bourgogne Franche-Comté et Grand Est
Centres de jeunesse CCAS

12/07 Lamarche-sur Saône
13/07 Montgesoye
14/07 Willer-sur-Thur
15/07 Luttenbach-près-Munster
17/07 Xonrupt-Longemer
18/07 Le Bonhomme
19/07 Tantonville
20/07 Villers-sur-Fère



Crédits photo : © Mat Jacob


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