communauté. C'est aujourd'hui au tour du Mémorial de la Shoah, à Paris, d'accueillir l'exposition Irène Némirovsky - "Il me semble parfois que je suis étrangère..." Quelques mètres carrés de photographies, manuscrits et articles de journaux pour saisir les quatre saisons de l'écrivaine : Russe, Française, Apatride, Juive.
ui permet également d'affiner sa plume ; l'enfant solitaire qui composait des vers en russe cède peu à peu la place à une écrivaine de talent dont le premier roman, Le Malentendu, paraît en 1926 dans le mensuel Les Œuvres libres. Cette histoire d'adultère, qui emprunte autant à la bourgeoisie de Guy de Maupassant qu'à l'univers de fête d'un Francis Scott Fitzgerald, est surtout prétexte à une réflexion plus profonde : en soulevant le problème de l'intégration des Juifs, Irène Némirovsky pose sur son époque un regard lucide et presque prémonitoire, puisque moins de vingt ans après la parution du Malentendu devait s'écrouler tout rêve d'assimilation. Suivra un deuxième ouvrage, L'Ennemie, d'inspiration plus manifestement autobiographique. Mais c'est en 1929, avec son troisième roman, David Golder, que vient le succès : pour écrire cette satire des milieux financiers, la romancière s'est largement inspirée de son propre vécu. Ainsi, en 1936, elle répond à un journaliste : "Vous voulez savoir pourquoi le monde des affaires tient tant de place dans mes romans ? Mais simplement parce que j'ai, là-dessus, beaucoup de souvenirs personnels. Mon père était banquier. C'est sous l'aspect des conflits d'argent que me sont apparus les premiers drames dont mon esprit ait été témoin" (La Revue des deux mondes, n°591). Nulle revendication d'une quelconque judéité, nulle nostalgie du shtetl dans cette fresque qui se déroule pourtant dans le décor juif ashkénaze. L'étude de moeurs que constitue David Golder partagerait davantage de résonances avec l'univers balzacien - lors de sa parution, Bernard Grasset compare le roman au Père Goriot. La critique italienne, quant à elle, y voit l'héritage du courant vériste, caractérisé par un emploi mimétique de la langue, une conception fragmentée du temps - fer de lance de toute société capitaliste avancée - et le refus d'une quelconque vision téléologique du monde, qui puisse, par sa nature, nuire à la vraisemblance de l'histoire.
Apatride. Au début des années 1930, l'avenir semble donc radieux pour Irène Némirovsky : le film inspiré de sa nouvelle Le Bal - intrigue cruelle aux allures de règlement de comptes - connaît un franc succès et consacre les débuts d'une actrice alors inconnue, Danielle Darrieux. La sécurité financière de la famille Epstein paraît également assurée par la signature d'un juteux contrat de vingt ans d'exclusivité avec les éditions Albin Michel ; enfin, le bonheur familial est couronné par la naissance d'une deuxième petite fille, en 1937. Mais c'était sans compter sur l'ascension d'Adolf Hitler, et la montée de l'antisémitisme en France. Le climat est chaque jour plus délétère ; la romancière, qui ne s'est jamais cachée d'être juive, devient l'objet de vives critiques. Les ventes de ses livres chutent de façon vertigineuse, les comptes bancaires sont gelés. Pour subvenir aux besoins de sa famille, Irène Némirovsky est contrainte de rédiger une série de nouvelles, qui seront publiées dans le journal Marie-Claire.
Les collections présentées en fin de parcours sont chargées de la même émotion : aux lettres de sa femme, envoyées à la hâte depuis le camp, Michel Epstein répond en remuant ciel et terre pour tenter de la libérer, télégraphiant à son entourage des messages de plus en plus pressants. Albin Michel, l'éditeur et ami André Sabatier, tous sont sollicités pour attester de l'honnêteté et de la loyauté de son épouse. Tous répondent de façon positive. 
