L`Intermède
eyewitness, hungarian photography, 20th century, phootgraphie, hongroise, hongrie, exposition, exhibition, royal academy of arts, academy, londres, london, photo, capa, kertesz, moholy-nagy, baloghRudolf, André, Robert et les autres
Robert Capa, André Kertész, Laszlo Moholy-Nagy... C'est, sans conteste, en Hongrie que certains des plus grands photographes européens du XXe siècle sont nés. Sans qu'ils affirment jamais leur nationalité : nombre de ces artistes de l'image ont fui leur pays, poursuivant leurs travaux dans les contrées qu'ils ont sillonnées, en Europe ou en Amérique du Nord. Ce que la Royal Academy of Arts de Londres expose, jusqu'au 2 octobre, avec Eyewitness, Hungarian Photography in the 20th Century : un itinéraire chronologique autour de la photographie hongroise éclairant, par des oeuvres majeures, à la fois l'histoire de l'Europe et l'histoire de l'art.


Un berger enfoui sous un manteau traditionnel et flanqué de ses deux chiens (Rudolf Balogh, 1930), la dernière robe à la mode mise en valeur par Martin Munkacsi, un militien espagnol qui succombe sous les tirs devant l'objectif de Capa : autant d'images singulières et composites, dont l'ensemble trouve son unité dans l'Histoire. Celle de la Hongrie, bien sûr, mais eyewitness, hungarian photography, 20th century, phootgraphie, hongroise, hongrie, exposition, exhibition, royal academy of arts, academy, londres, london, photo, capa, kertesz, moholy-nagy, baloghaussi celle de l'Europe d'après la première guerre mondiale, d'après la chute de l'Empire austro-hongrois, celle des guerres et des exils. Après la défaite de la Grande Guerre, la Hongrie est amputée, par le traité du Trianon en 1920, des trois quarts de son territoire. Des milliers de Hongrois se retrouvent, de fait, à vivre dans d'autres pays. Les difficultés sociales et politiques de leur pays s'inscrivent sur les clichés des photographes, à une époque où ce type d'image est autorisé - dans les années 1930, le travail de Kata Kalman donne ainsi à voir les ouvriers et les paysans hongrois. Mais après la seconde guerre mondiale, il est interdit de prendre des instantanés qui pourraient témoigner des problèmes sociaux que connaît la Hongrie. Il faudra attendre les années 1970 pour que renaisse la photographie documentaire, notamment sous l'objectif de Tanas Ferner.

C'est aussi la guerre, ou plutôt les guerres, qui hantent les images. Brassaï, Kertész et Moholy-Nagy sont appelés sur le front mais seul Kertész, encore amateur, réalise des clichés à cette occasion. Lui et Moholy-Nagy sont blessés sur le champ de bataille, Brassaï est fait prisonnier un temps par les eyewitness, hungarian photography, 20th century, phootgraphie, hongroise, hongrie, exposition, exhibition, royal academy of arts, academy, londres, london, photo, capa, kertesz, moholy-nagy, baloghRoumains. Tous gardent un souvenir traumatique de ces événements. Robert Capa, plus tard, se fera une spécialité de la photographie de guerre, lui le photojournaliste sans peur qui est le seul à saisir le débarquement des alliés en Normandie en 1944. L'un des clichés montre un soldat tentant d'atteindre la plage, seule sa tête casquée émergeant de l'eau, flouté par le mouvement (American soldier landing on Omaha Beach. D.Day, 6 juin 1944). Un des seuls documents qui demeurent de cet instant. Car Capa envoie le jour même, en urgence, 72 négatifs au magazine Life mais, dans la précipitation, on les place dans une pièce trop chaude, ce qui les endommage irrémédiablement. Seuls 11 seront sauvés. "Si votre image n'est pas assez bonne, c'est que vous n'êtes pas assez près", disait celui qui mourra dix ans plus tard au Vietnam, en marchant sur une mine. 

Exils
Dans l'entre-deux guerre, les difficultés politiques et l'antisémitisme grimpant obligent ces photographes, tous d'origine juive, à changer leur nom pour travailler -  Gyula Halász devient Brassaï, Kertész, Andor eyewitness, hungarian photography, 20th century, phootgraphie, hongroise, hongrie, exposition, exhibition, royal academy of arts, academy, londres, london, photo, capa, kertesz, moholy-nagy, baloghKohn, et Moholy-Nagy, László Weisz -, puis à quitter leur pays. C'est cet exil forcé qui fait la marque d'une "photographie hongroise", et qui participe paradoxalement de son rayonnement au cours du siècle.  "En 1918, la Hongrie se déclare République démocratique, rappelle le commissaire Colin Ford*. Cela ne dure pas longtemps. Après cinq mois de tumulte durant lesquels les armées de Tchécoslovaquie, de Roumanie, de Serbie et des autres pays des Balkans entrent en Hongrie sous le commandement du Général Franchet d'Esperey, le gouvernement - qui avait aussi perdu sur le front intérieur - est défait. [...] Après cet effondrement, le régime communiste qui a suivi a duré encore moins longtemps." A son leader, Bélà Kun, succède le dictateur Miklos Horthy. La "Terreur blanche" frappe alors le pays. En 1920, le Numerus Clausus, une des premières loi contre les Juifs du XXe siècle en Europe, est proclamée en Hongrie, limitant la part de Juifs autorisés à aller à l'Université à 5%.

Tous les grands noms exposés à la Royal Academy of Arts sont partis pour la Grande-Bretagne, la France ou les Etats-Unis, irriguant ces pays de leurs images et influençant leurs pairs. Ils y connaissent le eyewitness, hungarian photography, 20th century, phootgraphie, hongroise, hongrie, exposition, exhibition, royal academy of arts, academy, londres, london, photo, capa, kertesz, moholy-nagy, baloghsuccès et la célébrité qu'ils n'ont pas rencontrés chez eux. "J'ai eu envie de devenir photographe parce que je désirais traduire tout les choses qui m'avaient enchanté dans le vie nocturne de Paris dont j'avais fait l'expérience", témoigne simplement Brassaï, en 1976, au sujet de l'ouvrage qui l'a rendu célèbre : Paris de nuit, en 1932. Les émigrés hongrois se soutiennent les uns les autres et s'intègrent à la vie artistique des grandes capitales. Kertész aide Brassaï à percer, et tous deux se mêlent aux surréalistes et aux mouvements d'avant-garde. Ainsi de Moholy-Nagy, qui enseigne le design au Bauhaus entre 1923 et 1928 et y impose la photographie comme une véritable discipline. Son travail se fonde sur la composition et l'abstraction, transfigurant le réel par le point de vue que l'objectif lui impose. La tour Radio de Berlin devient, en vue aérienne, un cercle dans un cercle, aplati par l'angle de vue. Une forme géométrique qui pourrait être interprétée à l'infini, comme les remous immobiles d'un ricochet (Berlin Radio tower, 1928).

Une photographie hongroise ?

En 1914, Rudolph Balogh déclare : "Nous avons besoin de photographes qui communiquent nos particularités et notre caractère national." Ainsi né ce que l'on appelle le "style hongrois" : des images qui dépeignent de façon nostalgique et romantique la Hongrie rurale de l'époque. Témoin, sur une photographie de Balogh, la lumière qui perce à travers les nuages dans un arrière-plan et vient voler la vedette au bétail du premier plan crée un effet dramatique saisissant. Mais avec le temps, c'est plutôt la diversité des courants et des styles qui l'emporte. Au pictorialisme s'oppose notamment le courant de la "Nouvelle Objectivité", mené, entre autres, par Angelo et Jozsef Pecsi. Non seulement ces photographes participent-ils aux grands mouvements artistiques européens, mais ils font eux-même évoluer les pratiques, en art comme dans les autres formes de la photographie. Beaucoup travaillent en effet pour la presse pour vivre et renouvellent considérablement certains genres, à l'instar d'un Martin Munkacsi qui, dans les années 1930, fait sortir la photographie de mode des studios et l'invite à l'air libre avec un sens du mouvement et du cadrage novateur pour l'époque.

Si les Hongrois comptent autant dans l'Histoire de la photographie, c'est peut-être aussi parce que la photographie amatrice est une pratique courante dans leurs pays, ce qui facilite la réalisation des vocations diverses. "C'était une tradition dans la Hongrie d'avant-guerre de donner un appareil photo aux jeunes garçons pour leur anniversaire, rappelle Colin Ford. Plusieurs artistes de l'exposition semblent avoir bénéficié de cette coutume." Et c'est probablement dans le fait que nombre d'entre eux aient appris la photographie par eux-mêmes, en parfaits autodidactes, qu'il faut chercher la raison de leur créativité foisonnante, donnant naissance à des oeuvres qui ne répondent à aucune école, aucun dogme autre que celui de leur inventivité.
 
Claire Cornillon, à Londres
Le 25/08/11

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Eyewitness, Hungarian photography in the 20th century
, jusqu'au 2 octobre 2011
Royal Academy of arts
Burlington House, Piccadilly
Londres
Tlj 10h-18h
Nocturne vendredi (22h)
Tarif plein : £10
Tarifs réduits: £8, £6 et £4
Rens. : 0844 209 00 51
* Catalogue de l'exposition


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