L`Intermède
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LA HALLE SAINT PIERRE, au coeur de Paris, a fait de l'art "éthique" sa singularité, consacrant ses grands espaces au pop surréalisme tout autant qu'à l'art brut. On y lit aussi, toujours en soutenant auteurs et créateurs. Pour le deuxième volet de l'exposition Hey #2, modern art et pop culture, en collaboration avec le magazine Hey !, L'Intermède a rencontré Martine Lusardy, la directrice de la Halle Saint-Pierre, et son libraire, Pascal Hecker. Visite d'une exposition - et d'un lieu - qui regardent du côté de la différence.

Par Marie Godart

"ON A FAIT avec la topographie du lieu. D'un handicap, on a fait une force." Comme les artistes qu'elle expose, la Halle Saint Pierre est un lieu qui doit dépasser des obstacles inhérents à sa nature :  le lieu est sombre au rez-de-chaussée, extrêmement lumineux à l'étage. Mais c'est au sous-sol que la nouvelle exposition commence, pour donner le ton : ici, l'underground est roi. "Si on a fait Hey ! #2, c’est parce qu’on est restés sur notre faim avec la première édition", explique la maîtresse des lieux, Martine Lusardy. Lancée en 2011, l'exposition marquait la première collaboration entre la galerie d'art et le HEY, Modern Art, Pop Culture, Part II, halle saint pierre, paris, expo, exposition, pop culture, surréalisme, art moderne, contre-culture, avant-garde, création, art, curiosité, revue, interviewmagazine mensuel Hey !, modern art et pop culture, fondé en 2010. L'objectif : donner à voir les créations d'artistes issus de courants méconnus en France comme le pop art, le pop surréalisme ou encore le folk art.



Refus de la hiérarchie

LA HALLE SAINT PIERRE devient le théâtre d'un grand écart culturel : Windsor McCay, créateur de Little Nemo et des phylactères placés au cœur du dessin, côtoie H.R Giger, créateur oscarisé d'Alien et de créatures "biomécanoïdes" qui hantent désormais l'imaginaire collectif, tout autant que des artistes moins (re)connus. Parmi eux, Gerard Born, qui lit les livres "avec un couteau", sculptant dans la masse de papier des apparitions mécaniques, des routes dentées à la De Vinci, et des termes mystérieux. Ses ouvrages habités, mécanisés, interrogent fortement l'actualité du livre et son futur incertain face à l'éphémère flux d'informations numériques. 


TOUTE LA PALETTE DES ÉMOTIONS et des conditions humaines se retrouve donc ici entre œuvres léchées et codifiées et productions brutes, à l'impact émotionnel immédiat. Pas de hiérarchie traditionnelle entre les moyens employés : on privilégie le saisissement, le message, le questionnement. Les artistes eux-mêmes passent le message. Produisant depuis l'espace de liberté qu'ils se sont ménagés dans la création, ils font le lien entre fiction et réel, apprivoisant ce dernier par le truchement du matériau.


Héritage

CERTAINES TECHNIQUES, pour être maîtrisées, demandent un temps de travail considérable. Les peintres Heather Nevay et Travis Louie empruntent ainsi aux maîtres hollandais – Jérôme Bosch, Jan Van Eyck – leurs codes et leurs techniques de création pour mieux les détourner. Chez Louie, des créatures à peine humaine fixent le photographe dans des postures issues directement de l'expressionnisme allemand. Nevay, elle, peint des jeunes filles à la peau d'opale et aux visages soucieux et identiques qui semblent jouer. Dans des décors rappellant des détails du Jardin des Délices de Bosch, elles regardent le visiteur sans détour. "Jouons-nous ? Jou(er)ez-vous ?", interrogent-elles.

ON JOUE BIEN ICI, mais à des jeux d’adultes. Pour Martine Lusardy, "l'adulte joue sur un autre plan : il met à distance, il préserve un espace où tout peut être rejoué. Toutes les valeurs peuvent y être inversées. C'est un espace où on peut travailler ce lien entre la réalité, qui est une réalité terrible à HEY, Modern Art, Pop Culture, Part II, halle saint pierre, paris, expo, exposition, pop culture, surréalisme, art moderne, contre-culture, avant-garde, création, art, curiosité, revue, interviewlaquelle il faut s'habituer, et l'imaginaire." Les poupées Barbie de Mariel Clayton le montrent en s'attaquant au mythe pluricéphale véhiculé par la figurine au corps rigide. De l'archétype du couple hétéronormé et d'un monde sans taches, elle tire des scènes érotiques ou d'une extrême violence. Tout cela à l'échelle de la poupée.



Angoisse

LA DOULEUR, LA MORT, la corruption de la chair et de l'esprit... Pour la directrice du musée, ces angoisses ne sont pas provoquées par les œuvres mais nos propres projections. "Il y a des angoisses nécessaires... Au-delà de l'arsenal chimique pour les oublier, il y a aussi d'autres lieux, comme la création, où l'on peut justement tout mettre en œuvre pour pouvoir les prendre en main nous-mêmes." Ces artistes, parfois sans le savoir, fournissent des outils pour réapprendre l'émotion. "Nous pouvons retourner puiser en nous-mêmes tout ce que nous avons oublié, perdu, refoulé, pour devenir un être postmoderne."

LES ARTISTES DONNENT AINSI à voir les passages empruntés par l'humanité au cours de sa traversée du vivant : entre vie et mort, jeunesse et vieillesse, humanité et animalité. Les œuvres de Paul Toupet, apparentées à l'art brut, imposent ainsi leur présence sombre, presque argileuse, sous la lumière crue. Le chamanisme est immédiatement évoqué : inspirées de techniques congolaises et zaïroises pour la création de statuettes à clous N’Konde, elles parlent de peurs, de pertes, de menaces. Des sculptures de papier mâché humanoïdes, aux corps d'enfants et aux masques mystérieux, se sont réunies là, autour d'un adulte étendu, seul. On ne voit jamais leurs yeux. La sculptrice Kate Clark montre avec force l'animalité niée, refoulée, civilisée. Ses sculptures à taille humaine reprennent des peaux d’animaux tannées, travaillées autour de l'ovale de visages – jusqu'à nous ressembler. L'anthropomorphisme poussé à son paroxysme. La douceur du regard des créatures, le grain de la peau presque humaine reconnue sous les poils ras et drus.

L'ARTISTE A PRESQUE UN RÔLE DE CHAMANE, au sens anthropologique : il tisse le lien avec nos origines, avec la nature trop oubliée par la civilisation. Un pied dans une réalité crue et nécessaire, et l’autre dans l'imaginaire, à une époque où les références ont muté pour se tourner
vers la rentabilité, la HEY, Modern Art, Pop Culture, Part II, halle saint pierre, paris, expo, exposition, pop culture, surréalisme, art moderne, contre-culture, avant-garde, création, art, curiosité, revue, interviewrapidité, l'immédiateté même. Ici, il y a clairement inversion des rôles : c'est l’œuvre qui visite celui qui la regarde, qui le contourne et le retourne. Ce que le libraire des lieux, Pascal Hecker, résume ainsi :
 "Le XXe siècle a été un siècle d'extrême lucidité. Mais l'être humain a besoin aussi d'enchantement. Et l'art, c'est une possibilité de donner cette ouverture à la féérie."

M. G.
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à Paris, le 30/07/2013

Hey! #2  Modern Art et Pop Culture
Jusqu'au 23 août 2013
Halle Saint Pierre
2 rue Ronsard
75018 Paris
Lun-Ven 10h-18h / Sam 10h-19h / 
Dim 11h-19h
Tarif Plein : 8 €
Tarid réduit : 6 € 50

Rens: 01 42 58 72 89


 




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