
Musée d’Art Moderne et contemporain de Strasbourg, sa ville natale, propose un Doré and Friends dédié aux phénomènes de filiation qui nourrissent l’illustrateur ou se développent à partir de lui, le Musée d'Orsay à Paris, lui, titre ambitieusement son exposition L’Imaginaire au pouvoir et mène le visiteur sur tous les chemins d'une activité créatrice aussi foisonnante que protéiforme.
critiques dès lors qu’il s’aventure hors du champ qui lui a été assigné. Ainsi, qu’il s’essaie à la sculpture, et on l’accuse immédiatement d’étendre sa médiocrité à de nouveaux domaines. C’est qu’il est bien difficile d’asseoir sa légitimité quand on ne se cantonne pas à une technique ou à un medium artistique unique et que, de surcroît, on s’adresse à un vaste public. À l’illustrateur, on reproche déjà, comme cent ans plus tard aux dessinateurs de BD, de produire des œuvres faciles, peu exigeantes et faites pour satisfaire la foule. En somme, de se prêter à une activité qui, quoique non dénuée d’une certaine forme d’esthétisme, n’est déjà plus tout à fait de l’art.
chef opérateur, […] il regarde les choses avec le point de vue de la caméra." Et, en effet, à voir certaines de ses gravures de Londres, notamment celles qui représentent des gares, des foules, ou encore l’image de la ville vue d’un train, le regard semble se positionner de manière à saisir le mouvement et à l’accompagner. De même, ses illustrations de l’Enfer de Dante et son Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l’enfer imprègnent tout l’imaginaire cinématographique des abysses infernaux.
spectacle, fabrique de la tension dramatique dans le cadre fixe de ses images et, ce faisant, invite à décliner ses œuvres en nouvelles mises en scène – invitation à laquelle n’ont d’ailleurs pas manqué de répondre ses contemporains et ses héritiers, sous des formes aussi diverses que les spectacles de lanterne magique, les tableaux vivants ou les jeux de la Passion.
entrevoir sous une forme grinçante, accentuant ses traits les plus grotesques. Dessiner tout à la fois les couches les plus prospères et les plus démunies de la société londonienne du XIXe siècle est une manière de faire parler par la gravure les inégalités particulières engendrées par la modernité et l’industrialisation. Enfin, lorsque, au moment de la guerre franco-prussienne et de la Commune, Doré peint d’immenses toiles toutes en nuances de gris, peuplées de figure allégoriques comme le Sphynx – seul détenteur de l’énigme de la destruction – l’ange noir de Prusse ou la France, il se fait témoin d’un désastre dont il questionne le sens par le biais de sa représentation imaginaire, faisant ainsi se rejoindre le sentiment intime de la perte et l’ampleur de la catastrophe nationale.


