L`Intermède
Exposition, Fellini, Federico Fellini, Jeu de Paume, paris, photographie, photo, cinéma, film, la dolce vita, 8 1/2, amarcord, la cité des femmes, La grande paradeLe crépitement de la pellicule
L’exposition Fellini, La Grande Parade est une incursion en trois dimensions, vivante et mouvementée, faite d'extraits de films, de découpes de magazines, de dessins du cinéaste et de photos de certaines de ses plus belles œuvres, de la légendaire Dolce Vita, en passant par 8 1/2, Amarcord ou encore La Cité des femmes. Déjà grand succès public, l'exposition du Musée du Jeu de Paume s'envolera ensuite vers Bologne, Madrid et Barcelone.


Foisonnement d'images, en mouvement ou planes, circulation permanente de sons aussi bien mélodiques que cacophoniques… l'exposition que le Jeu de Paume consacre à Federico Fellini (1920-1993) est surtout un point de rencontre entre réalisme et fantasmagorie. Dans la recréation de l’univers du maître fantasque, il ne manque plus qu'un petit homme jovial en costume posté à l'entrée pour hurler aux visiteurs : "Approchez, approchez ! Venez au défilé des 'gueules' felliniennes ! Venez voir la prostituée à la poitrine démesurée, jetez un œil à la mama italienne au large fessier, admirez les paparazzi hystériques ou de simples figurants déformés."

C'est dans cette atmosphère du spectaculaire, d'onirisme inquiétant, que nous balade l'exposition organisée par Sam Stourdzé jusqu'au 17 janvier 2010. Le commissaire d'exposition a réussi à mettre en place un voyage thématique à travers le cerveau surchauffé du maestro italien et remporte ainsi le défi d' "exposer" le cinéma : "Il fallait travailler sur la spatialité, montrer le champ et le hors-champ. Le tout était de casser la linéarité pour faire de cette exposition une exploration de l'espace."

Culture Populaire : l'amour du vacarmeExposition, Fellini, Federico Fellini, Jeu de Paume, paris, photographie, photo, cinéma, film, la dolce vita, 8 1/2, amarcord, la cité des femmes, La grande parade
Federico Fellini incarne avant tout un amour sincère pour la culture populaire italienne. Il commence d'ailleurs sa carrière en tant que caricaturiste, art populaire par excellence, et fait montre d’une étonnante capacité à saisir les aspérités des êtres qui l'entourent, les déformant pour le plaisir d'un grand public. La première salle de l'exposition est donc recouverte de ces déformations felliniennes à l'humour potache, prémices d'un talent certain et témoignage d'un goût prononcé pour l'exubérance qui marquera toute sa filmographie.

Une grande partie du rez-de-chaussée est également consacrée à une autre source d'inspiration majeure du cinéaste : le cirque. Cette obsession naît alors que Fellini n'est qu'un petit garçon et qu'une roulotte brinquebalante traverse sa ville natale de Rimini :"Il s'est manifesté en moi, tout de suite, une adhésion à ce vacarme, ces musiques, ces monstrueuses apparitions, ces risques mortels (…) Je veux dire, enfin, que ce type de spectacle fondé sur l'émerveillement, la fantaisie, la grosse plaisanterie, la fable, l'absence de significations intellectuelles est justement le spectacle qui me convient".

Massif, la clope au bec, des mains en mouvements perpétuels, Federico Fellini s'agite pour offrir aux spectateurs un monde aux apparences triviales, mais qui joue avec les cordes d’un inconscient collectif. Il organise sous sa caméra une rencontre entre des mythes sacrés et des créatures prosaïques qui ne pensent qu'à ingurgiter des cannelloni aux tripes, et à s'enivrer de volupté sexuelle. Sur les murs se croisent alors des images de scènes de repas – la plus monumentale est celle de Fellini : Roma –, mais aussi de concours de beauté, de carnaval et de danse. Fellini s’ennivre de toutes ces célébrations de l'apparence auxquelles il confronte, comme nous le montre plus loin l'exposition, des monstres, à l'image de celui de La Dolce Vita. Cette énorme tête de poisson-lune, dans l'oeil duquel se reflète Marcello Mastroianni, rappelle sans cesse aux spectateurs que toute cette futilité, agréable en surface, est propre à la monstruosité humaine.

Un cinéaste visionnaire
Ignoré par certains de ses contemporains qui passeront à côté de son génie, Federico Fellini est un grand plasticien qui a su s'emparer du monde. L'exposition permet notamment de saisir toute l'influence des médias sur son œuvre : le cinéaste visionnaire avait compris que la télévision bêtifiante et la presse people deviendraient un triste symbole de notre Exposition, Fellini, Federico Fellini, Jeu de Paume, paris, photographie, photo, cinéma, film, la dolce vita, 8 1/2, amarcord, la cité des femmes, La grande paradeépoque actuelle. C'est d'ailleurs de l'imaginaire de Fellini que provient le terme de paparazzi. Le maestro s'amuse même à reprendre des scandales traités largement dans les médias pour en faire une matière filmique – témoin, le striptease de l'actrice dans La Dolce Vita. En regardant les découpes de journaux people sous vitrine, rendues ensuite vivantes à travers les extraits projetés de ses films, il devient évident que l'un des plus grands atouts du cinéaste est avoir su observer et s'imprégner de son époque. Il regarde sans cesse autour de lui et se nourrit du monde :"Je ne sais pas regarder les choses avec détachement (…) Je dois être au milieu des choses, j'ai besoin de tout connaître de tout le monde, de faire l'amour avec tout ce qui est autour de moi".

Fellini s'amuse tout autant de la publicité, qu'il parodie comme dans Les tentations du Docteur Antoine, où un médecin bigot milite contre une affiche qui incite à boire plus de lait en exhibant la large poitrine d'Anita Ekberg. Fellini est devenu, comme le souligne Sam Stourdzé, une référence : "Un grand nombre de cinéastes aujourd'hui s'inspirent ou expliquent combien l'oeuvre de Fellini les a marqués. Je pense bien sur à David Lynch, grand illusionniste, mais aussi au maître espagnol de l'horreur Dario Argento ou même au grand Martin Scorsese."

Des femmes, encore des femmesExposition, Fellini, Federico Fellini, Jeu de Paume, paris, photographie, photo, cinéma, film, la dolce vita, 8 1/2, amarcord, la cité des femmes, La grande parade
L’escalier qui mène du premier au second étage de l’exposition n’interrompt pas la magie fellinienne : des enceintes diffusent une profusion de bruits indéfinissables, avant d’arriver dans l’un des espaces les plus fascinants de l'exposition : la cité des femmes. Toutes les muses felliniennes s'y côtoient, sous l'œil séducteur de Marcello Mastroianni qui se glisse dans n’importe quel recoin. Giulietta Masina - première muse et épouse du cinéaste - partage les murs avec des figures récurrentes telle la prostituée animale ou son opposition directe, la "mama" italienne castratrice.

Plus loin, des unes de magazines témoignent de la popularité de la suédoise Anita Ekberg - emblème de La Dolce vita -, dont la plastique n’est pas sans rappeler une Marilyn Monroe ou une Brigitte Bardot. Pour Fellini, la beauté de ces cover-girls des années 1950 est surhumaine, finalement tout aussi fascinante qu'effrayante. Le cinéaste est obsédé par la féminité et cherche perpétuellement à travers toutes ces femmes belles, grandes, petites, moches, rondes, gueulardes ou fatales, à recréer un portrait en mosaïque de la féminité. De la mère à la catin, elles demeurent pour lui un mystère impénétrable et éternel, si bien qu'il les maquille à outrance pour les revêtir toutes d’un masque grimaçant de la comedia dell'arte.

Voyage au centre de l'inconscient
Cette sensation troublante de parcourir les moindres recoins du cerveau de Fellini trouve son apothéose dans la dernière pièce, où est exposé un support inédit et jamais montré au public, Le Livre de mes rêves. Deux volumes colossaux dans lesquels le cinéaste a couché ses divagations nocturnes à l'aide de pinceaux et de crayons de couleurs. Tout commence en 1965, lorsque Fellini débute une psychanalyse d'inspiration jungienne. Déçu par les freudiens quelques années plus tôt, cette rencontre sera un véritable déclic créateur, et le réalisateur s’obligera à retranscrire tous ses rêves sur papier pendant quatre ans, questionnant même ses proches sur leurs songes.
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Cette exploration de l'inconscient ne fait nullement peur au maître, elle lui permet d'exploiter toutes les images précieuses refoulées dans son inconscient et le transforme définitivement en cinéaste de l'onirisme. Cette prédominance du rêve, sans queue ni tête, se ressent dans des œuvres telles que La Cité des femmes (1979) où Marcello Mastroianni se balade dans le film comme on voyage dans un rêve : sans lien logique. Après s'être fait courser par une bande de jeunes loubardes à chewing-gum, il glisse gaiement dans un toboggan rouge, puis apparaît enfin dans une salle recouverte de portraits de femmes où un interrupteur permet d'entendre le son de leur jouissance. Tout ce qui est fantasmagorique à sa place dans l'univers de Fellini, grand dresseur de puces savantes, dont l'oeuvre cohérente et unie est un vaste spectacle de cirque. De cela, Sam Stourdzé dit très joliment : "Le cirque est un spectacle sous le chapiteau, le cinéma selon Fellini est le chapiteau de notre monde."
 
Florence Rochat
Le 01/12/09
 


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Fellini, la grande parade, jusqu'au 17 janvier 2010
Musée du Jeu de Paume
1, place de la Concorde
75008 Paris
Mer-vend : 12-19h
Sam-dim : 10h-19h
Nocturne le mardi (21h)
Fermé le lundi
Tarif plein : 7 €
Tarif réduit : 5 €
Rens. : 01 47 03 12 50

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Denise Colomb a photographié les Antilles à dix années d`intervalle. Ses clichés sont exposés à l`Hôtel de Sully par le Jeu de paume.https://www.lintermede.com/images/s/san/sandrabullock10.jpg


Crédits et légendes photos
Vignette sur la page d'accueil : Les photographes à l'arrivée de la vedette de cinéma, La Dolce Vita 1960 Photographie de tournage Collection Christoph Schifferli, Zürich, DR
Image 1 Anita Ekberg et Marcello Mastroianni, La Dolce Vita 1960 Photographie de tournage Collection Fondation Jérôme Seydoux-Pathé © 1960 La Dolce Vita - Riama Film - S.N.Pathé Cinéma - Gray Film / identité de l’auteur réservée
Image 2 Federico Fellini, 8 ½ 1963 Photographie de tournage de Tazio Secchiaroli © David Secchiaroli
Image 3 Marcello Mastroianni sur le tournage de 8 ½ 1963 Photographie de Paul Ronald © Archivio Storico del Cinema / AFE
Image 4 Anita Ekberg, La Dolce Vita 1960 Photographie de tournage Collection Christoph Schifferli, Zurich, DR
Image 5 Rêve du 1er avril 1975 Livre des Rêves Dessin de Federico Fellini © Fondazione Federico Fellini, Rimini
Image 6 Federico Fellini mars 1955 Collection particulière, DR