Avant le crépuscule
Loin des fantasmes de l'Allemand Leo Frobenius qui, après Desplagnes, traverse le plateau à la recherche de l'Atlantide, Marcel Griaule (1898-1956) commence en 1931, à l'occasion de la mission ethnographique Dakar-Djibouti, une étude approfondie de la culture Dogon. Les masques anthropomorphes ou zoomorphes présentés ici ne couvrent pas les soixante-dix-huit catégories répertoriées par Griaule dans sa thèse, mais donnent une bonne idée du style et des matériaux utilisés. Témoin, un masque kanaga qui tient une place particulière par sa relation avec le savoir des initiés dispensé grâce aux peintures rupestres. Pour les non-initiés, la figure en forme de croix qui surmonte le masque représente une espèce de colombe des marécages, alors que pour les détenteurs du savoir les branches orientées vers le ciel et la terre reliées par la hampe centrale évoquent l'unité du cosmos. Le film de Jean Rouch, Le Dama d'Ambarra (1974), sort ces artefacts de la fixité aseptisée du musée : les images colorées commentées par le réalisateur de Moi, un noir (1958) immergent pour un temps dans une cérémonie qui n'est pas encore un spectacle folklorique. La mise en scène du regard ethnographique est très certainement à mettre en relation avec la personnalité d'Hélène Leloup, qui se place dans la lignée des explorateurs qu'elle révèle au grand public. Sa découverte du pays Dogon, qu'elle raconte dans le catalogue, n'a rien à envier aux récits du siècle dernier : "Je m'étais mariée avec Henri Kamer avec l'idée de voyager, et je l'accompagnais pour trouver de beaux objets. Nous partîmes avec un 4x4 de l'armée américaine (bien révisé) pour un long périple établi avec une carte Michelin. Nous connaissions à peine le nom des populations et leurs objets, aperçus à travers les vitrines du musée de L'Homme."
débarrasser des objets de culte et à rejeter leurs pratiques anciennes, comme en témoigne cette anecdote rapportée par la commissaire : "Un jour, après avoir parcouru des kilomètres pour trouver un forgeron réputé auquel je voulais montrer des photos d'objets dont je pensais qu'ils appartenaient à son ancien atelier, j'obtins pour toute réponse que, devenu un 'vrai croyant', il ne voulait pas pécher en discutant de ces idoles."
